Il sourit à Bernard Kouchner, puis s’envole pour la Chine. Jure des liens indissociables avec le Kazakhstan, et signe ses premiers contrats à Pékin (1 milliard de dollars - 0,63 milliard d’euros - pour le programme nucléaire chinois)… Le nouveau président russe, Dmitri Medvedev, est en train de faire des débuts assez subtils sur la scène diplomatique. Le ministre français des Affaires étrangères, qui lui a rendu une courte visite au Kremlin mercredi, est ressorti très impressionné par le personnage. «C’est rafraîchissant et même extrêmement troublant de voir ce jeune type frêle de 40 ans dans les palais du Kremlin, entendait-on au sein de la délégation française, au sortir de l’entrevue. Au début, on se dit qu’il est déplacé, mais on voit que c’est un malin ! C’est l’homme d’une nouvelle génération. Il est certainement plus pro-occidental que Poutine.»
«Très prudent». Quand Poutine jouait volontiers au «petit dur», Medvedev ne cherche pas pour l’instant à se hausser du col, ont apprécié les diplomates français qui accompagnaient Kouchner. Selon eux, «le vrai patron» de la Russie reste encore Poutine, qui sera d’ailleurs reçu jeudi à Paris. «Medvedev attend son heure, il est encore très prudent, reprend un diplomate français. Mais il a bien compris que la Russie doit ouvrir une nouvelle page.» Le style Medvedev est plus souriant, mais cela ne veut pas dire que la politique russe sera plus conciliante, libérale ou pro-occidentale, nuancent les analystes russes. «L’Occident voudrait tant faire de Medvedev un libéral, s’amuse Alexeï Pouchkov, journaliste de la télévision publique. Mais mes contacts directs avec Poutine m’ont montré qu’il était lui-même un homme ouvert. Medvedev me semble au contraire plus réservé.» Si Medvedev effectue aujourd’hui ses premières visites diplomatiques au Kazakhstan et en Chine, c’est aussi parce que les mains tendues de Poutine vers l’Occident n’ont pas toujours été payées de retour, plaide cet analyste, rappelant tout ce qui agace actuellement Moscou : le projet américain de bouclier antimissile en Europe, les candidatures de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Otan… «Moscou fait comprendre que si l’Occident insiste sur ces positions, inacceptables pour la Russie, celle-ci a d’autres alternatives», résume Alexeï Pouchkov. Pourquoi attendre un changement à Moscou, alors que «les problèmes restent les mêmes», plaide également Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in global affairs. Si Medvedev se rend en Chine, c’est aussi que le centre de gravité de la planète est en train de se déplacer vers l’Orient. «Pendant les huit années de présidence Poutine, le rôle de la Chine dans le monde a considérablement augmenté, souligne Fiodor Loukianov. Et la Russie a encore du mal à définir sa politique dans la région du Pacifique, elle y a accordé trop peu d’attention.»
Pétrole. Tandis que Dmitri Medvedev souriait de toutes ses dents cette semaine à ses visiteurs occidentaux, ses services secrets, le FSB, poursuivaient l’offensive contre le groupe pétrolier British Petroleum (BP). Le FSB a fait une nouvelle descente cette semaine dans les bureaux moscovites du groupe BP, actuellement sous forte pression pour rendre ses parts dans un important gisement russe. L’offensive est typique des années Poutine. Elle rappelle notamment comment les dirigeants russes se sont réappropriés les gisements de Ioukos, et elle sert aussi un autre objectif central de la diplomatie russe : contribuer à la flambée des prix des hydrocarbures.
De notre correspondante à Moscou LORRAINE MILLOT
QUOTIDIEN : samedi 24 mai 2008
QUOTIDIEN : samedi 24 mai 2008
Libération
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