mardi 22 avril 2008

«Pour la France, c’est le premier partenariat stratégique à l’Est»

Le Premier ministre roumain, le libéral Calin Tariceanu, arrive aujourd’hui à Paris pour tracer les lignes du partenariat stratégique lancé par le président français, Nicolas Sarkozy, lors de sa visite en Roumanie début février. Le chef du gouvernement roumain en explique les enjeux.

Que signifie ce partenariat spécial ?

La Roumanie a besoin au sein de l’Union européenne d’un partenaire solide, qui puisse l’appuyer et l’aider. Je pense que la France a, elle aussi, besoin de partenaires privilégiés. La Roumanie, 7e pays européen en terme de population, est l’un d’eux. Regardez la présence économique et culturelle de la France ici, plus importante que celle de n’importe quel autre pays ! Les investissements français sont très visibles, que l’on parle du secteur bancaire, automobile, de la grande distribution… C’est la poursuite logique d’une vieille tradition, car la France avait joué un rôle très important pour la Roumanie dès le XIXe siècle, en aidant à la création de l’Etat roumain moderne.

Ce rôle a duré presque cent ans, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et après 1989 nous avons renoué avec la tradition. C’est pour cela aussi que la Roumanie est le premier pays de la région avec lequel la France a établi un partenariat stratégique. Son contenu est riche : mécanisme de consultations annuelles entre nos gouvernements pour échanger des informations sur les principaux dossiers européens, mais aussi approfondissement des relations économiques à travers des partenariats dans le secteur de l’énergie, l’agriculture, le bâtiment ou les transports. Un exemple : le projet de TGV Paris-Budapest. Nous voulons que ce TGV soit prolongé jusqu’à Bucarest, à 1 000 km à l’est, et nous allons en parler avec nos partenaires français.

Qu’attendez-vous de la présidence française de l’Union européenne (UE) au deuxième semestre ?

Le premier objectif est sans doute la conclusion du processus de réforme de l’Union, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er janvier 2009. Je pense qu’il est significatif que nos pays aient ratifié l’un après l’autre ce traité : la Roumanie le 4 février [lors de la visite du président Sarkozy à Bucarest, ndlr] et la France le 7 ! Par ailleurs, il y a les dossiers concrets, comme celui de l’énergie et du changement climatique, dont l’importance est partagée par la Roumanie, étant donné ses retombées sur l’économie.

Vous êtes accompagné par plusieurs ministres, dont celui de l’Intérieur. Allez-vous aborder la question des Roms roumains ?

Les deux ministres de l’Intérieur parleront d’abord de l’appui que la France peut accorder à la Roumanie afin qu’elle accède à l’espace Schengen. Nous allons également parler de la sécurisation de la frontière est de la Roumanie, l’une des plus importantes de l’UE, où la France peut apporter également sa contribution. Quant à la question des Roms, le problème est désormais européen. La Commission européenne devrait prochainement publier un rapport concernant les Roms et leur insertion sociale. Nous comptons donc sur le soutien de la présidence française pour maintenir ce sujet sur l’agenda des débats communautaires. Honnêtement, je ne pense pas qu’il y ait de solutions miracle. Il faut trouver une solution pour le long terme qui doit s’appuyer, en premier lieu, sur l’éducation.

Après la grève de trois semaines à l’usine Dacia de Pitesti (filiale de Renault), certains craignent que ce genre de conflits sociaux prolongés ne fasse fuir les investisseurs. Qu’en pensez-vous ?

En ce qui concerne le conflit social en lui-même, je ne peux pas me prononcer, mais je comprends les deux parties : les employés, qui souhaitent des salaires plus élevés, mais aussi les employeurs, qui veulent mettre en relation le niveau des salaires avec ce qu’on appelle la productivité du travail. Quant aux sociétés étrangères, je pense qu’elles ont des raisons solides de venir en Roumanie et notamment dans l’industrie automobile qui est aujourd’hui «la locomotive» de l’économie avec un chiffre d’affaires de près de 16 milliards d’euros et 200 000 employés. Renault compte d’ailleurs poursuivre son développement en Roumanie, par l’ouverture prochaine d’un centre technologique à Titu [près de Pitesti, ndlr]. Il y a au moins trois raisons pour lesquelles la Roumanie restera attractive : le coût de la main-d’œuvre est encore bon marché, la qualité des employés est très bonne et puis, il y a un autre atout qui compte : la bonne capacité des Roumains à s’adapter ainsi que leur don pour les langues étrangères. Enfin, nous avons su créer des conditions favorables, comme le taux unique d’imposition de 16 %, salué par tous ceux qui ont investi ici.

Propos recueillis par Luca NICULESCU (à Bucarest)
Libération. Mardi 22 avril 2008
http://www.liberation.fr/actualite/monde/322514.FR.php?rss=true&xtor=RSS-450

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