samedi 31 mai 2008

Vladimir Poutine : "Elargir l'OTAN, c'est ériger de nouveaux murs de Berlin"

Stéphane Lavoué/MYOP pour "Le Monde"
Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, le 30 mai à Paris.

Cette visite en France est la première que vous effectuez à l'étranger en tant que premier ministre. Votre dîner en tête-à-tête avec Nicolas Sarkozy révèle une ambiguïté : qui dirige la politique étrangère, vous ou Dmitri Medvedev ?

Il n'y aucune ambiguïté. Nous avons fait connaissance avec M. Sarkozy à l'époque où j'étais encore président. Des liens d'amitié se sont noués. Quand la question de mon avenir s'est posée, il m'a demandé ce que j'allais faire. Je lui ai répondu que je n'avais pas encore décidé. Il m'a dit alors : dans tes nouvelles attributions, promets-moi que ta première visite à l'étranger sera à Paris. C'est chose faite.
Le président m'a parlé des questions de défense et de politique étrangère. L'humble serviteur que je suis s'occupe avant tout des questions économiques et sociales. En tant que membre du Conseil de sécurité de la Russie, je suis aussi concerné par les questions abordées avec le président français. Quant à la répartition des pouvoirs en Russie, le président a sans conteste le dernier mot. Et le président, aujourd'hui, c'est M. Medvedev.

Vous avez rencontré Jacques Chirac vendredi matin. Quel était le but de cette rencontre ?

Pas de but particulier. Nous avons travaillé ensemble de nombreuses années. Il a un rapport très chaleureux à la Russie. Il la connaît en profondeur. Je partage ses vues : les relations entre la Russie et l'Europe, la Russie et la France, doivent peser sur la scène internationale. Jacques est aussi un homme très agréable, un interlocuteur brillant, avec des connaissances encyclopédiques, je le dis sans exagérer. A l'époque où nous travaillions dans le cadre du G8, j'avais déjà constaté qu'il se trouvait au centre de l'attention générale. Il a toujours un point de vue argumenté sur les questions de civilisation et les sujets d'actualité.
Comme il a beaucoup fait pour les relations entre nos deux pays, le président Medvedev a décidé de lui décerner le prix d'Etat de la Fédération de Russie. Nous espérons qu'il nous fera l'honneur d'une visite au Kremlin lors de la fête nationale russe, le 12 juin, et que le président pourra lui remettre son prix.

Le pouvoir russe actuel a deux visages, est-ce une solution transitoire, ou souhaitez-vous que le premier ministre devienne l'équivalent d'un chancelier allemand ?

La Russie est une république présidentielle. Nous ne modifierons pas le rôle clé du chef de l'Etat dans le système politique du pays. Le fait que je dirige le gouvernement est une curiosité dans notre histoire politique. Mais l'essentiel est ailleurs : je dirige en même temps un parti qui occupe un rôle de premier plan dans la vie politique du pays et qui a une majorité stable au Parlement. C'est un signe incontestable qu'en Russie, nous sommes attachés au système multipartite et à une valorisation du rôle du Parlement. C'est ça, le vrai message politique.

En Russie on dit que M. Medvedev et vous êtes au pouvoir pour vingt ans. Dans quelles circonstances pourriez-vous quitter vos fonctions ?

[Jeudi soir], Nicolas [Sarkozy] m'a parlé de ses plans de modernisation de la France. Il est très passionné et sincère, il veut changer les choses dans le pays, pour le bien des Français. Evidemment, il n'y aura pas de changements positifs à court terme, mais certaines décisions doivent porter leurs fruits dans quelques années. Tout cela suscite des débats dans la société. La Russie est dans l'obligation de se moderniser dans plusieurs domaines. D'abord en économie, où il nous faut privilégier l'innovation. Nous en discutons activement. Les premiers résultats se font sentir, d'ailleurs. Il faut aussi changer le système de rémunération dans le secteur public, moderniser notre système de retraites en garantissant à nos concitoyens une vieillesse et des revenus décents. La pension de retraite doit davantage correspondre à ce qu'on touche au long de la vie. Il y a aussi l'agriculture. La Russie fait face à de nombreux défis. Nous sommes décidés à agir de façon parfaitement honnête vis-à-vis de nos concitoyens, sans s'occuper de politique politicienne. Si nous y parvenons, l'organisation du pouvoir au plus haut niveau ne sera pas si importante que cela. Les objectifs communs, voilà l'essentiel. L'équipe en place actuellement est très compétente, très professionnelle, composée de spécialistes, ainsi que d'élus au sein du Parlement qui nous soutiennent. On va essayer de garder cette unité le plus longtemps possible. La façon dont se partagent les rôles et les ambitions est secondaire.

Quelle est la part respective, dans la réussite de l'économie russe ces dernières années, du baril de pétrole et de votre travail ?

Je ne veux pas porter de jugement sur mon travail passé. Même si je considère que j'ai travaillé consciencieusement, honnêtement, et que j'ai beaucoup obtenu. A commencer par le rétablissement de l'intégrité territoriale du pays et de la légalité constitutionnelle, jusqu'à l'assurance d'une croissance élevée et d'une réduction de la pauvreté. Bien-sûr, les prix et la conjoncture internationale ont compté de façon visible et importante. Mais saviez-vous qu'à l'époque soviétique il y eut des périodes où le cours du pétrole était élevé. Mais tout cela a été bradé et consommé, sans effet sur le développement économique. Plus récemment, les prix du pétrole ont commencé à monter en 2004. Or dès 2000, nous avons obtenu une croissance record de 10 %, pas du tout lié au pétrole. Ces dernières années, en matière de fiscalité et de gouvernance, nous avons choisi de privilégier le développement de l'industrie manufacturière, d'encourager l'innovation. Telle est notre mission principale. Les premiers résultats se font sentir. De quelle façon ? La part de l'industrie manufacturière dans la hausse du PIB est plus grande que celle des matières premières. C'est encore trop peu à mon sens.
Ces dernières années l'Etat russe a repris le contrôle des secteurs stratégiques de l'économie notamment celui de l'industrie pétrolière. Son poids n'est-il pas un frein à l'initiative et à la productivité ?
Pas du tout. Votre vision est erronée. L'extraction du pétrole n'a pas augmenté l'année dernière, ou très peu, c'est vrai, mais pas parce que l'Etat en a pris le contrôle. Je voudrais attirer votre attention sur quelques faits. Tout d'abord, la Russie n'est pas membre de l'OPEP. Ensuite, dans la plupart des pays extracteurs, seul l'Etat apparaît dans le secteur pétrolier. En Russie, le secteur privé est présent dans le domaine des hydrocarbures. Toutes les multinationales y sont, notamment françaises comme Gaz de France ou Total qui sont engagées sur des gisements importants. Bien sûr, nous avons veillé à soutenir les entreprises que l'Etat contrôle, comme Gazprom et Rosneft. Les autres, une dizaine de grandes entreprises, sont privées, avec des capitaux étrangers, britanniques, américains, indiens, chinois, français, allemands. Notre secteur énergétique est bien plus libéral que dans la plupart des pays, y compris en Europe. Nous concluons une importante réforme du secteur de l'énergie électrique. Au 1er juillet, notre plus grande compagnie, RAO UES, cessera d'exister. Elle va se scinder en plusieurs unités, tandis que le secteur de la production, petites centrales et grandes unités, sera proposé à des investisseurs privés. Des acteurs européens importants viennent donc d'Italie ou d'Allemagne, avec des investissements de 6, 8, 10, 12 milliards de dollars et d'euros. Peu de pays européens font preuve d'un tel libéralisme. Alors que nous, investisseurs russes, sommes empêchés d'accéder à des projets similaires. Dire que ces marchés là sont fermés est tout à fait faux.
Quels sont les problèmes du secteur pétrolier ? Dès que les grandes entreprises pétrolières et gazières sont devenues plus que bénéficiaires, le gouvernement a décidé de verser les bénéfices dans le budget de la Fédération de Russie, en créant par exemple un impôt sur l'extraction des matières premières et des taxes à l'exportation. Or nous avons découvert que ce système était excessif, que les moyens dont disposent les entreprises pétrolières ne leur permettent plus de faire de la prospection, de développer l'extraction. Nous allons donc baisser l'impôt sur l'extraction des matières premières. Nous espérons des effets positifs dans les années à venir. Nous avons aussi accordé un statut préférentiel pour les nouveaux gisements, notamment en mer du Nord et en Sibérie orientale, où il n'y a aucune infrastructure.
L'inflation pourrait-elle être un facteur de déstabilisation de la société russe ?

Nous ne le craignons pas. L'inflation n'est pas venue de notre marché intérieur, mais a été exportée vers la Russie, en provenance des économies développées, notamment européennes. C'est lié à la hausse rapide et infondée des prix des produits de base. Les spécialistes savent que c'est lié à la consommation en Chine et en Inde, à l'émergence des biocarburants, fabriqués à partie du blé ou du maïs. C'est lié aussi à un afflux important des investissement en Russie. Auparavant, 20 à 25 milliards de dollars sortaient du pays chaque année. L'an passé, le niveau des investissements étrangers directs a atteint 81 milliards de dollars. Ces investissements en pétrodollars s'ajoutent aux pétrodollars de nos propres entreprises. La Banque centrale les prélève et doit émettre des roubles réinjectés ensuite dans l'économie.
Il existe encore d'autres facteurs, que nous connaissons et que nous pouvons traiter pour enrayer ces menaces. Nous allons devoir développer notre industrie agro-alimentaire et garantir le volume indispensable de blé pour nos besoins à l'aide de régulations douanières, de même que les importations nécessaires. Nous allons lutter contre l'inflation comme ça se fait partout ailleurs. La Banque centrale a relevé récemment à 10,5 % les taux d'intérêts pour limiter l'afflux d'argent dans l'économie. Pour ce qui est du social, l'augmentation des prix des produits de base touche avant tout la population à faibles revenus, celle qui consacre presque tout son budget à la nourriture. Ce sont eux qui souffrent le plus. Mais grâce à l'augmentation des salaires, des retraites, des allocations, nous allons essayer de minimiser les conséquences négatives de l'inflation.
Que répondriez vous à Dmitri Medvedev s'il sollicitait votre avis sur un allégement de la peine ou l'amélioration des conditions de détention de l'ex-patron de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski ?

Je dirai qu'il doit prendre cette décision en toute indépendance. Comme moi auparavant, il doit s'appuyer sur la législation. Lui et moi avons fait les mêmes études universitaires à la faculté de droit de Saint-Pétersbourg. Nous avons eu de très bons professeurs qui nous ont administré un vaccin : le respect de la loi. Je connais M. Medvedev de longue date. Il va respecter la loi, il l'a d'ailleurs dit à plusieurs reprises publiquement. Si nos textes le permettent, il n'y aura aucun obstacle. (…) La loi permet d'améliorer les conditions de détention… Bien sûr, mais pour cela il faut que les personnes détenues satisfasse aux obligations prévues par la loi.
Comment la Russie peut-elle prétendre partager les valeurs européennes quand la concurrence en économie et en politique n'est pas admise ?

