mardi 31 mars 2009

Le cinéma russe revisite la guerre de Géorgie

Un téléfilm diffusé hier soir raconte le conflit d'août dernier, mettant en exergue l'«agression géorgienne».


Au péril de leur vie, Michael et Genia vont révéler la vérité au monde entier. Tel est, résumé, le scénario d'Olympus inferno, le premier film de fiction sur la guerre de Géorgie du mois d'août 2008 que les téléspectateurs russes ont pu découvrir hier soir sur la première chaîne.

«Le débat a commencé, les méchants Russes ou les méchants Géorgiens, déplore le réalisateur Igor Volochine, mais c'est juste un film.  » Un film d'action, lequel offre néanmoins la vision russe du conflit déclenché le 8 août dans la petite province séparatiste géorgienne d'Ossétie du Sud.

Qu'on en juge. Michael est un jeune entomologiste américain d'origine russe. Il se rend en Ossétie du Sud pour filmer un papillon de nuit rare, Olympus inferno. Il y retrouve Genia, une amie russe, photographe. Dès la première nuit sur une verte colline, au lieu d'attraper des papillons, nos deux héros se retrouvent nez à nez avec une colonne de chars et de blindés géorgiens. Ils croisent parmi les militaires géorgiens le capitaine Adams, un officier noir de l'US Army. Si les États-Unis de George Bush ont soutenu et armé la Géorgie de leur protégé Mikhaïl Saakachvili, la présence de conseillers militaires américains sur le front cet été, dénoncée par Moscou, n'a pas été démontrée. Dans Olympus inferno, Michael détient la preuve - des films sur un disque dur -, que c'est Saakachvili qui a commencé la guerre, contrairement à ce que claironnent les médias occidentaux.

Michael et Genia prennent tous les risques pour porter leurs images à Tskhinvali, la capitale bombardée d'Ossétie du Sud. S'ensuivent des scènes où un officier géorgien abat de sang-froid un civil et où les chars venus de Tbilissi détruisent systématiquement des maisons à bout portant. Le film a été tourné cet hiver en Abkhazie, l'autre territoire pro-russe de la Géorgie dont Moscou a reconnu l'indépendance le 26 août.

«Guerre de l'info»

Autre séquence : un journaliste anglo-saxon de la «chaîne SBC» raconte contre toute évidence que ce sont les Russes qui bombardent. «C'est la guerre de l'info», dit-il triomphant aux héros médusés par le mensonge. Sur fond de ballet d'hélicos au ralenti façon Apocalypse Now, Mike et Genia rencontrent enfin une colonne de chars russes, les libérateurs, tels qu'ils sont effectivement considérés par la population ossète.

À la fin du film, Michael est invité sur un plateau de télé américaine qui ridiculise ses révélations en diffusant uniquement ses images de papillons. Une allusion directe à un épisode médiatique qui fit grand bruit en Russie. Le 13 août, la chaîne américaine Fox News avait interrompu une femme ossète qui dénonçait la responsabilité du président géorgien Saakachvili. Cette scène fut déformée par un montage grossier afin d'exagérer la partialité de Fox News, dénoncée par Vladimir Poutine.

Surprise à la fin du film. Genia, hospitalisée, regarde les informations. Le commentateur : «Dans une interview au Figaro, Dmitri Medvedev affirme que l'indépendance de l'Ossétie et de l'Abkhazie est irréversible.» Le téléspectateur peut voir les vraies images de l'entretien du président russe que Le Figaro publia le 13 novembre.

Contrairement à ce qu'avance le film, les médias occidentaux n'ont pas tu l'attaque géorgienne dans la nuit du 7 au 8 août. Le fait est que la contre-offensive russe jusqu'au cœur de la Géorgie (absente du film) a ensuite focalisé l'attention des Européens et des Américains. Huit mois après la guerre dont un bilan humain indépendant manque toujours, les questions sur l'enchaînement des faits persistent. Qui est à l'origine des provocations en Ossétie qui ont précédé l'attaque géorgienne ? Dans quelle mesure les troupes russes étaient-elles prêtes à intervenir ? C'est pour tenter de répondre que l'Union européenne a confié une mission d'enquête à la diplomate suisse Heidi Tagliavini. Sa remise de copie est prévue le 31 juillet.

Sur le terrain, les armes ne se sont toujours pas tues. Un policier géorgien a été tué hier matin dans l'explosion de sa voiture à Dvani près de l'Ossétie du Sud, déplore l'EUMM, la mission d'observation européenne. Laquelle redoute un regain de tension, bien réel, pas du cinéma.

» BLOG - Les extraits du film en vidéo

De notre correspondant à Moscou, Fabrice Nodé-Langlois 
30/03/2009 | Mise à jour : 11:32

le Figaro

http://www.lefigaro.fr/international/2009/03/30/01003-20090330ARTFIG00352-le-cinema-russe-revisite-la-guerre-de-georgie-.php