L'Organisation de coopération de Shanghaï, réunie en sommet au Kirghizstan, prend des allures d'organisation anti-américaine.
HIER, un ambitieux sommet des pays d'Asie centrale. Aujourd'hui, des exercices militaires de grande envergure avec la Chine. Vladimir Poutine multiplie ses efforts pour défendre dans la région les ambitions russes de superpuissance. À Bichkek, la capitale du Kirghizstan, le chef du Kremlin s'est certes contenté hier de parler d'« amitié » et de « sécurité » lors de la rencontre annuelle de l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Une organisation créée en 2001 pour lutter contre le terrorisme régional et qui regroupe autour de la Russie et de la Chine quatre pays d'Asie centrale (Kazakhstan, Tadjikistan, Ouzbékistan et Kirghizstan). Mais, au fil des ans et du regain d'assurance de la diplomatie russe, l'OCS a pris les allures d'organisation anti-américaine. Invité en observateur à Bichkek, le président iranien n'a d'ailleurs pas tardé à le rappeler.
Aux côtés de Vladimir Poutine et de Hu Jintao, le président chinois, Mahmoud Ahmadinejad s'est lancé dans une diatribe contre Washington et son projet de bouclier antimissile. Un programme auquel s'oppose Moscou. « Un tel projet va au-delà de la menace contre un pays. Cela concerne la majeure partie du continent, toute l'Asie », a fustigé Mahmoud Ahmadinejad. Des propos qui ont dû d'autant plus agacer Washington que Hu Jintao s'est empressé d'apporter son amitié au président iranien, s'affirmant « prêt à améliorer la coopération avec l'Iran dans tous les domaines et à tous les niveaux ». Quant à Vladimir Poutine, qui souhaite voir Téhéran devenir un membre à part entière de l'OCS, il s'est dit « convaincu » que « toutes les tentatives de résoudre seul les problèmes mondiaux et régionaux sont vaines ».
Un message adressé à Washington.
« Moscou ne veut pas devenir un gendarme du monde, mais ne veut pas être faible par rapport à Washington ! », explique Ivan Safranchuk, le directeur à Moscou du bureau du World Security Institute basé à Washington. En Russie, la diplomatie offensive de Vladimir Poutine est d'autant plus populaire qu'elle fait oublier les tergiversations pro-américaines de la présidence Eltsine : « Le Kremlin s'est rendu compte que Washington ne le prend pas au sérieux. C'est vécu ici comme une insulte... », insiste Ivan Safranchuk. « Du coup, on peut s'interroger sur les ambitions des exercices militaires russo-chinois d'aujourd'hui : Moscou envoie aussi un message à l'Otan et aux États-Unis. »
«Un message à l'Otan»
Ainsi, aux États-Unis, ces exercices militaires et le sommet de Bichkek sont-ils interprétés comme une tentative de la part du Kremlin de contrer l'influence américaine en Asie centrale. Une région d'autant plus stratégique qu'elle est riche en hydrocarbures. Pour la première fois, le président turkmène a d'ailleurs participé à la rencontre de l'OCS, hier. Hasard ou non, ces derniers mois, le Turkménistan, dont les réserves en gaz représenteraient jusqu'à un cinquième du total mondial, a signé des accords avec la Chine et la Russie.
Autant de coups durs pour les États-Unis, qui espéraient se rapprocher de ce pays afin de mieux saper l'influence régionale de l'Iran. « L'OCS a été un succès politique et, logiquement, ses membres cherchent à étendre leur coopération dans l'économie des hydrocarbures », prévient Jibek Syzdykova, directeur du Centre moscovite des études d'Asie centrale et du Caucase. « La Russie et la Chine ont des intérêts communs pour créer un contre-pouvoir géopolitique aux États-Unis. C'est la première fois qu'une organisation a uni les deux pays qui ont fortement influencé l'histoire de l'Asie centrale. » Autre première aujourd'hui : tous les pays de l'OCS participeront, en présence de Vladimir Poutine et de Hu Jintao, aux manoeuvres qui, au milieu de l'Oural, vont voir 6 500 soldats Russes et Chinois s'entraîner ensemble.
Alexandre CÈDRE.