Je ne vois aucune contradiction. La concurrence, c'est la lutte. Si une des parties prend l'avantage puis l'emporte, ça veut dire que la concurrence existe. Dans tout pays, les acteurs économiques tentent d'êtres proches du pouvoir et d'obtenir des avantages. Nous avons évoqué un des "capitaines" de l'industrie pétrolière russe. A une époque, ces personnes se voyaient refuser le visa d'entrée aux Etats-Unis, on considérait qu'ils étaient liés à la mafia. Soulager son existence en prison, ne serait-ce pas faire deux poids, deux mesures ? La lutte pour les privilèges a toujours existé et existera toujours. La Russie n'est pas un cas unique. Nous nous sommes efforcés de tenir à distance égale les représentants du monde des affaires, plutôt avec succès me semble-t-il.
Le problème était peut-être que Khodorkovski allait trop souvent aux Etats-Unis, et qu'il avait un visa…

Il a finalement obtenu ce visa, alors que d'autres entrepreneurs, comme M. Deripaska, ne l'ont pas. J'ai demandé pourquoi à mes collègues américains. Si vous avez des raisons de ne pas lui délivrer de visa, si vous avez des documents sur des activités illégales, donnez-les nous, nous les exploiterons. Ils ne nous donnent rien, ne nous expliquent rien et lui interdisent l'entrée. [Oleg Deripaska] n'est ni mon ami, ni mon parent. Il représente le grand business russe. Il a des affaires de plusieurs milliards de dollars dans différents pays du monde. Pourquoi restreindre ses déplacements ? Qu'a-t-il fait ? Si vous n'avez rien, levez les entraves. Concernant Khodorkovski, le problème n'est pas ses voyages à l'étranger, mais le fait que la loi a été enfreinte à plusieurs reprises et brutalement. Il a été établi par la justice que le groupe dont il faisait partie a commis des crimes contre des personnes, et pas seulement de nature économique. Ils ont tué plus d'un homme. Une telle lutte concurrentielle est intolérable et nous allons bien sûr y mettre fin par tous les moyens.
Mais il y a aussi le cas du Britannique William Browder, du fonds d'investissements Hermitage présent en Russie, qui est interdit d'entrée depuis 2005 sans savoir pourquoi…

J'entends ce nom pour la première fois. Si quelqu'un estime que ses droits sont violés, qu'il aille au tribunal. Notre système judiciaire, grâce à Dieu, fonctionne. Récemment, une journaliste a été accusée d'avoir franchi la frontière avec trop de devises. Une enquête a été ouverte contre elle. Je crois savoir qu'elle se trouve en France. Elle n'a qu'à rentrer en Russie, se présenter devant la justice et lutter pour ses droits. Mais elle a eu peur. Or la Cour constitutionnelle vient de se prononcer : oui, elle a violé la loi, mais cela ne doit pas entraîner de poursuites pénales. Ce genre d'affaires relève de la justice administrative.

Comment doit-on qualifier le système politique russe ? Est-ce une dictature, un régime autoritaire, une démocratie ?

Nous développons notre pays suivant des principes qui ont fait leurs preuves dans le monde civilisé et qui correspondent à nos traditions et notre culture politique. Le multipartisme, ce n'est pas des milliers de partis incapables d'organiser le processus politique, qui démolissent l'Etat par leur travail, leurs actions et leurs ambitions. Le multipartisme, c'est sans doute un système dans lequel les grands partis représentent les intérêts de divers segments de la population, fonctionnent efficacement et, dans le cadre d'un affrontement civilisé, parviennent à élaborer des décisions répondant aux intérêts de la majorité de la population. Nous avons beaucoup œuvré au renforcement du parlementarisme et du multipartisme. Nous avons réellement avancé, sur un plan législatif, dans la transmission des pouvoirs fédéraux vers les régions et les municipalités. En fait, on a décentralisé le pouvoir en l'accompagnant des ressources financières. Il n'y a pas de société démocratique, normale et civilisée sans composante municipale.
Il existe une tradition. Voyez le Liban. Les différents groupes de populations doivent être représentés dans les hautes sphères politiques. C'est aussi le cas dans le Caucase, au Daguestan. On y trouve plusieurs nationalités reconnues. Si le représentant de l'une d'entre elles dirige la République, le représentant d'une autre devient le président du Parlement et un troisième, chef du gouvernement. Que Dieu vous préserve de rompre cette hiérarchie ! Ca ne sera pas admis dans la conscience collective. On peut faire semblant et dire que cela n'est pas bien, ni démocratique, et qu'il faut à tout prix des élections directes du président, à bulletins secrets. Mais cela détruira la République et je ne peux le permettre. Je suis obligé de tenir compte de l'avis des gens qui vivent sur ce territoire depuis 1 000 ans. Je respecterai leur choix, leur conception de la vie.

Vous vantez la qualité du système judiciaire russe…

Je dis que malgré tous les problèmes existants, le système judiciaire se développe et prouve sa vitalité.

M. Medvedev a parlé de façon plus négative, en évoquant le "nihilisme juridique". Où est la vérité ?

La vérité, c'est que vous avez mal entendu. Il a parlé de nihilisme politique, non pas dans les tribunaux, mais dans la conscience collective. Sans doute existe-t-il. Mais la conscience collective n'est pas coupable. Dans le secteur de la sécurité et de l'administration publique, notamment la justice, les intérêts de la population étaient mal défendues. Il est donc naturel que les citoyens n'aient ni respect ni confiance dans ce système. En cela, il a parfaitement raison. (…)

Si la situation semble normalisée en Tchétchénie, elle s'est aggravée en Ingouchie et au Daguestan. Quel y est selon vous le problème clé ?

La situation en Tchétchénie s'est vraiment améliorée. Le peuple tchétchène a fait le choix de développer sa république dans le cadre de la Fédération. Nous avons vu sa réaction face aux tentatives d'introduction dans la conscience collective de formes non traditionnelles de l'islam. Le wahabbisme, en soi, est un courant de l'islam qui n'a rien de dangereux. Mais il existe des mouvances extrémistes, dans le cadre de ce wahabbisme, qu'on a tenté d'imposer dans la population tchétchène. Les gens ont très bien compris qu'on n'agissait pas dans leurs intérêts mais qu'on faisait d'eux un instrument de déstabilisation de la Fédération de Russie. Cela suppose des souffrances pour le peuple. La stabilisation a commencé par cette prise de conscience. Lorsque nous avons compris ce changement d'état d'esprit, nous avons transmis l'essentiel du pouvoir aux Tchétchènes eux-mêmes dans le domaine de la sécurité et de l'économie. (…) C'est grâce à cela qu'on a pu reconstruire Grozny et restaurer l'économie. En ce qui concerne le Daguestan et l'Ingouchie, nous savons très bien ce qui s'y passe : des intérêts économiques et non politiques se heurtent. C'est peut-être l'expression d'oppositions politiques mais ce n'est pas lié à des mouvances séparatistes. (…)
La guerre en Tchétchénie, les prises d'otages de Beslan et de Nordost sont les pages noires de votre présidence. Aurait-il été possible d'agir autrement ?

Non. Je suis sûr que si nous avions essayé d'agir autrement, tout cela aurait duré jusqu'à aujourd'hui. Nous devions contrer les tentatives de déstabilisation de la Russie. Tout pays faisant des concessions aux terroristes essuie au final des pertes plus grandes que celles subies dans les opérations spéciales. Au bout du compte, cela détruit l'Etat et alourdit le nombre des victimes.

En dehors de la lutte antiterroriste, les défenseurs des droits de l'homme déplorent des crimes contre les civils tchétchènes. La lumière sera-t-elle faite sur ces crimes ?

Dans la République tchétchène, les tribunaux et le parquet travaillent activement. Des poursuites sont lancées contre les auteurs de tels crimes, indépendamment de leurs fonctions. C'est valable pour ceux qui ont combattu [côté tchétchène] et aussi pour les militaires russes. (…) Plusieurs officiers membres des organes de sécurité et de l'armée ont déjà été jugés et condamnés. Ce n'était pas évident pour nos tribunaux. Malgré l'évidence de leurs crimes, les jurys populaires les ont relaxés à plusieurs reprises. Ca en dit long sur l'état d'esprit de la société russe, surtout après les sauvageries commises par les terroristes sur notre population civile. Si nous voulons rétablir la paix civile, personne ne doit franchir la ligne rouge de la loi.

Qu'attendez-vous de la présidence française dans l'Union européenne ?

La France est notre partenaire traditionnel et sûr. On a toujours parlé de partenariat stratégique, cette expression me convient. De tout temps, la France a mené une politique étrangère indépendante et j'espère que cela continuera. C'est dans le sang français. Il est difficile d'imposer aux Français quelque chose venu de l'extérieur. Tout dirigeant français devra en tenir compte. Nous apprécions cette indépendance et c'est pourquoi nous attendons beaucoup de la présidence française. Nous espérons un dialogue constructif pour établir une base juridique dans le partenariat avec l'UE. Le document fondateur de nos relations vient d'expirer. Il n'y a pas de vide juridique car la procédure existante permet de le prolonger chaque année. Mais il faut le renouveler. Nous voulons signer un nouveau traité, nous l'avons dit à plusieurs reprises, tout comme nos partenaires européens. La présidence française doit amener un nouveau souffle.
Estimez-vous que l'Iran essaie d'acquérir la bombe nucléaire ?

Je ne le crois pas. Rien ne l'indique. Les Iraniens sont un peuple fier et indépendant. Ils veulent jouir de leur indépendance et utiliser leur droit légitime au nucléaire civil. Je suis formel : sur un plan juridique, l'Iran n'a rien enfreint pour l'instant. Il a même le droit d'enrichir [de l'uranium]. Les documents le disent. On reproche à l'Iran ne pas avoir montré tous ses programmes à l'AIEA. Ce point reste à régler. Dans l'ensemble, l'Iran a, semble-t-il, dévoilé ses programmes nucléaires. (…) J'ai toujours dit ouvertement à nos partenaires iraniens que leur pays ne se trouvait pas dans une zone aseptisée mais dans un environnement compliqué, dans une région du monde explosive. Nous leur demandons d'en tenir compte, de ne pas irriter leurs voisins ou la communauté internationale, de prouver que le gouvernement iranien n'a pas d'arrière-pensées. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la partie iranienne et avec nos partenaires du "Groupe des 6" et nous continuerons à le faire. (…)

Si vous appreniez que l'Iran confectionne vraiment une bombe nucléaire, serait-ce un problème pour la Russie ?

