dimanche 8 juin 2008

Quand Vladimir Poutine tend la main aux Russes blancs

Dans sa politique de «réconciliation» avec la diaspora, Moscou a fait un pas symbolique avec le rapatriement en 2005 des cendres du général de l’armée blanche Anton Denikine, mort en exil aux Etats-Unis.

Les milieux de l’émigration russe, ces «Russes blancs» chassés jadis par la révolution bolchévique, font l’objet d’une campagne de séduction lancée par Moscou sous Vladimir Poutine, dont beaucoup apprécient les accents «patriotiques» malgré son passé au KGB soviétique.

«Poutine met de l’ordre dans le pays, il fait du bon travail et permet à la Russie de revenir en force sur la scène internationale», dit le prince Alexandre Troubetskoï, 62 ans, président d’une association de l’émigration russe.

«Nous n’oublions pas qui nous sommes, ni ce que nos parents ont subi», et il est entendu que Poutine, qui a dirigé le pays ces huit dernières années, «s’est appuyé sur l’appareil du KGB» pour reprendre en mains le pays, ajoute ce fils d’un officier de l’armée blanche qui combattit les Bolchéviques avant de s’exiler en France, comme une bonne partie de l’émigration russe de l’époque.

Mais les descendants des Russes blancs sont sensibles à la volonté de Moscou «d’ouvrir le dialogue», souligne-t-il.

L’émigration du début du XXè siècle représente à son tour pour Moscou «un enjeu symbolique incroyablement fort, car elle touche à un héritage positif et à l’ancrage européen du pays», explique l’historienne Catherine Gousseff.

En visite à Paris fin mai, l’ancien président russe, dont l’influence reste prédominante en tant que de chef du gouvernement et qui s’est évertué à marier l’héritage de la «grandeur» soviétique et de la Russie des Tsars, a pris le temps de rencontrer plusieurs dizaines de représentants de l’émigration.

Une rencontre «historique» pour ces émigrés «qui perdirent tout, sauf un profond respect pour leur patrie», dit le prince Troubetskoï.

«Une main est tendue, il faut la prendre, et apporter à la Russie les traditions que nous avons emportées avec nous», acquiesce l’archiprêtre Nicolas Soldatenkoff, aumônier d’une association d’émigrés qui était lui aussi de la réunion.

Après avoir versé en décembre quelque 700.000 euros pour l’entretien du cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-bois, près de Paris, où reposent les figures historiques de l’émigration, M. Poutine a offert 100.000 euros au petit musée des Cosaques où avait lieu la rencontre près de la capitale française.

Et si les Russes blancs ne pensent généralement pas à retourner vivre sur la terre de leurs ancêtres, hormis temporairement pour affaires, nombre d’entre-eux ont bénéficié de la restitution de leur nationalité russe.

Dans sa politique de «réconciliation» avec la diaspora, Moscou avait fait un pas hautement symbolique avec le rapatriement en 2005 des cendres du général de l’armée blanche Anton Denikine, mort en exil aux Etats-Unis.

En mai 2007 était célébrée la réconciliation du patriarcat de Moscou avec l’Eglise russe hors frontières (dont le siège est aux Etats-Unis), levant selon Vladimir Poutine «les derniers obstacles à la réunification du monde russe».

Mais cette tendance, qui s’appuie dans l’émigration sur «l’idée selon laquelle l’avénement de la démocratie en Russie est un processus de long terme», «n’agrée pas tout le monde», ajoute Mme Gousseff, une spécialiste de l’émigration russe, qui souligne que l’archevêché russe d’Europe, basé à Paris, reste placé sous la juridiction du patriarcat de Constantinople.

Les descendants des Russes blancs «ne comprennent absolument rien à la Russie, nous (les Russes ayant vécu sous le régime soviétique, ndlr) leur sommes étrangers, et leurs amabilités avec Poutine ne font que le conforter dans son rôle de +père de la nation+», assure pour sa part Maria Rozanova, veuve du dissident Andreï Siniavski, exilé en France en 1973.

AFP
LIBERATION.FR : dimanche 8 juin 2008
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