Le nouveau propriétaire de l' Evening Standard, ancien espion, a reçu Le Figaro dans sa résidence à Moscou.
Alexandre Lebedev est l'oligarque russe dont on parle en Europe ces derniers temps. Car il a racheté la semaine dernière «pour une somme symbolique» le quotidien britannique déficitaire The Evening Standard, juste quelques jours après l'achat de France Soir par un autre milliardaire russe, Sergueï Pougatchev.
Alexandre Lebedev, 49 ans, a un début de CV idéal pour faire peur à Fleet Street : «agent du KGB». Sauf qu'à la différence de nombre de hiérarques russes, cet anglophone distingué ne fait pas mystère de son passé d'espion.
Il le mentionne noir sur blanc sur l'un de ses sites Internet, celui du Nouveau parti indépendant qu'il vient de fonder avec Mikhaïl Gorbatchev. Atypique, Lebedev le milliardaire rejette le terme « oligarque » qui définit, selon lui, les prédateurs enrichis dans les matières premières sur le dos de l'État post-soviétique.
Lui affirme avoir bâti sa fortune de banquier en créant de la valeur. Copropriétaire du journal indépendant Novaïa Gazeta, volontiers critique de Poutine, Lebedev cultive le paradoxe. Ex-député du parti du Kremlin, il reste au cœur du système en étant actionnaire d'Aeroflot, à 28 %, et du géant public Gazprom.
Ce «capitaliste idéaliste» n'a pas été épargné par la crise. «Mes actions Aeroflot valaient 1 milliard de dollars en mai, elles ne valent plus que 330 millions », raconte-t-il en recevant Le Figaro dans sa résidence de travail, un vaste pavillon au cœur de Moscou, avec piscine et salle de sport. Un pied à terre à mi-chemin entre sa résidence familiale et la tour de sa National Reserve Bank à la vue imprenable sur le Kremlin.
Sans yacht ni jet
Lebedev relativise l'importance de ses pertes boursières car, à la différence d'autres oligarques, il n'a pas gagé ses actions en échange de lourds emprunts. «Dommage, ironise-t-il, cela m'a empêché d'obtenir une aide la banque publique VEB.» La crise des liquidités coupe toutefois les ailes de sa compagnie aérienne allemande Blue Wings.
Selon la liste Forbes 2008, sa fortune (3,1 milliards de dollars) le plaçait au 39e rang russe. «J'ai écrit à Forbes pour qu'il m'enlève de sa liste idiote et me remplace par des gens haut placés, sûrement plus riches que moi», persifle l'homme d'affaires. Sans yacht ni jet, Alexandre Lebedev assure ne pas réduire son train de vie. Il poursuit ses œuvres de mécène - la restauration d'une forteresse italienne, son centre culturel russe au château des Forgets à L'Isle-Adam - en gardant un œil sur la rentabilité de ces projets.
Cet investisseur, dont le cerveau semble produire dix idées à la minute, tire des leçons de la crise. «Je suis incapable de savoir ce que je gagne et ce que je perds à un instant T, même dans les entreprises que je contrôle à 100 %. Je veux ouvrir mon capital, notamment à mes salariés, pour améliorer la transparence.» Décidément atypique.
F. N.-L., correspondant à Moscou
27/01/2009 | Mise à jour : 09:24
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