La politique ne supporte pas le subjonctif. Quand nous disposerons de telles informations, nous réfléchirons à la marche à suivre.

Sur le plan des principes, l'Iran en tant que grande puissance peut-elle prétendre à l'arme nucléaire ?

Nous sommes contre. C'est notre position de principe. (…) Cette voie est extrêmement dangereuse. Elle n'est bonne ni pour la région, ni pour l'Iran. Utiliser l'arme nucléaire dans une région aussi petite que le Proche-Orient serait synonyme de suicide. Quels intérêts cela servirait-il ? Ceux de la Palestine ? Alors les Palestiniens cesseront d'exister. Nous connaissons la tragédie de Tchernobyl. (…) Ce serait contre-productif. Nous avons toujours été sur cette position et j'espère que le président Medvedev la partagera toujours.
Nous allons, par tous les moyens, empêcher la prolifération de l'arme nucléaire. Pour cette raison, nos avons proposé un programme international d'enrichissement de l'uranium, car l'Iran n'est qu'une pièce du problème. Beaucoup de pays émergents se trouvent face au choix de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins civiles. Ils vont avoir besoin d'enrichir de l'uranium et pour cela de créer leur propre circuit fermé. Il y aura toujours des doutes sur l'obtention de l'uranium à des fins militaires. C'est très difficile à contrôler. C'est pour cela que nous proposons que l'enrichissement se fasse dans des pays au-dessus de tout soupçon, car ils ont déjà l'arme nucléaire. Pour engager ce processus, les participants devront être certains de recevoir les quantités nécessaires et qu'on leur reprendra le combustible usagé. On peut créer ce système. Il sera suffisamment fiable et sans danger.

En quoi une éventuelle adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN serait une menace pour la Russie ?

Nous sommes opposés à l'élargissement de l'OTAN en général. L'OTAN a été crée en 1949 en vertu du 5e article de l'accord de Washington sur la sécurité collective. Son objectif était la défense et la confrontation avec l'Union soviétique, pour se protéger d'une éventuelle agression, comme on le pensait à l'époque. L'URSS avait beau dire qu'elle n'avait pas l'intention d'agresser qui que ce soit, les Occidentaux prétendaient le contraire. L'Union soviétique n'est plus, la menace non plus, mais l'organisation est restée. D'où la question : contre qui faites-vous "ami-ami" ? Pour quoi faire ? Admettons que l'OTAN doive lutter contre les nouvelles menaces. Quelles sont-elles ? La prolifération, le terrorisme, les épidémies, la criminalité internationale, le trafic de stupéfiants.

Pensez-vous que l'on puisse résoudre ces problèmes au sein d'un bloc militaro-politique fermé ?
Non. (…) Ils doivent être résolus sur la base d'une large coopération, avec une approche globale et non pas en suivant la logique des blocs. (…) Elargir l'OTAN, c'est ériger de nouvelles frontières en Europe, de nouveaux murs de Berlin, invisibles cette fois mais non moins dangereux. C'est limiter les possibilités de lutter efficacement et ensemble contre les nouvelles menaces. La défiance mutuelle s'installe, c'est néfaste. Et puis, nous savons comment sont prises les décisions à l'OTAN. Les blocs militaro-politiques conduisent à une limitation de la souveraineté de tout pays membre en imposant une discipline interne, comme dans une caserne.
Nous savons bien où les décisions sont prises : dans un des pays leaders de ce bloc. Elles sont ensuite légitimées, on leur donne une apparence de pluralisme et de bonnes intentions. C'est ce qui s'est produit avec le bouclier antimissile. D'abord ils ont pris la décision, puis ils en ont débattu à Bruxelles en raison de nos pressions ou de nos critiques. Nous craignons que l'adhésion de ces pays à l'OTAN ne se traduise par l'installation chez eux de systèmes de missiles qui nous menaceront. Personne ne leur demandera plus leur avis. (…) On parle sans arrêt de la limitation des armements en Europe. Mais nous l'avons déjà fait ! Résultat, deux bases militaires ont émergé sous notre nez. Bientôt, il y aura des installations en Pologne et en République tchèque. Comme disait Bismarck, seul compte le potentiel, non pas les déclarations et les intentions. Nous voyons que les installations militaires se rapprochent de nos frontières. Mais pour quelle raison ? Personne ne menace personne.
Je ferai une autre remarque : nous avons évoqué la question de la démocratie. Nous devons toujours l'avoir à l'esprit. Les dirigeants au pouvoir ne devraient-ils pas l'appliquer en matière de relations internationales ? Peut-on être à la fois un pays bien intentionné et démocratique, et en même temps effrayant ? La démocratie, c'est le pouvoir du peuple. En Ukraine, près de 80 % de la population est hostile à une adhésion à l'OTAN. Nos partenaires disent pourtant que le pays y adhèrera. Tout se décide donc par avance, à la place de l'Ukraine. L'opinion de la population n'intéresse plus personne ? C'est ça, la démocratie ?

En France, la peine de mort a été abolie en 1981 alors que, probablement, la majorité de la population y était hostile. Parfois, les responsables doivent imposer les grands choix…

Cette responsabilité politique peut être prise calmement par référendum. Il suffit de demander aux gens leur avis. Une question humanitaire, comme la peine de mort, n'entre pas dans ce cadre. On entend souvent la chose suivante, à propos du partenariat avec la Russie : " Nous, les pays occidentaux, devons choisir nos alliés en fonction de valeurs communes." Nous avons évoqué les événements pénibles survenus dans le Caucase il y a quelques années. Grâce à Dieu, c'est terminé. Mais même dans les conditions d'une quasi guerre civile, nous avons de fait aboli la peine de mort. C'était une décision lourde mais responsable. Ce ne sont pas des valeurs communes, ça ? Dans certains pays du G8, dont certains sont membres de l'OTAN, la peine de mort existe et les condamnés sont exécutés. Alors pourquoi est-on si partial vis-à-vis de la Russie ? Ce qui est permis à César ne l'est pas aux autres ? Un tel dialogue serait productif. Jouons cartes sur tables, respectons-nous. Ainsi, nous avancerons.
Vous vous êtes opposés à Washington sur de nombreux dossiers : le Kosovo, l'Irak, le bouclier antimissile, le nucléaire iranien. Comment jugez-vous le bilan de George Bush en politique étrangère ?

Je ne porterai pas de jugement car je ne me sens pas en droit de le faire. C'est au peuple américain de juger. J'ai mon avis. Je pense que le président des Etats-Unis porte une énorme responsabilité puisque son pays a une lourde charge dans les affaires internationales et dans l'économie mondiale. Il est toujours facile de critiquer de l'extérieur. Nous avons toujours eu notre propre position sur de nombreux dossiers, et donc des divergences dans la résolution des problèmes. Nous n'étions pas les seuls. La France, sur l'Irak, partageait nos vues. Plus encore, l'Allemagne et la France ont pris position sur l'Irak avant que nous ne les rejoignons, et non le contraire. On a dit que notre point de vue n'était pas juste. La vie a démontré que rien ne peut être résolu par la force. Impossible. Il ne peut y avoir de monopole dans les affaires internationales. Il ne peut y avoir de structure monolithe dans le monde, ni d'empire ou de maître unique. De telles questions peuvent se résoudre uniquement de façon multilatérale, sur la base du droit international. La loi du coup de poing ne mène à rien. Si on continue sur cette voie, il y aura tant de conflits qu'aucun Etat n'aura assez de ressources pour les éteindre.
Dans nos relations avec les Etats-Unis, il y a plus d'aspects positifs que de divergences. Par exemple, les échanges commerciaux s'accroissent d'année en année. Nous avons beaucoup d'intérêts communs sur les grands dossiers internationaux, en particulier face à la prolifération. Là-dessus, nous sommes totalement en accord. La lutte contre le terrorisme a souvent un aspect confidentiel, mais elle devient de plus en plus efficace. Nous nous sommes vus récemment avec George Bush à Sotchi. J'ai eu la possibilité de le remercier pour la collaboration entre nos services dans la lutte antiterroriste. Nous n'avons pas de grande divergence sur le nucléaire iranien.
La Russie est membre du Conseil de sécurité et dans le cadre du "Groupe des six", nous agissons en accord avec le Conseil et votons à l'unanimité ses résolutions. Cela dit, comme le dit l'article 41 du chapitre 7 de la charte des Nations unies, tout ce que nous avons entrepris ne suppose pas l'usage de la force. Différents points de vue s'expriment à Washington. Dieu merci, aucune action militaire n'a été décidée. Nous espérons que cela n'arrivera pas. Nous comprenons que nous devons résoudre ce problème ensemble. Donc oui, nous avons des divergences, mais l'atmosphère de coopération et la confiance sont telles, qu'ils nous donnent de l'espoir pour l'avenir. C'est cela d'ailleurs qui nous a permis de signer à Sotchi une déclaration sur la collaboration à long terme entre nos pays.
La Russie n'a pas reconnu l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, mais elle a renforcé son contrôle sur ces deux régions séparatistes. Le statu-quo vous convient-il ?
Vous avez dit séparatistes ? Et pourquoi n'utilisez-vous pas ce mot au sujet du Kosovo ? Vous ne répondez pas ? C'est parce que vous ne pouvez pas répondre.
En Abkhazie, il y a eu des nettoyages ethniques qui ont conduit au déplacement de 300 000 Géorgiens. Au Kosovo, c'est l'inverse, en 1999, les Albanais ont subi le même sort.

Non, ça n'est pas du tout l'inverse. Des milliers, des centaines milliers de Serbes, ne peuvent rentrer au Kosovo. C'est la même chose. Où avez vous vu le retour des réfugiés au Kosovo ? On chasse les derniers Serbes de là-bas. Ne racontez pas d'histoires, je sais ce qui s'y passe réellement. Vous n'êtes pas en mesure de garantir aux réfugiés la sécurité et des conditions de vie décentes. Donc c'est exactement la même chose. Concernant le départ de la population géorgienne, oui c'est vrai. Mais 55 000 Géorgiens sont déjà rentrés dans le district de Gali en Abkhazie. On aurait pu poursuivre ce processus s'il n'y avait eu ces pressions militaires de la part de Tbilissi. Vous savez, quand il y a eu cette soi-disant révolution socialiste en 1919, la Géorgie s'est constituée en Etat indépendant. L'Ossétie, elle, a déclaré qu'elle ne voulait pas être partie intégrante de la Géorgie, qu'elle voulait rester au sein de la Fédération de Russie. Le pouvoir géorgien a entrepris des expéditions punitives considérées par les Ossètes à ce jour encore comme des massacres, des nettoyages. Ces conflits ont un caractère ancien et profond. Pour les résoudre, il faut s'armer de patience et de respect envers les petits peuples du Caucase plutôt que d'utiliser la force.
On dit aujourd'hui que plusieurs drones géorgiens ont été abattus au-dessus de l'Abkhazie par des systèmes de défense russes. Mais pourquoi n'évoque-t-on pas l'interdiction de survoler ces zones de conflits ? Faire voler ces appareils, c'est de l'espionnage. Pourquoi fait-on de l'espionnage ? En vue d'opérations militaires. Alors quoi, une des parties se prépare à faire couler le sang, c'est ça que nous voulons ? Personne ne veut cela. Pour que les petits peuples aient envie de vivre au sein d'un Etat uni, il faut dialoguer avec eux. Nous ne cessons de le dire à nos partenaires géorgiens.

