mardi 4 décembre 2007

La FIDH et Amnesty choqués des félicitations de Sarkozy à Poutine

Les deux associations jugent notamment "incompréhensible et scandaleuse" la réaction du chef de l'Etat français après la victoire du parti du président russe aux législatives.

Le président d'honneur de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) s'est insurgé, mardi 4 décembre, du message de félicitations du président Nicolas Sarkozy à son homologue russe Vladimir Poutine après les élections en Russie.
"La réaction de Sarkozy, totalement esseulée, est à la fois incompréhensible et scandaleuse", a déclaré Patrick Baudouin.
"Je pense que c'est un excès de zèle qui n'avait rien d'indispensable et qui ne contribue pas à honorer la France. Apporter un soutien à Poutine après des élections unanimement condamnées, c'est se compromettre et aller à l'encontre du discours officiel" sur le respect nécessaire des droits de l'Homme, a poursuivi Patrick Baudouin.
"C'est un mauvais coup porté aux démocrates et aux défenseurs des droits de l'Homme en Russie, au moment où il y a une dérive autoritaire évidente du régime de Poutine", a-t-il ajouté.

"Realpolitik" pour Amnesty

"Nous sommes très déçus par sa réaction, une fois de plus les droits humains sont négligés", a déploré pour sa part Danièle Artur, membre de la coordination Russie à Amnesty International, rappelant que chef de l'Etat avait tenu des propos très durs à l'encontre du président russe pendant la campagne présidentielle.
"Nous sommes en plein dans la realpolitik. Pourtant, on aurait pu être plus fermes. Car les Russes attendent beaucoup de nous, quoiqu'on en pense. Ils ne veulent pas seulement avoir leur porte-monnaie rempli", a-t-elle dit.
Nicolas Sarkozy a appelé lundi Vladimir Poutine pour le "féliciter" de la victoire de son parti dimanche aux élections législatives. La régularité du scrutin a été contestée par l'opposition russe et par plusieurs capitales occidentales.

"Félicitations" de Sarkozy

Les félicitations de Nicolas Sarkozy n'ont filtré que par l'entourage du président, l'Elysée s'étant jusque-là borné à confirmer que Nicolas Sarkozy avait téléphoné à Vladimir Poutine, mais sans préciser le contenu de cette conversation.
Selon le Kremlin, le chef de l'Etat français a "chaleureusement félicité" son homologue russe.
Les deux présidents ont "eu un échange de vues sur les questions d'actualité relatives aux relations franco-russes au cours d'une conversation (téléphonique) où le président français N. Sarkozy a chaleureusement félicité V. Poutine pour sa victoire aux élections", a précisé la présidence russe dans un communiqué.

Novelli salue la "clarté des résultats"

Les élections russes ont reçu peu d'échos positifs en France. Mardi, le secrétaire d'Etat français chargé des Entreprises et du Commerce extérieur, Hervé Novelli, a estimé à Moscou que la "clarté des résultats" aux législatives russes ouvrait une "période de stabilité importante pour les acteurs économiques".
"Je voulais indiquer que le résultat, la France en prend acte, constate qu'une large majorité s'est portée sur des candidats soutenus par Vladimir Poutine", a déclaré Hervé Novelli, en déplacement en Russie, dans une conférence de presse.
"C'est vrai que nous avons noté qu'il y a des allégations d'irrégularités qui ont été soulevées par un certain nombre de personnes. Nous attendons évidemment que les autorités russes fassent la lumière sur ces allégations et puissent indiquer ce qu'elles en pensent", a-t-il ajouté.
"Au-delà des allégations, la clarté des résultats ouvre une période de stabilité qui me semble importante pour les acteurs économiques qui ont besoin de visibilité, de clarté et de stabilité pour pouvoir améliorer leur activité tant commerciale que financière", a-t-il ajouté.

Félicitations de Gollnisch

La seule autre personne à avoir publiquement félicité Vladimir Poutine n'est autre que… Bruno Gollnisch, député européen, responsable des affaires internationales du Front national. Pour lui, "ces élections, qu'ils s'agissent des résultats du parti gouvernemental ou ceux du parti Libéral-démocrate, traduisent une renaissance de l'affirmation du fait national et de la fierté russe".
"Cette traduction est peut-être imparfaite, mais comment ne pas être stupéfait du culot des donneurs de leçons occidentaux, naguère muets à l'époque communiste, sur le manque de démocratie en Russie", a-t-il ajouté.
"Ce pays où les dirigeants des principaux complexes militaro-industriels détiennent la presse et la télévision pro-gouvernementale (...) est-ce seulement la Russie de Poutine, ou bien aussi la France de Sarkozy ?", a-t-il demandé, en faisant référence à "Matra, Dassault, Bouygues".
"Nos démocraties doivent balayer devant leurs portes, et préparer avec la Russie les coopérations fructueuses du grand espace boréal qui, mieux que l'Union européenne, peut répondre aux défis du monde de demain" déclare-t-il.

"Pas démocratiques", estime Berlin

Les conditions du scrutin ont été contestées par l'opposition russe et plusieurs capitales occidentales, l'Union européenne et l'OSCE ont exprimé des inquiétudes ou des réserves quant à son déroulement.
L'Allemagne a même dénoncé un scrutin ni libre ni démocratique.
De son côté, la Maison Blanche a de nouveau demandé lundi à Moscou d'enquêter sur les accusations de fraude portées après les législatives russes et a indiqué que le président George W. Bush n'avait pas l'intention d'appeler son homologue Vladimir Poutine pour le féliciter.

Le Nouvel Observateur (avec AFP)

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