Publié le 17 août 2007 - Le Figaro
HIER, un ambitieux sommet des pays d'Asie centrale. Aujourd'hui, des exercices militaires de grande envergure avec la Chine. Vladimir Poutine multiplie ses efforts pour défendre dans la région les ambitions russes de superpuissance. À Bichkek, la capitale du Kirghizstan, le chef du Kremlin s'est certes contenté hier de parler d'« amitié » et de « sécurité » lors de la rencontre annuelle de l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Une organisation créée en 2001 pour lutter contre le terrorisme régional et qui regroupe autour de la Russie et de la Chine quatre pays d'Asie centrale (Kazakhstan, Tadjikistan, Ouzbékistan et Kirghizstan). Mais, au fil des ans et du regain d'assurance de la diplomatie russe, l'OCS a pris les allures d'organisation anti-américaine. Invité en observateur à Bichkek, le président iranien n'a d'ailleurs pas tardé à le rappeler.
Aux côtés de Vladimir Poutine et de Hu Jintao, le président chinois, Mahmoud Ahmadinejad s'est lancé dans une diatribe contre Washington et son projet de bouclier antimissile. Un programme auquel s'oppose Moscou. « Un tel projet va au-delà de la menace contre un pays. Cela concerne la majeure partie du continent, toute l'Asie », a fustigé Mahmoud Ahmadinejad. Des propos qui ont dû d'autant plus agacer Washington que Hu Jintao s'est empressé d'apporter son amitié au président iranien, s'affirmant « prêt à améliorer la coopération avec l'Iran dans tous les domaines et à tous les niveaux ». Quant à Vladimir Poutine, qui souhaite voir Téhéran devenir un membre à part entière de l'OCS, il s'est dit « convaincu » que « toutes les tentatives de résoudre seul les problèmes mondiaux et régionaux sont vaines ».
Un message adressé à Washington.
« Moscou ne veut pas devenir un gendarme du monde, mais ne veut pas être faible par rapport à Washington ! », explique Ivan Safranchuk, le directeur à Moscou du bureau du World Security Institute basé à Washington. En Russie, la diplomatie offensive de Vladimir Poutine est d'autant plus populaire qu'elle fait oublier les tergiversations pro-américaines de la présidence Eltsine : « Le Kremlin s'est rendu compte que Washington ne le prend pas au sérieux. C'est vécu ici comme une insulte... », insiste Ivan Safranchuk. « Du coup, on peut s'interroger sur les ambitions des exercices militaires russo-chinois d'aujourd'hui : Moscou envoie aussi un message à l'Otan et aux États-Unis. »
«Un message à l'Otan»
Ainsi, aux États-Unis, ces exercices militaires et le sommet de Bichkek sont-ils interprétés comme une tentative de la part du Kremlin de contrer l'influence américaine en Asie centrale. Une région d'autant plus stratégique qu'elle est riche en hydrocarbures. Pour la première fois, le président turkmène a d'ailleurs participé à la rencontre de l'OCS, hier. Hasard ou non, ces derniers mois, le Turkménistan, dont les réserves en gaz représenteraient jusqu'à un cinquième du total mondial, a signé des accords avec la Chine et la Russie.
Autant de coups durs pour les États-Unis, qui espéraient se rapprocher de ce pays afin de mieux saper l'influence régionale de l'Iran. « L'OCS a été un succès politique et, logiquement, ses membres cherchent à étendre leur coopération dans l'économie des hydrocarbures », prévient Jibek Syzdykova, directeur du Centre moscovite des études d'Asie centrale et du Caucase. « La Russie et la Chine ont des intérêts communs pour créer un contre-pouvoir géopolitique aux États-Unis. C'est la première fois qu'une organisation a uni les deux pays qui ont fortement influencé l'histoire de l'Asie centrale. » Autre première aujourd'hui : tous les pays de l'OCS participeront, en présence de Vladimir Poutine et de Hu Jintao, aux manoeuvres qui, au milieu de l'Oural, vont voir 6 500 soldats Russes et Chinois s'entraîner ensemble.
Alexandre CÈDRE.
Publié le 17 août 2007 - Le Figaro
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