Le président géorgien Mikheïl Saakachvili a proposé un plan de paix pour l'Abkhazie avec l'octroi d'une large autonomie et le poste de vice-président accordé à un Abkhaze. Cela vous convient-il ?

Il faut avant tout que cela convienne aux Abkhazes. Comment le conflit ethnique a-t-il commencé ? Après la dissolution de l'Union soviétique, Tbilissi a supprimé l'autonomie de ces républiques. Qui les a poussés à cela ? C'est ainsi que le conflit ethnique et la guerre ont commencé. Maintenant, ils [les Géorgiens] disent qu'ils sont prêts à revenir en arrière. "Nous allons vous rendre l'autonomie que nous vous avions enlevé il y a quelques années." Mais visiblement les Abkhazes n'ont plus tellement confiance. Ils pensent que dans quelques années, on les privera à nouveau de quelque chose. (…) Nous avons favorisé le retour de ces 55 000 réfugiés géorgiens en Abkhazie dans le district de Gali. Nous l'avons vraiment fait. Nous avons convaincu les Abkhazes de les laisser passer et de leur assurer des conditions normales. C'est la Russie qui a demandé cela aux dirigeants abkhazes. Je vous le dis franchement, je m'en suis occupé personnellement. J'en ai fait la demande aux dirigeants abkhazes, ils l'ont fait. Nous avons élaboré un plan commun de développement énergétique, de coopération transfrontalière, de construction, d'infrastructures. Nous avons même décidé de reconstruire la voie ferrée. Après les nouvelles démonstrations de force, tout s'est arrêté. Les élections [en Géorgie] approchaient, il fallait montrer que l'on pouvait tout résoudre. Ce genre d'affaire, qui dure depuis des siècles, ne s'intègre pas au calendrier de politique intérieure. Rien de bon ne peut en sortir. J'espère que le plan proposé par Milheïl Saakachvili entrera peu à peu en vigueur parce que, dans l'ensemble, il est juste. Mais il faut que l'autre partie soit d'accord. Le dialogue est nécessaire.

Propos recueillis par Marie Jégo, Rémy Ourdan et Piotr Smolar
La version intégrale de l'interview de Vladimir Poutine
LEMONDE.FR 31.05.08 13h57 • Mis à jour le 31.05.08 13h58

Pour Poutine, l'Iran n'essaie pas d'acquérir l'arme nucléaire


Le Premier ministre russe et ancien Président Vladimir Poutine en est persuadé. L'Iran n'essaie pas d'acquérir l'arme nucléaire et "n'a rien enfreint sur le plan juridique pour l'instant", affirme le toujours homme fort du Kremlin dans un entretien au Monde publié samedi.
"Je ne le crois pas. Rien ne l’indique", répond Poutine à qui l'on a demandé s'il estimait que Téhéran essayait d'acquérir l'arme nucléaire. "Les Iraniens sont un peuple fier. Ils veulent jouir de leur indépendance et utiliser leur droit légitime au nucléaire civil. Je suis formel : sur un plan juridique, l’Iran n’a rien enfreint pour l’instant. Il a même le droit d’enrichir (de l'uranium)."
"On reproche à l’Iran de ne pas avoir montré tous ses programmes à l’AIEA. Ce point reste à régler", a tout de même reconnu Poutine, quelques jours après la diffusion restreinte d'un rapport de l'agence de l'ONU où elle déplore le refus de Téhéran de répondre à ses questions sur un possible volet militaire de son programme nucléaire.
"Quels intérêts cela servirait-il?"
L'Iran est accusé par des pays occidentaux, dont les Etats-Unis et la France, de chercher à se doter de l'arme nucléaire sous couvert de programme civil, ce que Téhéran dément. Poutine a réaffirmé que son pays était contre l'acquisition de l'arme nucléaire par Téhéran: "C’est notre position de principe. Utiliser l’arme nucléaire dans une région aussi petite que le Proche-Orient serait synonyme de suicide. Quels intérêts cela servirait-il? Ceux de la Palestine ? Alors les Palestiniens cesseront d’exister".
Poutine souligne avoir indiqué aux dirigeants iraniens que leur pays "ne se trouvait pas dans une zone aseptisée mais dans une région explosive". "Nous leur demandons d’en tenir compte, de ne pas irriter leurs voisins ou la communauté internationale, de prouver qu’ils n’ont pas d’arrière-pensées."
L'Otan et ses "nouvelles frontières invisibles"
Téhéran fait déjà l'objet de trois résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU assorties de sanctions, pour le contraindre à suspendre son enrichissement d'uranium et à coopérer pleinement avec l'AIEA.
Moscou a récemment appelé les six grandes puissances impliquées dans les discussions sur le programme nucléaire iranien à donner à l'Iran des "garanties" de sécurité.
Interrogé par ailleurs sur l'élargissement de l'Otan à l'Ukraine et à la Géorgie, Poutine réaffirme son opposition à ce projet arguant que la menace d'une confrontation avec l'Union soviétique "n'existe plus". "Elargir l’Otan, c’est ériger de nouvelles frontières en Europe, de nouveaux murs de Berlin, invisibles cette fois mais pas moins dangereux. La défiance mutuelle s’installe, c’est néfaste. Les blocs militaro-politiques conduisent à une limitation de la souveraineté de tout pays membre en imposant une discipline interne, comme dans une caserne."
afp
LIBERATION.FR : samedi 31 mai 2008

Retrouvailles - Poutine rencontre son « ami » Chirac

Au second jour de sa visite en France, Vladimir Poutine a reçu son « ami » Jacques Chirac dans sa suite de l’hôtel Bristol.

Le Premier ministre s’est félicité que les relations entre la Russie et la France « se développent très bien » et a remercié l’ex-président français du « socle » qu’il a créé pour cela. « Mon estime tient à la remarquable conduite que tu as eue des affaires de la Russie.

Ces dix années ont été incontestablement de grandes années pour la Russie. Je tiens à rendre hommage à ton action, » a poursuivi l’ancien président, qui effectuait son premier déplacement à l’étranger depuis sa nomination à la tête du gouvernement.

A cette occasion, Vladimir Poutine à affirmé Jacques Chirac qu’il était « attendu » le 12 juin à Moscou pour « une cérémonie très solennelle », au cours de laquelle l’ancien président français se verra remettre le Prix d’Etat, distinction la plus élevée en Russie, une remise de décoration qui « traduit toute l’importance que nous accordons à ton action dans le domaine de la coopération franco-russe ».

Le nouveau Premier ministre russe s’est ensuite rendu au domicile d’un autre « ami », l’écrivain Maurice Druon, 90 ans, membre de l’Académie française et auteur notamment des Rois Maudits.

France Soir, le samedi 31 mai 2008 à 04:00
http://www.francesoir.fr/politique/2008/05/31/retrouvailles-poutine-rencontre-son-ami-chirac.html

jeudi 29 mai 2008

L'ambassadrice de la «démocratie» russe

Pasionaria du nouveau nationalisme à la russe, redoutable dialecticienne, l'historienne Natalia Narotnitcheskaïa, ancienne députée du parti nationaliste russe Rodina, arrive à Paris pour y fonder l'Institut de la démocratie. Comme son frère jumeau, tout juste créé à New York, cet Institut se veut la réponse d'une Russie exaspérée par les accusations d'autoritarisme que l'Occident profère contre le régime politique peu démocratique de Vladimir Poutine et de son successeur, Dmitri Medvedev.

C'est un émissaire politique et intellectuel bien singulier que Moscou envoie prendre ses quartiers à Paris. L'ancienne députée de la fraction du parti nationaliste Rodina, Natalia Narotnitcheskaïa, cheveux roux brun, teint pâle, yeux verts en amande, lèvres minces, dialectique redoutable, n'a pas été réélue lors des législatives russes de décembre, son parti d'attache ne comptant plus parmi les «favoris» du Kremlin. Mais cette pasionaria du nouveau nationalisme à la russe, grande adepte du complot occidental qui viserait à isoler la Russie, semble avoir obtenu un «prix de consolation». Elle arrive en France avec pour mission d'y fonder un Institut de la démocratie censé explorer les problèmes que le système démocratique rencontre… en Europe occidentale ! Une sorte de réponse du berger russe à la bergère occidentale, qui n'est pas sans rappeler, dans la démarche, certains vieux films d'actualités soviétiques : pour démontrer que le socialisme réel n'était pas seul à générer d'interminables files d'attente, ils s'attardaient sur les queues dominicaines devant le magasin Poilâne à Paris.

Vladimir Poutine avait été le premier à évoquer la création de cet Institut, lors d'un sommet Russie-UE à Lisbonne, en octobre. Fustigeant les Occidentaux, donneurs de leçons, il avait estimé que l'Europe ferait mieux de se pencher sur ses problèmes de minorités et de démocratie plutôt que d'envoyer des observateurs juger les élections russes. Rompant avec les années 1990 quand les autorités russes érigeaient la démocratie occidentale en compas des réformes , Poutine avait ajouté que la Russie pourrait bien s'intéresser désormais à cette thématique des droits de l'homme à l'Ouest. Venant d'un gouvernant qui, en huit ans de présidence, a verrouillé les contre-pouvoirs et les libertés, l'initiative ne manquait pas de toupet.

Fine mouche, Natalia Narotnitcheskaïa se garde bien de revendiquer ce label poutinien. «Contrairement à ce que colporte la rumeur journalistique, je ne suis pas l'envoyée du Kremlin ni de Poutine,et je ne bénéficie d'aucune manne financière miraculeuse», se défend-elle, évoquant vaguement la «fondation regroupant quinze ONG russes» qui la financera. Elle précise qu'elle a dû payer elle-même ses trois premiers voyages à Paris, où elle compte passer une semaine par mois. L'équipe des permanents de l'Institut sera d'ailleurs très réduite. Elle comprendra notamment l'un des amis britanniques de Natalia Narotnitcheskaïa, rencontré «à Belgrade, pendant les bombardements de l'Otan sur la Serbie en 1999». «Cela crée des liens forts», explique cette intellectuelle qui, sur son blog, fustige le diktat de l'Amérique, rend hommage au rôle de Milosevic dans les Balkans et «s'inquiète de la perte de souveraineté de l'Europe». Un sourire ironique aux lèvres, Natalia Narotnitcheskaïa, qui parle bien français, assure pourtant qu'elle n'est pas venue pour donner des leçons de démocratie à la France, «cette si vieille démocratie, qui a vu la Révolution, Robespierre, la Terreur…», ajoute-t-elle, un rien perfide.

