samedi 22 mars 2008

28 ans après Moscou, le sport exclut un boycott des JO

Alors que la participation aux Jeux de Pékin fait débat, retour sur l'année 1980, où le choix fut laissé aux fédérations sportives. Témoignages.

Le lundi 28 janvier 1980, l'événement fait la une du Figaro. Le samedi précédent, le Comité olympique américain a décidé de répondre favorablement à la requête du président Jimmy Carter de «transférer, reporter ou annuler» les Jeux de l'été si les troupes soviétiques étaient toujours présentes en Afghanistan le 20 février. «Faut-il aller à Moscou ?» Pendant des mois, la question va alimenter des débats passionnés.

Le 22 janvier 1980, le dissident Andreï Sakharov avait été arrêté et déporté. Les appels au boycott s'étaient déjà multipliés, venant de personnalités politiques et intellectuelles, de Simone Veil à Sartre, Le Roy Ladurie ou Aron. Le 31 mars, Jesse Owens décède et les journaux tracent un lien entre le destin du champion des Jeux de 1936 à Berlin, où pour la première fois l'olympisme fut détourné de sa neutralité, et cette année 1980, où les Jeux sont menacés par un boycott. En avril, les États-Unis annoncent officiellement leur retrait, entraînant un «front du refus» qui ira croissant.

«On voulait en être»

«Comme aujourd'hui, il existait en 1980 un vrai débat autour du boycott», souligne Alain Billouin, ancien responsable de la rubrique olympique à L'Équipe. «Ce n'était pas une première, mais ce boycott était le premier d'envergure qui montrait que les deux blocs Ouest et Est existaient bien. Beaucoup y ont vu l'annonce de la fin des JO.»

Si 58 pays n'ont pas participé à ces Jeux, 81 nations ont répondu présent à Moscou. Parmi elles, l'Afghanistan. La France fut aussi de l'événement. Pas au complet. Le gouvernement, par la voix de Jean-Pierre Soisson, ministre des Sports, n'a pas voulu interférer. Le Comité national olympique (CNOSF) accepte l'invitation de Moscou tout en offrant aux sportifs la possibilité de renoncer à leur sélection sans sanction.

Douze fédérations enverront leurs athlètes. Celle d'escrime par exemple qui ramènera quatre des six médailles d'or françaises à Moscou. «On se fichait du contexte politique. Nous, athlètes, on voulait en être, souligne Frédéric Pietruszka, champion par équipes en fleuret et aujourd'hui président de la fédération. «Mais à Moscou, nous n'avons pas défilé et il n'y avait pas le drapeau français mais celui du CNOSF», raconte Philippe Boisse, titré collectivement à l'épée, et dont le fils, Erik, pourrait être à Pékin. Cette «dénationalisation des Jeux» fut le moyen trouvé par le CIO et les fédérations internationales pour sauver le mouvement olympique.

«Accepter de ne pas voir»

Cette année-là, d'autres fédérations ont décidé de boycotter. La première fut celle des sports équestres, suivie notamment par celles de tir et de voile. «Le président Legrez nous avait convoqués pour nous l'annoncer», se souvient Marcel Rozier, champion olympique de sauts d'obstacles par équipes en 1976 et à l'époque entraîneur national. «J'étais surpris car nous avions une équipe exceptionnelle et ça faisait mal au cœur.» Christian Legrez avait justifié le boycott par des médailles dévaluées en l'absence des meilleurs. Mais le double champion olympique Pierre Jonquères d'Oriola, optait pour un ton plus engagé dans nos colonnes : «Aller à Moscou, c'est accepter de ne pas voir, de ne pas savoir… Je dis non aux Jeux de Moscou…» en appelant aussi à un boycott économique, voire diplomatique et culturel de Moscou.

À quelques mois des Jeux de Pékin, des appels au boycott se font à nouveau entendre. Les acteurs sportifs de 1980 demeurent sur leur position : arrêter de faire payer aux sportifs une lâcheté que les États s'accordent au niveau économique. De ceux qui étaient présents à Moscou, certains comme Philippe Boisse glissent : «Peut-être que ceux qui sont allés à Moscou, malgré les pressions, ont fait avancer un processus qui allait conduire à la perestroïka ?» Alain Billouin en est persuadé. «Sans faire d'angélisme, il faut protéger l'idéal olympique qui est la fraternité de la jeunesse mondiale tous les quatre ans», répète-t-il.

Laurence Schreiner
20/03/2008 | Mise à jour : 23:00 |

Le Figaro

http://www.lefigaro.fr/international/2008/03/21/01003-20080321ARTFIG00070--ans-apres-moscou-le-sport-exclut-un-boycott-des-jo-.php

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