Au cours d'un discours fleuve, le président russe a présenté la vision qu'il se faisait de son probable futur poste de chef du gouvernement.
Du Kremlin, siège du président russe, à la Maison Blanche, siège du gouvernement, il n'y a qu'un pas. Le président russe Vladimir Poutine a confirmé jeudi qu'il deviendrait premier ministre et qu'il jouirait de puissantes prérogatives si son protégé Dmitri Medvedev est élu président lors de l'élection du 2 mars.
«L'heure n'est pas aux pleurs, il faut se réjouir de la possibilité de travailler à un autre poste, de servir son pays à un autre titre», a-t-il dit devant un millier de journalistes lors de sa conférence de presse annuelle, la dernière en tant que président.
Marathon
L'intervention de Poutine a été vécu comme un véritable marathon : le président russe a répondu pendant 4 heures 40 à près d'une centaine de questions posées en rafale. «Le pouvoir exécutif suprême dans le pays, c'est le gouvernement russe et le chef du gouvernement», a-t-il affirmé, en notant qu'il était doté de larges prérogatives, du «budget (..) à la défense ou la politique économique internationale». L'homme n'a pas l'intention de jouer les seconds rôles au sommet de l'Etat. Il a affirmé qu'il pourrait rester premier ministre «aussi longtemps que Dmitri Medvedev sera président», soit jusqu'en 2012, voire 2016. Inversant les rôles, il a noté s'être déjà «fixé des objectifs à ce poste» en présentant un programme pour la Russie jusqu'en 2020. Il a suggéré qu'il n'accrocherait pas le portrait de Dmitri Medvedev dans son bureau.
«Au final, le dernier mot revient au chef de l'Etat. Mais, j'ai bien sûr le droit de donner mon point de vue», a-t-il tempéré. «La dualité du pouvoir sera un phénomène nouveau», a jugé un analyste.
«J'ai ramé jour et nuit»
Ce rendez-vous avec les journalistes a été l'occasion pour le président russe de dresser un bilan de sa mandature. Poutine a expliqué «avoir ramé jour et nuit comme un galérien» pour son pays mais être «content de son travail». «Nous avons une situation stable, économiquement et politiquement», résume-t-il.
A quelques jours de l'indépendance annoncée du Kosovo, impossible pour le président russe de ne pas commenter l'actualité. Il a qualifié tout soutien à cette scission unilatérale d'«immoral et illégal». Sur les questions énergétiques qui ont récemment opposé Gazprom et l'Ukraine, Poutine a qualifié jeudi de «politique incorrecte, stupide, voire non-professionnelle» l'attitude des pays tentant de créer des voies de livraison d'énergie contournant la Russie.
Les déclarations de Poutine n'ont pas manqué de faire réagir les Etats-Unis. «Ce n'est certainement pas le genre de déclarations auquel on puisse s'attendre dans une démocratie saine, épanouie et vibrante», a déclaré à la presse le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack.
Vladimir Poutine suggère
de «corriger» Le Figaro
Lors de sa dernière conférence de presse en tant que président, le chef du Kremlin a manifesté son exaspération après une question portant sur la Tchétchénie.
Record battu : la grande conférence de presse annuelle de Vladimir Poutine a duré plus de quatre heures et demie. Plus de mille journalistes se pressaient jeudi au Kremlin pour le dernier exercice du genre du dirigeant russe avant l'élection présidentielle du 2 mars. L'ultime conférence du chef de l'État avait déjà un air de première conférence du premier ministre : Vladimir Poutine l'a confirmé à plusieurs reprises, il sera le chef du gouvernement du président Dmitri Medvedev, dont la victoire est assurée le 2 mars.
Poutine n'entend pas être un premier ministre de transition. Il «travaillera aussi longtemps qu'il le faudra» pour réaliser les priorités qu'il s'est fixées en matière de retraites, éducation, santé, lutte contre l'inflation… Quant à son dauphin à la tête de l'État, Poutine a assuré qu'il n'avait «pas besoin de chaperon» ; c'est «un homme droit et honnête, moderne et excellemment préparé». Le président, qui avait fait sa séance de sport quotidienne juste avant de répondre aux médias, s'est montré comme toujours infatigable, souvent cinglant, citant sans note des brassées de chiffres sur les performances économiques du pays et la reprise de la natalité. La première question impertinente est venue au bout de deux heures : sur la fortune secrète 40 milliards de dollars que lui attribue le politologue Stanislav Belkovsky, évoquée par des médias occidentaux. «Des racontars.» «Ils ont sorti tout cela de leur nez et l'ont étalé sur ces torchons.»
«Question incorrecte»
La quatrième heure du marathon approche. Au tour du Figaro : «Aux législatives de décembre 2007, votre liste, Russie unie, a obtenu plus de 99 % des voix en Tchétchénie. La participation a dépassé 99 %. Les résultats sont du même ordre en Ingouchie. Pensez-vous ces résultats conformes à la réalité ?» En Ingouchie justement, 90 000 personnes (la moitié du corps électoral !) ont signé en janvier une pétition pour dire qu'elles s'étaient abstenues.
Vladimir Poutine détourne la tête. Ne répond pas. Et donne la parole à un confrère de Tchétchénie. Lequel explique les bienfaits réalisés par Russie unie dans la république du Caucase. Poutine enchaîne : «Ces chiffres sont objectifs (…). La guerre civile a duré presque dix ans et les gens commencent à voir le bout du tunnel.» Un peu plus tard, un journaliste d'Ingouchie s'excuse auprès du président pour «la question incorrecte» du journaliste français. «Vous n'avez qu'à le corriger», suggère Vladimir Poutine, avec son humour viril. Lorsque le président s'en prend aux médias occidentaux qui déforment la réalité ou aux États-Unis qui ne veulent pas «lâcher leur étreinte» de l'Europe, il recueille des salves d'applaudissements. Mais à la fin de la conférence de presse, un confrère de Sibérie vient remercier Le Figaro : «Aucun journaliste russe n'aurait osé poser votre question.»
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