Son rôle se limitera «à lancer un débat», qu'elle espère fructueux, sur les différentes conceptions de la démocratie. Une sorte d'enceinte à théoriser la notion de «démocratie souveraine» si chère à Poutine.

Pour entrer dans le vif du sujet, et situer d'emblée son propos dans les hautes sphères de l'histoire et de la géopolitique, Natalia Narotnitcheskaïa a fait coïncider son arrivée à Paris avec la publication d'un livre (*) qui devrait faire du bruit. Sous le titre émotionnel, Que reste-t-il de notre victoire, l'ouvrage s'attache à démontrer que les grandes puissances occidentales s'acharnent aujourd'hui à discréditer la victoire soviétique de 1945 pour mieux tenter d'exclure la Russie du concert des nations. Gommant avec une mauvaise foi presque révisionniste la nature fondamentalement agressive du communisme totalitaire, dont elle ne dit mot, passant allègrement sur le fait que l'URSS a établi des régimes d'occupation à travers toute l'Europe de l'Est après 1945, Narotnitcheskaïa s'attache à replacer la «mise à l'écart géopolitique de la Russie» dans un contexte historique plus ancien, remontant au cordon sanitaire organisé par Rome contre Byzance et son héritier, Moscou, puis par les grandes puissances européennes au XIXe siècle contre le géant «semi-asiatique» russe. «Si vous consultez, dans les archives, les cartes de l'Allemagne pangermaniste, comme je l'ai fait, vous verrez qu'elles collent exactement avec celle de l'élargissement de l'Otan vers l'Est», insiste-t-elle, exprimant la paranoïa obsidionale de l'élite poutinienne. Et oubliant que le désir d'Occident des Baltes, ou même de l'Ukraine, n'a rien à voir avec un complot géopolitique. Natalia Narotnitcheskaïa, qui est d'autant plus intéressante parce qu'elle exprime l'idéologie dominante en Russie, ne cache pas qu'elle est nationaliste, slavophile et orthodoxe. Elle veut se situer «hors des paradigmes de l'Occident», qui, sous l'influence des marxistes et des libéraux, ont «la haine de la nation». Sa définition des ennemis de la nation russe est plus gênante. Car la politicienne et historienne désigne avant tout les historiens et politiciens libéraux de la période gorbatchévienne et eltsinienne, qui, en se lançant dans la mise au jour des crimes du communisme, n'ont pu s'empêcher, dit-elle, «de hurler sur les tombes de leurs pères». Elle s'étonne que l'Occident dénonce les droits de l'homme sous Poutine, alors qu'il «applaudissait au bombardement du Parlement russe par Eltsine». «Je veux attirer votre attention sur toutes ces pseudo-ONG qui se sont attribué un rôle de juge politique, et qui font leurs rapports sur la démocratie russe en interrogeant des marginaux», dit-elle. On l'a compris. Madame Narotnitcheskaïa va s'employer à leur donner la réplique.

* Éditions des Syrtes, 2008.

Le Figaro

http://www.lefigaro.fr/international/2008/05/29/01003-20080529ARTFIG00005-ambassadrice-de-la-democratie-russe.php

Laure Mandeville
28/05/2008 | Mise à jour : 21:46 |


Le premier ministre Poutine en «visite présidentielle» à Paris


Le nouveau chef du gouvernement, en visite en France pour son premier déplacement à l'étranger, garde les rênes du pouvoir.

Vladimir Poutine a choisi Paris pour sa première grande visite à l'étranger en sa nouvelle qualité de chef du gouvernement. Accompagné de plusieurs ministres et de chefs d'entreprise, il rencontrera jeudi son homologue François Fillon avant de dîner avec le chef de l'État Nicolas Sarkozy. Ce rendez-vous vespéral à l'Élysée alimente les commentaires sur le tandem inédit Medvedev-Poutine qui dirige la Russie depuis trois semaines.

«Il ne faut pas tirer de ce dîner des conclusions sur l'équilibre du pouvoir russe, tempère un diplomate français, Poutine répond à l'invitation lancée par Sarkozy en septembre à Moscou» . Dans les deux capitales, on en tire néanmoins. «En principe, le président conduit la politique extérieure, rappelle Alexeï Venediktov, le rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou, Mais Poutine veut garder une relation privilégiée avec les dirigeants du G8. Il a téléphoné au président Bush et le rencontrera pendant les JO de Pékin». «La période est cruciale pour la relation Union européenne-Russie», poursuit ce fin connaisseur des relations franco-russes. L'UE et la Russie doivent lancer le mois prochain, à la veille de la présidence française, les négociations, bloquées depuis près de deux ans par la Pologne puis la Lituanie, pour établir un nouveau partenariat stratégique. «Or, la question énergétique, au cœur de la relation UE-Russie, reste sous la responsabilité de Poutine», assure Venediktov.

«Pour nous, le chef c'est toujours Poutine», confiait récemment à l'AFP un haut responsable européen en visite à Moscou. Confirmation dans l'entourage de Bernard Kouchner qui a rencontré la semaine dernière le nouveau président russe : «Medvedev n'a même pas essayé de passer pour le patron.»

Le fait que Poutine garde les rênes ne gêne en rien les rapports bilatéraux. Alexeï Venediktov va jusqu'à qualifier la relation de Poutine avec Sarkozy (qui ne se sont vus que deux fois) d'«encore plus chaleureuse qu'avec Chirac». Au Kremlin, on apprécie quand Sarkozy qualifie de «parfaitement légitimes» les élections législatives russes de décembre. Et on boit du petit-lait lorsque Bernard Kouchner félicite Medvedev d'avoir été «magnifiquement élu».

Au Kremlin, les questions qui fâchent

En dépit de cette bonne entente, même si les échanges commerciaux (16,27 milliards de dollars en 2007) ont triplé en quatre ans, la France n'est que le huitième partenaire commercial de la Russie. La visite du premier ministre Poutine, accompagné du chef de l'agence atomique Rosatom ou encore des patrons de la banque publique VTB (actionnaire d'EADS) et d'Avtovaz (nouveau partenaire de Renault) vise à donner davantage d'ampleur à cette coopération. Rosatom est par exemple demandeur d'un partenariat avec Areva qui dépasserait les opérations conjointes actuelles. Nicolas Sarkozy avait évoqué favorablement un tel accord sur le nucléaire lors de sa visite à Moscou.

Vladimir Poutine va axer désormais ses visites à l'étranger sur l'économie, laissant les questions qui fâchent à son successeur au Kremlin, écrivait mardi Konstantin Simonov, directeur du fonds de la sécurité énergétique nationale dans le quotidien économique Vedomosti. Lorsqu'on lui posera des questions sur les droits de l'homme, «il pourra dire qu'il ne s'occupe pas de politique, que c'est du ressort du président» .

On peut raisonnablement douter que Poutine se cantonne à l'intendance, fût-elle stratégique (énergie et ventes d'armes) : il est prévu, selon une source française, qu'il évoque ce soir l'élargissement de l'Otan, sujet politique par excellence. Son porte-parole Dmitri Peskov résume bien la nouvelle situation : «Il y a certes des petites différences de protocole, mais pas pour le contenu, qu'il soit premier ministre ou président.»

Le Figaro

De notre correspondant à Moscou Fabrice Nodé-Langlois
28/05/2008 | Mise à jour : 21:45 |

http://www.lefigaro.fr/international/2008/05/29/01003-20080529ARTFIG00006-le-premier-ministre-poutine-en-visite-presidentielle-a-paris.php


La France s'ouvre aux «plombiers polonais»

Nicolas Sarkozy et le président polonais Lech Kaczynski. AP Crédits photo : AP

En visite à Varsovie, Nicolas Sarkozy a annoncé que dès le 1er juillet, les ressortissants de huit pays post-communistes entrés dans l'UE en 2004 pourront venir travailler en France, sans restrictions.

» Sarkozy à Varsovie pour arrimer la Pologne à l'UE

A partir du 1er juillet 2008, un travailleur polonais ou tchèque pourra entrer librement en France et y exercer l'emploi de son choix. A l'occasion de sa visite à Varsovie, le chef de l'Etat a annoncé que la France avec un an d'avance sur le calendrier prévu ouvrira ses frontières aux ressortissants de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Hongrie, de l'Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie et de la Slovénie, au 1er juillet 2008 lorsque Paris assumera la présidence de l'Union européenne. «Je crois à l'Europe, j'essaie de le démontrer ici en Pologne», a souligné Nicolas Sarkozy. « J'estime que la Pologne est une grande puissance d'Europe et un partenaire stratégique, qu'elle est membre de l'Europe, que l'Europe est fondée sur la liberté de circulation des personnes et des biens et qu'il n'y a donc aucune raison d'avoir des restrictions avec la Pologne».

La France avait opté pour une ouverture prudente et progressive de son marché comme le prévoit la législation européenne. Elle a commencé en mai 2006 à ouvrir partiellement son marché à ces huit pays anciennement communistes, qui avaient adhéré à l'UE lors du grand élargissement de 2004. Cette période transitoire devait se prolonger jusqu'au 30 avril 2009. Sous ce régime, les habitants de ces huit pays ne pouvaient postuler qu'à des postes dans des secteurs en manque de personnel en France, comme le bâtiment ou l'hôtellerie. En revanche, Roumains et Bulgares, dont les pays sont membres de l'UE depuis le 1er janvier 2007 seulement, resteront soumis à ce régime dérogatoire.

«Les plombiers polonais ne sont pas venus en France»

La Commission européenne s'est aussitôt félicitée de la décision du président de la République. «C'est de bon augure pour la présidence française, je m'en félicite. La décision est basée sur la réalité du marché du travail: les plombiers polonais ne sont pas venus en France», a souligné le commissaire européen au Travail, Vladimir Spidla, faisant référence à un des arguments clés des partisans du non au référendum sur la Constitution européenne en 2005. En France, cette ouverture partielle du marché n'a pas entraîné le raz de marée humain craint. Entre 2005 et 2007, seuls 4 850 Européens de l'Est sont venus s'installer dans l'Hexagone en tant que salariés permanents, 30.000 autres Européens de l'Est travaillent de manière saisonnière en France.

