L'importante victoire aux élections législatives géorgiennes du 21 mai du parti du président Mikheïl Saakachvili, le Mouvement national uni - arrivé en tête avec 61 % des voix, selon des résultats préliminaires - a été dénoncée par l'opposition. Elle a également été critiquée par les observateurs de l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE). Ces derniers ont souligné des "intimidations", des "manquements importants", lors du décompte des voix et l'absence d'une séparation entre l'administration et le parti présidentiel.
Toutefois, "des progrès concrets et importants ont été réalisés" depuis la présidentielle de janvier, a souligné, jeudi à Tbilissi, Joao Soares, le chef de la mission OSCE. Mikheïl Saakachvili comptait sur ce scrutin pour rétablir son image, écornée lors de la répression des manifestations de l'opposition, en novembre 2007.
Soucieux d'éviter une répétition des batailles de rue, le président Saakachvili promet l'ouverture : "Nous ne procéderons à aucun changement sans consultations avec les autres formations politiques." Le chemin vers le dialogue sera long : le pouvoir et l'opposition, qui a réuni quelques milliers de manifestants à Tbilissi le soir du vote, se voient comme des ennemis.
Trois autres partis entreront au Parlement : le Conseil de l'opposition unie, une coalition de neuf partis, qui a remporté 15 % des voix ; le Parti chrétien-démocrate (8 %) et les travaillistes (7 %). Le chef de la coalition, Levan Gatchetchiladze, un ancien associé de Pernod Ricard, n'a eu de cesse pendant la campagne de dénoncer "le régime policier fasciste" de M. Saakachvili, sans lui opposer un modèle crédible. Recevant Le Monde dans sa villa de Tbilissi, il a prétendu que, pendant les manifestations de novembre, "des gens étaient morts" des suites de la répression. Combien ? Qui ? Il n'a pu en dire davantage.
"Du haut en bas, au pouvoir comme dans l'opposition, ils mentent tous", constate froidement Guia, un étudiant en médecine de Tbilissi, plutôt sceptique sur la démocratisation du pays. Salomé Zourabichvili, autre figure de l'opposition, considère pour sa part que l'équipe en place a échoué : "Au début, lors de l'arrivée de Saakachvili au pouvoir (en 2004), des réformes ont été engagées avec énergie" mais, souligne-t-elle, les deux objectifs prioritaires, l'arrimage à l'OTAN et le retour des territoires séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, n'ont pas été atteints. "A la place d'une politique, on a une impasse", déplore l'ancienne ministre des affaires étrangères.
Désormais, la première tâche du pouvoir va être de recoller les morceaux de la relation avec la Russie, envenimée par le soutien que Moscou apporte aux séparatistes. Après le refus de l'OTAN d'accorder à la Géorgie le statut de candidat et la déclaration d'indépendance du Kosovo, la tension est à son comble en Abkhazie, où les troupes russes ont été renforcées. Un incident s'est produit le jour du vote sur la ligne de démarcation. Des Géorgiens de la région Gali (seul district sous contrôle des séparatistes où les réfugiés géorgiens sont autorisés à se réinstaller) qui s'apprêtaient à aller voter côté géorgien, ont vu leurs autobus mitraillés. Trois personnes ont été blessées, dont une grièvement. Le "président" abkhaze Sergueï Bagapch, en visite à Moscou, a dénoncé "une mise en scène hollywoodienne" orchestrée par Tbilissi.
A Moscou, les législatives géorgiennes n'ont guère été commentées. Sur Radio Svoboda, Boris Toumanov, expert de la région, a estimé que la victoire de M. Saakachvili était "un avantage pour la Russie." Le président géorgien "comprend parfaitement que les conflits gelés - l'Abkhazie et l'Ossétie - ne peuvent se régler par des effets de manches". Mais les vues des deux pays achopperont toujours sur un point : l'intégration au sein de l'OTAN. "Pourquoi tout le monde considère que la Géorgie doit appartenir à la Russie ?", interroge l'expert. "OTAN ou pas, quelle différence ? A 300 kilomètres de la frontière russe, la Turquie est déjà dans l'OTAN. Si la Géorgie veut en être aussi, qu'est-ce que ça change ?"
