mercredi 7 mai 2008

Medvedev, un président élevé dans l’ombre de Poutine

Il est plutôt lève-tard, émerge vers 8 heures du matin après six heures de sommeil, commence ses journées par des longueurs de piscine, puis surfe sur Internet pour «se réveiller». Il pratique aussi le yoga, aime le poisson et les desserts sucrés… Pour donner un peu corps au nouveau président russe, Dmitri Medvedev, qui doit être intronisé aujourd’hui en grande pompe dans ses nouvelles fonctions au Kremlin, ses conseillers ont dû distiller ce genre de détails à une presse bien en mal d’information. Car pour l’essentiel, le jeune Dmitri Medvedev, demeure encore et avant tout le terne et lisse «homme de Poutine», repéré, formé et promu par le président sortant. A 42 ans, il sera d’ailleurs l’un des plus jeunes chefs d’Etat au monde, avec le Congolais Joseph Kabila, le Géorgien Mikhaïl Saakachvili et le Togolais Faure Gnassingbé.

Postcommuniste. Après s’être longtemps distingué par ses gérontes, le Kremlin parachève un sérieux rajeunissement. Medvedev sera le premier président russe à avoir fait toute sa carrière dans la période postcommuniste : tandis que Poutine s’était façonné à l’école des services secrets soviétiques, Medvedev a fait ses griffes durant les folles années 90 en se lançant dans plusieurs affaires commerciales, étroitement liées au pouvoir.

Jeune, juriste, sportif et buveur de thé, Dmitri Medvedev, tel qu’on le connaît - du moins jusqu’à présent - se présente comme un décalque assez parfait de Vladimir Poutine. Embauché par ce dernier à la mairie de Saint-Pétersbourg dans les années 90, Medvedev a suivi son mentor à Moscou en 1999 pour faire ses classes dans l’administration présidentielle, avant d’être choisi par Poutine pour lui succéder. L’ancien président semble d’ailleurs vouloir continuer à jouer un rôle central, si ce n’est un tutorat, depuis son nouveau poste de Premier ministre qu’il doit occuper ce jeudi. «Medvedev est un petit homme ordinaire, du type de ceux qui n’attrapent jamais les étoiles, résume Marina Litvinovitch, aujourd’hui opposante résolue au régime, mais qui avait travaillé sous son égide, au sein de l’état-major de campagne de la première présidentielle de Poutine, en 1999. Aux côtés de cerveaux créatifs remarquables, «Medvedev s’y distinguait par son manque de personnalité», se souvient-elle. «Il était visible qu’il n’avait guère de qualités d’organisateur, il ne contrôlait rien et ne décidait pas grand-chose.»

Le député Sergueï Markov, proche du Kremlin, se montre aussi réservé : «Il est difficile de dire si Medvedev saura s’émanciper de Poutine, observe ce politologue. Medvedev est un homme moderne, très bien formé et ambitieux. Mais on ne l’a pas encore vu à l’épreuve des conflits.» En tout cas, Dmitri Medvedev ne sera certainement pas le «libéral» dont rêve volontiers l’Occident, prévient Sergueï Markov : «Medvedev n’est certainement pas un moteur de la libéralisation, il en est plutôt l’indicateur. C’est parce que Poutine a compris qu’il fallait une politique plus libérale, pour diversifier l’économie russe, qu’il a choisi Medvedev.» Le «libéralisme» de Medvedev n’est qu’un «mythe» soigneusement entretenu par ses propagandistes, prévient aussi le politologue Stanislav Belkovski, auteur d’un livre récent sur le personnage.

«Envergure». Le fait que le nouveau président soit un usager assidu d’Internet laisse plutôt présager d’une prochaine offensive pour mettre au pas les médias électroniques, prédit Stanislav Belkovski. Cet analyste invite en revanche à ne pas trop sous-estimer le nouvel élu : «A son arrivée au pouvoir, Poutine n’avait pas beaucoup d’envergure non plus, rappelle Stanislav Belkovski. Pour l’essentiel, Poutine n’a fait que représenter les besoins de la classe dirigeante qui avait besoin de lui pour étouffer la démocratie. Aujourd’hui, on a besoin de Medvedev pour achever la légalisation des revenus de l’élite russe en Occident… Au fond, Medvedev n’est donc pas très différent de Poutine» conclut aussi cet observateur.

LORRAINE MILLOT
Libération - mercredi 7 mai 2008
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