Rappelant que «la plupart des pays avaient déjà ouvert leur marché du travail», le commissaire Spidla a estimé que « ce pas important allait inspirer les autres pays» restants. Si la Grande-Bretagne, la Suède ou l'Irlande en 2004 suivies en 2006 du Portugal, de la Grèce, de la Finlande et de l'Espagne ont complètement ouvert leurs marchés du travail, les restrictions à l'égard des ressortissants des pays de l'Est sont maintenues en Allemagne, Autriche, Danemark et Belgique.

C.J (lefigaro.fr) avec AFP, Le Monde et LCI
28/05/2008 | Mise à jour : 16:44 |

http://www.lefigaro.fr/economie/2008/05/28/04001-20080528ARTFIG00516-la-france-ouvre-son-marche-du-travail-a-l-europe-de-l-est.php


Sarkozy accélère son offensive de charme en Europe de l'Est


Lors d'une visite en Pologne hier, le chef de l'Etat a annoncé l'ouverture totale au 1er juillet du marché du travail français aux ressortissants de huit pays entrés dans l'Union européenne en mai 2004.

Le plombier polonais est le bienvenu en France. C'est en substance le message qu'est venu délivrer hier à Varsovie Nicolas Sarkozy. A l'occasion de sa deuxième visite officielle en moins d'un an en Pologne, le chef de l'Etat a annoncé l'ouverture totale, avec un an d'avance, du marché du travail français aux ressortissants des huit pays de l'Est entrés dans l'Union européenne en mai 2004. Une information révélée dès lundi par « Les Echos ». Les travailleurs de ces nouveaux Etats membres avaient déjà accès depuis le 1er janvier dernier à 150 professions dans l'Hexagone. Ils pourront, dès le 1er juillet prochain, postuler à l'emploi de leur choix.

La France ne craint plus d'être envahie par les ressortissants de l'Est, a expliqué, en substance, Nicolas Sarkozy. Et elle considère les pays entrés dans l'Union voilà quatre ans comme des Etats membres à part entière. Ce qui n'a peut-être pas toujours été le cas. La peur du plombier polonais a joué un rôle dans la victoire du « non » dans l'Hexagone, lors du référendum sur la Constitution européenne, en mai 2005. Et les pays de l'Est ont eu parfois la désagréable impression d'être considérés comme quantité négligeable par Paris. Jacques Chirac avait, à cet égard, fait beaucoup de dégâts, en 2003, quand il avait déclaré qu'ils « avaient raté une occasion de se taire » en soutenant l'intervention militaire américaine en Irak.

Son successeur s'emploie depuis un an à montrer que cette page est tournée. Et que l'Europe de l'Est est une région prioritaire pour la France. Nicolas Sarkozy a signé, hier à Varsovie, un « accord de partenariat stratégique » avec la Pologne, couvrant de larges domaines de coopération. Après celui paraphé, la semaine dernière à Paris, avec la Hongrie. Et avant celui qui sera signé, le 16 juin, en République tchèque. Hier, le chef de l'Etat s'est aussi déclaré favorable à un rapprochement entre l'Union européenne et l'Ukraine (lire encadré). Une perspective souhaitée ardemment par la Pologne.

Des Etats à ménager

Cette offensive de charme vise aussi à rassurer ces pays de l'ancien bloc soviétique, à un mois du début de la présidence française de l'Union européenne, qui sera marquée par le lancement en grande pompe à Paris, le 13 juillet, de la très controversée Union pour la Méditerranée. Le nouvel effort en faveur des pays riverains de la grande bleue ne se fera pas au détriment de l'Europe de l'Est, certifie l'hôte de l'Elysée.

Il lui faut, il est vrai, ménager les nouveaux Etats membres. Parce qu'ils sont les plus ouverts au projet d'Europe de la défense, l'une des quatre priorités de la prochaine présidence française de l'Union. Et parce qu'ils seront un précieux soutien au moment de la renégociation de la politique agricole commune (PAC).

STÉPHANE DUPONT
http://www.lesechos.fr/info/france/4733509.htm?xtor=RSS-2053

lundi 26 mai 2008

Les diplomates européens donnent leur feu vert aux négociations UE-Russie

AFP/GENNADIY MINCHENKO
Maintenant que la Russie se veut à nouveau une grande puissance et que l'Etat a repris le contrôle d'hydrocarbures extrêmement lucratifs, les tensions avec les Européens se sont multipliées.

Les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ont approuvé, lundi 26 mai, le lancement de négociations avec Moscou sur un nouvel accord de partenariat stratégique UE-Russie, a indiqué la présidence slovène de l'UE. Ce feu vert doit permettre de donner le coup d'envoi formel à ces négociations lors du sommet UE-Russie des 26 et 27 juin en Sibérie, auquel participera pour la première fois le nouveau président russe, Dmitri Medvedev.

Après des semaines de tractations avec Vilnius, un compromis avait été trouvé mercredi au niveau des ambassadeurs de l'UE, que les ministres n'ont fait qu'avaliser lundi, sans s'engager dans de nouvelles discussions. Ce feu vert des ministres des affaires étrangères met fin à presque deux ans de pourparlers intra-européens : la Pologne s'était d'abord longuement opposée au démarrage des négociations avec Moscou, puis la Lituanie.

NÉGOCIATIONS LONGUES ET DIFFICILES

De l'avis de nombreux diplomates européens, les négociations devraient durer des mois et être difficiles. Les Européens veulent arriver à un accord de "partenariat stratégique" pour remplacer l'accord actuel, signé en 1997, quand la Russie se remettait à peine de l'effondrement de l'URSS et que l'UE n'avait pas encore de frontières communes avec elle. Maintenant que la Russie se veut à nouveau une grande puissance et que l'Etat a repris le contrôle d'hydrocarbures extrêmement lucratifs, les tensions avec les Européens se sont multipliées – la Géorgie n'en est qu'un exemple – sur fond d'échanges économiques en plein boom. Parmi ces tensions : l'énergie. Les Européens, inquiets de leur dépendance croissante, veulent garantir leurs approvisionnements en investissant dans la production russe et en obligeant Moscou à plus de transparence dans ce secteur contrôlé par le Kremlin.

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 26.05.08 | 11h58 • Mis à jour le 26.05.08 | 12h21
http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/05/26/les-diplomates-europeens-donnent-leur-feu-vert-aux-negociations-ue-russie_1049554_3214.html?xtor=RSS-3214

M. Medvedev veut réorienter à l'Est la diplomatie russe

Contrairement à son prédécesseur Vladimir Poutine qui, une fois élu en mars 2000, s'était aussitôt rendu en visite officielle à l'Ouest (Biélorussie, Ukraine, Grande-Bretagne), le nouveau président Dmitri Medvedev a donné priorité à l'Est. Jeudi 22 mai, il s'est rendu au Kazakhstan, république d'Asie centrale riche en hydrocarbures, puis en Chine, vendredi 23 et samedi 24 mai.

Le Conseil uni, la formation de l'opposition géorgienne arrivée en deuxième position aux élections législatives du mercredi 21 mai, a annoncé, vendredi, son refus de siéger au Parlement en signe de protestation contre le déroulement du scrutin qu'il estime truqué en faveur du parti au pouvoir. Le Conseil uni a appelé à un rassemblement, à Tbilissi, le 26 mai. "Nous pourrions créer un parlement alternatif", a assuré l'ancienne ministre des affaires étrangères Salomé Zourabichvili, ralliée à l'opposition.

Le Mouvement national uni, le parti du président Mikheïl Saakachvili, a remporté les élections avec 60 % des suffrages. Il détiendra 120 des 150 sièges du nouveau Parlement. Le Conseil uni (17,7 % des suffrages) aura 16 députés. Six sièges iront au Parti chrétien démocrate, 6 aux travaillistes et 2 au Parti républicain. Le déroulement du scrutin a été critiqué par les observateurs internationaux qui ont relevé des irrégularités. - (AFP.)

Cette tournée asiatique vise à souligner l'importance stratégique de la région, perçue à Moscou comme une alternative au partenariat avec l'Occident. En choisissant la Chine avant l'Allemagne, sa prochaine destination, le président Dmitri Medvedev montre que la Russie a le choix entre plusieurs partenaires.

A Pékin, les présidents des deux pays, tous deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, se sont inquiétés du bouclier antimissiles que Washington cherche à installer en Europe de l'Est. Ce projet "empêche le renforcement de la confiance entre les Etats et la stabilité régionale", dit la déclaration commune.

Mais Moscou, qui cherchait à associer la Chine à une condamnation de l'élargissement de l'OTAN, en a été pour ses frais. Pékin, qui cherche à faire lever l'embargo de 1989 sur les livraisons d'armes, veut maintenir de bonnes relations avec l'Alliance. Le thème de l'élargissement ne figure donc pas dans la déclaration finale.

L'autre thème majeur de la visite, l'énergie, a connu un traitement plus positif avec la signature d'un contrat d'un milliard de dollars en vue de la construction, en Chine, d'une usine d'enrichissement d'uranium pour laquelle Moscou fournira le combustible. De gaz et de pétrole, il n'a en revanche pas été question. Les grands projets de fourniture accrus de pétrole et de gaz russes à la Chine, couchés sur le papier lors d'une visite de Vladimir Poutine à Pékin, en mars 2006, sont restés lettre morte.

La construction de la branche chinoise de l'oléoduc destiné à acheminer le brut russe de Sibérie orientale vers le Pacifique est bloquée en raison d'un désaccord persistant entre les deux parties à propos des prix du pétrole. Rosneft, la major publique russe, veut les augmenter. Pékin refuse. Selon le quotidien Kommersant, la compagnie pétrolière chinoise CNPC insiste pour avoir le brut russe à prix d'ami, rappelant le rôle qu'elle a joué dans le démantèlement de la major privée Ioukos, propriété de l'oligarque emprisonné Mikhaïl Khodorkovski.

ECHANGES DÉSÉQUILIBRÉS

C'est ce dernier qui, le premier, avait conçu le projet de construire un oléoduc vers la Chine. Parmi les actifs de Ioukos figurait la compagnie Oudmourtneft qui avait conclu des contrats avec Pékin. Au moment de la disgrâce de l'oligarque, la major publique russe Rosneft mit la main sur Oudmourtneft et sur les contrats, tout en proposant à la partie chinoise d'acquérir des actifs, ce qui fut accepté.

L'autre volet important de la coopération russo-chinoise, la livraison d'armements, laisse à désirer. Ces dernières années, les commandes chinoises ont sérieusement décliné. Pour le reste, la coopération économique se porte bien. En 2007 les échanges commerciaux se sont accrus de 44 % par rapport à l'année précédente (au total 48 milliards de dollars). Mais ils sont déséquilibrés au profit de la Chine.