Marie Jégo
Article paru dans l'édition du 24.05.08.
Toutefois, "des progrès concrets et importants ont été réalisés" depuis la présidentielle de janvier, a souligné, jeudi à Tbilissi, Joao Soares, le chef de la mission OSCE. Mikheïl Saakachvili comptait sur ce scrutin pour rétablir son image, écornée lors de la répression des manifestations de l'opposition, en novembre 2007.
Soucieux d'éviter une répétition des batailles de rue, le président Saakachvili promet l'ouverture : "Nous ne procéderons à aucun changement sans consultations avec les autres formations politiques." Le chemin vers le dialogue sera long : le pouvoir et l'opposition, qui a réuni quelques milliers de manifestants à Tbilissi le soir du vote, se voient comme des ennemis.
Trois autres partis entreront au Parlement : le Conseil de l'opposition unie, une coalition de neuf partis, qui a remporté 15 % des voix ; le Parti chrétien-démocrate (8 %) et les travaillistes (7 %). Le chef de la coalition, Levan Gatchetchiladze, un ancien associé de Pernod Ricard, n'a eu de cesse pendant la campagne de dénoncer "le régime policier fasciste" de M. Saakachvili, sans lui opposer un modèle crédible. Recevant Le Monde dans sa villa de Tbilissi, il a prétendu que, pendant les manifestations de novembre, "des gens étaient morts" des suites de la répression. Combien ? Qui ? Il n'a pu en dire davantage.
"Du haut en bas, au pouvoir comme dans l'opposition, ils mentent tous", constate froidement Guia, un étudiant en médecine de Tbilissi, plutôt sceptique sur la démocratisation du pays. Salomé Zourabichvili, autre figure de l'opposition, considère pour sa part que l'équipe en place a échoué : "Au début, lors de l'arrivée de Saakachvili au pouvoir (en 2004), des réformes ont été engagées avec énergie" mais, souligne-t-elle, les deux objectifs prioritaires, l'arrimage à l'OTAN et le retour des territoires séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, n'ont pas été atteints. "A la place d'une politique, on a une impasse", déplore l'ancienne ministre des affaires étrangères.
Désormais, la première tâche du pouvoir va être de recoller les morceaux de la relation avec la Russie, envenimée par le soutien que Moscou apporte aux séparatistes. Après le refus de l'OTAN d'accorder à la Géorgie le statut de candidat et la déclaration d'indépendance du Kosovo, la tension est à son comble en Abkhazie, où les troupes russes ont été renforcées. Un incident s'est produit le jour du vote sur la ligne de démarcation. Des Géorgiens de la région Gali (seul district sous contrôle des séparatistes où les réfugiés géorgiens sont autorisés à se réinstaller) qui s'apprêtaient à aller voter côté géorgien, ont vu leurs autobus mitraillés. Trois personnes ont été blessées, dont une grièvement. Le "président" abkhaze Sergueï Bagapch, en visite à Moscou, a dénoncé "une mise en scène hollywoodienne" orchestrée par Tbilissi.
A Moscou, les législatives géorgiennes n'ont guère été commentées. Sur Radio Svoboda, Boris Toumanov, expert de la région, a estimé que la victoire de M. Saakachvili était "un avantage pour la Russie." Le président géorgien "comprend parfaitement que les conflits gelés - l'Abkhazie et l'Ossétie - ne peuvent se régler par des effets de manches". Mais les vues des deux pays achopperont toujours sur un point : l'intégration au sein de l'OTAN. "Pourquoi tout le monde considère que la Géorgie doit appartenir à la Russie ?", interroge l'expert. "OTAN ou pas, quelle différence ? A 300 kilomètres de la frontière russe, la Turquie est déjà dans l'OTAN. Si la Géorgie veut en être aussi, qu'est-ce que ça change ?"
Marie Jégo
Article paru dans l'édition du 24.05.08.
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