Marie Jégo
Le Monde
http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/05/24/m-medvedev-veut-reorienter-a-l-est-la-diplomatie-russe_1049120_3214.html?xtor=RSS-3214

La Russie dément avoir abattu le drone géorgien

Une mission de l'Onu a pourtant confirmé les accusations de la Géorgie envers Moscou selon lesquelles l'armée russe avait envoyé le 20 avril un bombardier tiré sur un de ses drones en mission, au-dessus de la région séparatiste d'Abkhazie.

e ministère russe de la Défense a démenti lundi 26 mai les conclusions d'un rapport de l'ONU selon lesquelles un avion de chasse russe a abattu mi-avril un drone géorgien au-dessus de la région séparatiste d'Abkhazie.
"Nous démentons cette information. Aucun de nos avions n'a violé d'espace aérien et n'a, a fortiori, effectué de tir", a déclaré à l'AFP Alexandre Drobychevski, porte-parole du ministère de la Défense.
Une mission de l'ONU a conclu que c'était bien un avion de chasse russe qui avait abattu un drone géorgien fin avril au-dessus de la région séparatiste géorgienne pro-russe d'Abkhazie, a affirmé un responsable du gouvernement géorgien, un peu plus tôt, ce même jour.

Un avion de "l'armée de l'air russe"

Les éléments fournis à la mission d'observation de l'ONU en Géorgie (Monug) "conduisent à la conclusion que l'avion appartenait à l'armée de l'air russe", peut-on lire dans ce rapport.
La Géorgie accusait Moscou d'avoir envoyé le 20 avril un bombardier Mig 29 abattre un de ses drones en mission au-dessus de l'Abkhazie. Moscou a toujours démenti et n'a pas réagi dans un premier temps à ce rapport.
La mission de la Monug a quant à elle seulement confirmé à l'AFP qu'elle s'apprêtait à publier un rapport à ce sujet lundi soir, mais s'est refusée à confirmer l'authenticité du texte diffusé lundi par les Géorgiens.

Vives tensions

Moscou accuse la Géorgie d'alimenter les tensions en faisant voler des drones en "zone interdite", au-dessus du territoire abkhaze. La Géorgie répond qu'elle continuera à survoler son espace aérien.
L'Abkhazie affirme avoir déjà abattu au cours des deux derniers mois six drones géorgiens au-dessus de son territoire, des incidents démentis par la Géorgie à l'exception de celui du 20 avril.
L'Abkhazie, qui a proclamé son indépendance unilatéralement au début des années 1990 et l'a défendue par les armes contre les forces géorgiennes, est au centre de vives tensions entre Tbilissi et Moscou, qui la soutient de fait.

Le Nouvel Observateur (avec AFP).
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/europe/20080526.OBS5595/la_russie_dement_avoir_abattu_le_drone_georgien.html?idfx=RSS_international

dimanche 25 mai 2008

Dima Bilan remporte le Festival Eurovision 2008


Фото: www.eurovision.tv

Российский певец Дима Билан с композицией «Believe Me» победил в музыкальном конкурсе «Евровидение-2008», который прошел в Белграде. Вместе с Биланом выступил фигурист Евгений Плющенко, исполнивший танец на льду во время музыкального произведения.

Россия ранее никогда не выигрывала этот конкурс.


http://www.sports.ru/others/figure-skating/4801245.html

samedi 24 mai 2008

La diplomatie du sourire selon Dmitri Medvedev


Il sourit à Bernard Kouchner, puis s’envole pour la Chine. Jure des liens indissociables avec le Kazakhstan, et signe ses premiers contrats à Pékin (1 milliard de dollars - 0,63 milliard d’euros - pour le programme nucléaire chinois)… Le nouveau président russe, Dmitri Medvedev, est en train de faire des débuts assez subtils sur la scène diplomatique. Le ministre français des Affaires étrangères, qui lui a rendu une courte visite au Kremlin mercredi, est ressorti très impressionné par le personnage. «C’est rafraîchissant et même extrêmement troublant de voir ce jeune type frêle de 40 ans dans les palais du Kremlin, entendait-on au sein de la délégation française, au sortir de l’entrevue. Au début, on se dit qu’il est déplacé, mais on voit que c’est un malin ! C’est l’homme d’une nouvelle génération. Il est certainement plus pro-occidental que Poutine.»
«Très prudent». Quand Poutine jouait volontiers au «petit dur», Medvedev ne cherche pas pour l’instant à se hausser du col, ont apprécié les diplomates français qui accompagnaient Kouchner. Selon eux, «le vrai patron» de la Russie reste encore Poutine, qui sera d’ailleurs reçu jeudi à Paris. «Medvedev attend son heure, il est encore très prudent, reprend un diplomate français. Mais il a bien compris que la Russie doit ouvrir une nouvelle page.» Le style Medvedev est plus souriant, mais cela ne veut pas dire que la politique russe sera plus conciliante, libérale ou pro-occidentale, nuancent les analystes russes. «L’Occident voudrait tant faire de Medvedev un libéral, s’amuse Alexeï Pouchkov, journaliste de la télévision publique. Mais mes contacts directs avec Poutine m’ont montré qu’il était lui-même un homme ouvert. Medvedev me semble au contraire plus réservé.» Si Medvedev effectue aujourd’hui ses premières visites diplomatiques au Kazakhstan et en Chine, c’est aussi parce que les mains tendues de Poutine vers l’Occident n’ont pas toujours été payées de retour, plaide cet analyste, rappelant tout ce qui agace actuellement Moscou : le projet américain de bouclier antimissile en Europe, les candidatures de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Otan… «Moscou fait comprendre que si l’Occident insiste sur ces positions, inacceptables pour la Russie, celle-ci a d’autres alternatives», résume Alexeï Pouchkov. Pourquoi attendre un changement à Moscou, alors que «les problèmes restent les mêmes», plaide également Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in global affairs. Si Medvedev se rend en Chine, c’est aussi que le centre de gravité de la planète est en train de se déplacer vers l’Orient. «Pendant les huit années de présidence Poutine, le rôle de la Chine dans le monde a considérablement augmenté, souligne Fiodor Loukianov. Et la Russie a encore du mal à définir sa politique dans la région du Pacifique, elle y a accordé trop peu d’attention.»
Pétrole. Tandis que Dmitri Medvedev souriait de toutes ses dents cette semaine à ses visiteurs occidentaux, ses services secrets, le FSB, poursuivaient l’offensive contre le groupe pétrolier British Petroleum (BP). Le FSB a fait une nouvelle descente cette semaine dans les bureaux moscovites du groupe BP, actuellement sous forte pression pour rendre ses parts dans un important gisement russe. L’offensive est typique des années Poutine. Elle rappelle notamment comment les dirigeants russes se sont réappropriés les gisements de Ioukos, et elle sert aussi un autre objectif central de la diplomatie russe : contribuer à la flambée des prix des hydrocarbures.
De notre correspondante à Moscou LORRAINE MILLOT
QUOTIDIEN : samedi 24 mai 2008
Libération

En Géorgie, le parti du président Saakachvili remporte des élections législatives critiquées

L'importante victoire aux élections législatives géorgiennes du 21 mai du parti du président Mikheïl Saakachvili, le Mouvement national uni - arrivé en tête avec 61 % des voix, selon des résultats préliminaires - a été dénoncée par l'opposition. Elle a également été critiquée par les observateurs de l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE). Ces derniers ont souligné des "intimidations", des "manquements importants", lors du décompte des voix et l'absence d'une séparation entre l'administration et le parti présidentiel.

Toutefois, "des progrès concrets et importants ont été réalisés" depuis la présidentielle de janvier, a souligné, jeudi à Tbilissi, Joao Soares, le chef de la mission OSCE. Mikheïl Saakachvili comptait sur ce scrutin pour rétablir son image, écornée lors de la répression des manifestations de l'opposition, en novembre 2007.

Soucieux d'éviter une répétition des batailles de rue, le président Saakachvili promet l'ouverture : "Nous ne procéderons à aucun changement sans consultations avec les autres formations politiques." Le chemin vers le dialogue sera long : le pouvoir et l'opposition, qui a réuni quelques milliers de manifestants à Tbilissi le soir du vote, se voient comme des ennemis.

Trois autres partis entreront au Parlement : le Conseil de l'opposition unie, une coalition de neuf partis, qui a remporté 15 % des voix ; le Parti chrétien-démocrate (8 %) et les travaillistes (7 %). Le chef de la coalition, Levan Gatchetchiladze, un ancien associé de Pernod Ricard, n'a eu de cesse pendant la campagne de dénoncer "le régime policier fasciste" de M. Saakachvili, sans lui opposer un modèle crédible. Recevant Le Monde dans sa villa de Tbilissi, il a prétendu que, pendant les manifestations de novembre, "des gens étaient morts" des suites de la répression. Combien ? Qui ? Il n'a pu en dire davantage.

"Du haut en bas, au pouvoir comme dans l'opposition, ils mentent tous", constate froidement Guia, un étudiant en médecine de Tbilissi, plutôt sceptique sur la démocratisation du pays. Salomé Zourabichvili, autre figure de l'opposition, considère pour sa part que l'équipe en place a échoué : "Au début, lors de l'arrivée de Saakachvili au pouvoir (en 2004), des réformes ont été engagées avec énergie" mais, souligne-t-elle, les deux objectifs prioritaires, l'arrimage à l'OTAN et le retour des territoires séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, n'ont pas été atteints. "A la place d'une politique, on a une impasse", déplore l'ancienne ministre des affaires étrangères.

Désormais, la première tâche du pouvoir va être de recoller les morceaux de la relation avec la Russie, envenimée par le soutien que Moscou apporte aux séparatistes. Après le refus de l'OTAN d'accorder à la Géorgie le statut de candidat et la déclaration d'indépendance du Kosovo, la tension est à son comble en Abkhazie, où les troupes russes ont été renforcées. Un incident s'est produit le jour du vote sur la ligne de démarcation. Des Géorgiens de la région Gali (seul district sous contrôle des séparatistes où les réfugiés géorgiens sont autorisés à se réinstaller) qui s'apprêtaient à aller voter côté géorgien, ont vu leurs autobus mitraillés. Trois personnes ont été blessées, dont une grièvement. Le "président" abkhaze Sergueï Bagapch, en visite à Moscou, a dénoncé "une mise en scène hollywoodienne" orchestrée par Tbilissi.

A Moscou, les législatives géorgiennes n'ont guère été commentées. Sur Radio Svoboda, Boris Toumanov, expert de la région, a estimé que la victoire de M. Saakachvili était "un avantage pour la Russie." Le président géorgien "comprend parfaitement que les conflits gelés - l'Abkhazie et l'Ossétie - ne peuvent se régler par des effets de manches". Mais les vues des deux pays achopperont toujours sur un point : l'intégration au sein de l'OTAN. "Pourquoi tout le monde considère que la Géorgie doit appartenir à la Russie ?", interroge l'expert. "OTAN ou pas, quelle différence ? A 300 kilomètres de la frontière russe, la Turquie est déjà dans l'OTAN. Si la Géorgie veut en être aussi, qu'est-ce que ça change ?"

Marie Jégo
Article paru dans l'édition du 24.05.08.

mercredi 21 mai 2008

La Russie s'invite dans les législatives géorgiennes

Un homme colle une affiche électorale, à Tbilissi, en préparation des élections législatives du 21 mai en Géorgie.

En quête d'un soutien international accru, la Géorgie élit, mercredi 21 mai, son Parlement, sur fond de tensions avec la Russie au sujet de la région séparatiste d'Abkhazie. Le scrutin aura valeur de test pour ce petit Etat ex-soviétique de 4,7 millions d'habitants, qui aspire à rejoindre l'OTAN et à se rapprocher de l'Union européenne. Il est important pour le président Mikheïl Saakachvili, dont l'image a été ternie par sa gestion musclée de la crise avec l'opposition en novembre 2007, quand des manifestations avaient été réprimées, une chaîne d'opposition fermée et l'état d'urgence instauré.

Le président a promis que ces élections "seront les plus démocratiques que le pays ait jamais connues", pas tant "pour plaire à l'Occident" qu'au nom de "l'avenir de la Géorgie". De la Ligue des sportifs au Parti des femmes, en passant par le Conseil uni de l'opposition (une coalition de neuf partis), douze formations sont en lice. Une nouvelle venue, le Parti démocrate chrétien, veut défendre la "chrétienté orthodoxe géorgienne" et estime que l'adhésion à l'OTAN "n'est pas une fin en soi". Dirigé par Guiorgui Targamadze, l'ancien présentateur vedette de la chaîne privée Imedi fermée par le pouvoir en novembre 2007, il est crédité de 11 % à 14 % des voix. A Tbilissi, la ferveur religieuse est palpable dans la rue, où nombre de passants se signent à la vue d'une église ou face à la statue de saint Georges.

Crédité de 33 % à 43 %, le parti du président, le Mouvement national uni, est assuré de remporter la majorité. Pas étonnant, explique l'opposition, qui dénonce les pressions exercées par l'administration sur ses candidats. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) l'a admis. "Dans les campagnes où le chômage est important, les employés du secteur public sont menacés de perdre leur emploi s'ils ne votent pas selon les consignes", déplore Salomé Zourabichvili, ex-ministre des affaires étrangères passée à l'opposition.

Soucieux de recevoir le satisfecit de la communauté euro-atlantique, le président Saakachvili a donné des "consignes fortes" aux administrations locales pour qu'elles n'interfèrent pas dans le vote. Un comité chargé de centraliser les plaintes a été créé. "Il est vital pour la Géorgie que les élections soient réellement libres et justes (...). Nous devons montrer au monde que nous sommes un pays démocratique", a expliqué David Bakradze, ancien ministre des affaires étrangères et tête de liste du parti présidentiel. Mais d'ores et déjà, le Conseil uni a enjoint ses partisans à se rassembler à Tbilissi mercredi soir pour contraindre le pouvoir à "donner les vrais résultats".

Les relations avec la Russie - tendues à l'extrême depuis que Moscou a décidé, le 16 avril, de renforcer ses liens économiques avec les territoires séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud - se sont imposées comme thème de campagne. La destruction de drones géorgiens qui survolaient l'Abkhazie, puis l'envoi par Moscou de 450 parachutistes dans la région séparatiste - officiellement membres des forces de maintien de la paix - ont ravivé les craintes. Le président a même évoqué le risque d'une "guerre".

"UNE QUESTION DE VALEURS"

L'opposition joue la carte de la normalisation des relations avec le voisin du Nord. "Mikheïl Saakachvili a utilisé la crise avec la Russie pour montrer son patriotisme", critique David Usupachvili, président du Parti républicain. "Pour régler le problème avec l'Abkhazie, il faut parler aux Abkhazes, après on peut imaginer faire quelque chose. Au lieu de cela, on jette des projets en l'air, tout se fait sans préparation", regrette-t-il.

Pour le président Saakachvili, qui a reçu la presse étrangère, lundi, dans le restaurant d'un village de Kakhétie, à l'est du pays, les choses ne sont pas si simples. "Nous n'avons pas vraiment les moyens d'entrer en contact direct avec les autorités abkhazes", dit-il, car ces dernières "suivent les consignes de Moscou". La Russie maintient des militaires sur place, distribue des passeports de la Fédération à la population abkhaze, intervient comme médiateur et comme partie prenante. Loin d'être apaisé, le conflit, larvé depuis quatorze ans, a toutes les chances de refaire surface. Quelque 300 000 réfugiés géorgiens d'Abkhazie, chassés manu militari en 1993, ne pensent qu'au retour.

Selon le président géorgien, la décision de ne pas donner le MAP (plan d'action en vue de l'adhésion à l'OTAN) à la Géorgie et à l'Ukraine, lors du sommet de l'Alliance à Bucarest à la mi-avril, a été interprétée par Moscou comme une carte blanche pour agir dans son espace d'influence post-soviétique. "Il ne s'agit pas seulement de la Géorgie mais aussi de l'Ukraine. Voyez les déclarations de Iouri Loujkov (le maire de Moscou qui a déclaré récemment que l'Ukraine devait rendre Sébastopol à la Russie). L'Ukraine ne peut réagir à cela ; elle n'en a pas les moyens." Pour le pouvoir, lassé de son tête-à-tête avec la Russie, il devient urgent de modifier le format des négociations sur l'Abkhazie. L'Union européenne et l'OSCE doivent s'impliquer davantage. "C'est avant tout une question de valeurs", insiste le président géorgien.

Marie Jégo
LE MONDE | 20.05.08 | 14h44 • Mis à jour le 20.05.08 | 14h44
http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/05/20/la-russie-s-invite-dans-les-legislatives-georgiennes_1047235_3214.html?xtor=RSS-3214

Un boxeur affronte un banquier excentrique pour gagner la ville de Kiev

En saison électorale, les tentes poussent sur les artères de Kiev, comme si on rejouait sans fin la "révolution orange" de l'hiver 2004-2005 ; des étudiants rémunérés distribuent des tracts aux couleurs de leur candidat. Cette fois, le scrutin est local, mais l'enjeu national. L'élection municipale du 25 mai confirmera ou perturbera la marche en avant du premier ministre, Ioulia Timochenko, vainqueur des législatives en septembre 2007. Son candidat, le premier vice-premier ministre Alexandre Tourtchinov, est toutefois donné perdant. Il pâtit d'un manque de charisme et des difficultés économiques.

Mais le scrutin - qui désignera le maire et les 120 membres de l'assemblée municipale - passionne les Ukrainiens en raison du profil des candidats. Le favori est le maire sortant, Leonid Tchernovietski, qui pourrait profiter de l'émiettement des candidatures (près de 70). Elu il y a deux ans, cet ancien banquier excentrique était dans le collimateur de Mme Timochenko, qui voulait ces élections anticipées. Connu pour ses déclarations outrancières, il est arrivé en tête du classement des "ennemis de la presse 2007", établi par le syndicat indépendant des médias de Kiev (KNMP), à cause de ses pressions sur les rédactions locales.

Depuis deux ans, Leonid Tchernovietski - surnommé "Leonia Cosmos" pour ses extravagances - a développé une politique à fort accent populiste. Tout en favorisant l'attribution de terrains à des hommes d'affaires amis, il a mis en place des programmes d'aide aux démunis, ouvert des foyers pour sans-domicile et octroyé des compléments de salaires aux enseignants et aux médecins.

"Les retraités de plus de 60 ans, en particulier les femmes, constituent la base de son électorat, explique le sociologue Andreï Bytchenko, de la fondation Razumkov. Ils ne croient pas que les hausses de leur pension auraient lieu avec un autre maire." Ces électeurs ont le sentiment d'être compris lorsque M. Tchernovietski tonne que, si l'inflation se poursuit au rythme actuel (près de 30 % en un an), "nous allons revenir au Holodomor", la grande famine de 1932-1933. Le maire ne fait pas que parler, il agit. Le 20 avril, il a signé un arrêté autorisant les habitants à utiliser gratuitement les toilettes des restaurants...

"LE POING DE FER"

Face à lui se dresse un ancien champion du monde de boxe. Vitali Klitchko, 36 ans, a connu un remarquable parcours en catégorie poids lourds (35 victoires, 2 défaites), de même que son frère cadet Vladimir, 32 ans (50 victoires, 3 défaites). Fils d'un colonel de l'armée de l'air soviétique, Vitali a commencé sa carrière en 1996, gagnant le surnom d'Iron Fist ("le poing de fer"). Champion du monde des poids lourds WBC, il s'est retiré sur blessures en 2005. Son frère a enrichi le palmarès familial. Le 23 février, à New York, Vladimir est devenu champion du monde des poids lourds IBF/WBO.

Les deux frères, très proches, ont lancé une ligne de vêtements. Mais le grand défi de Vitali Klitchko consiste à transformer sa popularité en victoire politique. Sa reconversion a commencé sous la bannière orange par une défaite aux municipales de Kiev en 2006. Confronté une nouvelle fois au maire sortant, avec l'appui d'hommes d'affaires, il dispose d'un invité de dernière minute dans son coin : l'ancien maire de New York, Rudolph Giuliani.

Défait dans les primaires républicaines américaines, le patron de la société Giuliani Partners a rencontré l'ex-boxeur au mois d'avril. "Nous avons eu de longues discussions pour savoir de quelle façon nous pourrions être utiles sur des sujets tels que la lutte contre la corruption, ou encore la façon de transformer la gestion de la ville en processus plus honnête et transparent", a expliqué M. Giuliani, après son arrivée à Kiev le 12 mai.

L'impact de ce soutien n'est guère décisif, selon les spécialistes. "En Ukraine, les Américains n'ont pas beaucoup de succès comme conseillers", s'amuse le politologue Vadim Karassev, proche du président Viktor Iouchtchenko, en faisant référence à l'implication aux législatives de Paul Manafort, stratège républicain, en faveur du Parti des régions, classé prorusse. "Seuls les représentants des élites connaissent Giuliani, dit Kost Bondarenko, directeur de l'Institut Gorshenin des problèmes de management politique. En plus, il a cité des enjeux, comme la corruption, qui ne sont pas prioritaires ici. Ce qui préoccupe les gens, c'est la circulation automobile, les problèmes écologiques, les constructions immobilières sauvages."

La dernière campagne d'affichage de Vitali Klitchko avait pour slogan : "Kiev a besoin d'un maire fort." En écho, le candidat de Ioulia Timochenko a répondu : "Kiev a besoin d'un maire intelligent." Une façon peu délicate de renvoyer dans les cordes le boxeur et ses 2 mètres de muscles.

Piotr Smolar