Face aux nombreux obstacles procéduriers, Boris Nemtsov a jeté l'éponge dans un scrutin où le candidat du Kremlin, Dmitri Medvedev, est assuré d'une large victoire.
Andreï Levchine ne sait plus pour qui voter. Depuis dix ans, ce quinquagénaire professeur de littérature à Moscou soutient la cause libérale. «Mais aujourd'hui, il n'y a plus personne pour la défendre aux élections…», ironise-t-il dans un soupir plein de scepticisme à propos de la présidentielle du 2 mars prochain.
Face à Dmitri Medvedev, le dauphin de Vladimir Poutine, assuré d'une large victoire grâce à l'appui du chef du Kremlin, les candidats de l'opposition libérale se retirent les uns après les autres. Dernier en date : Boris Nemtsov, l'ancien vice-premier ministre du président Eltsine et désormais l'un des chefs de file de SPS (Union des forces de droite), vient de renoncer à se présenter. Il accuse le Kremlin de «recourir contre l'opposition à une propagande digne de Göbbels (le dirigeant de la propagande nazie, NDLR)».
Avant Nemtsov, deux autres figures du camp libéral avaient, contraintes et forcées, déjà disparu des listes des potentiels candidats. La semaine dernière, la commission électorale a rejeté le dossier de Vladimir Boukovski, l'ex-dissident soviétique résidant en Grande-Bretagne, au motif qu'il n'a pas vécu ces dix dernières années en Russie et qu'il a la nationalité britannique. Boukovski avait pourtant réuni les 500 signataires requis par la loi électorale pour initier sa candidature.
Kassianov reste en lice
Une formalité qui s'était révélée une gageure insurmontable pour Garry Kasparov : l'ex-champion d'échecs transformé en leader d'opposition avait loué plusieurs salles pour organiser cette réunion mais, les uns après les autres, leurs propriétaires ont annulé le contrat ; pris par le temps, Kasparov a dû déclarer forfait à cause de cette défaillance technique que le Kremlin est soupçonné d'avoir orchestrée.
Nemtsov, lui, a réussi à passer ces obstacles. Mais il en restait un de taille : rassembler les deux millions de signatures exigées pour tout candidat ne disposant pas de député à la Douma, comme c'est le cas pour tous les partis libéraux.
«Énorme et très difficile à obtenir !», insiste le politologue Dmitri Orechkine. Il n'exclut cependant pas que tous les mouvements d'opposition, jusque-là divisés à cause d'ambitions rivales, unissent leurs efforts pour réunir les signatures nécessaires en faveur du dernier candidat libéral en lice : Mikhaïl Kassianov, l'ex-premier ministre de Poutine devenu l'un de ses plus virulents adversaires.
«Une partie de l'élite, dans les régions notamment, est prête à le soutenir car, contrairement aux autres, Kassianov a une récente expérience concrète du pouvoir», assure Orechkine. Quant à la base libérale, selon le politologue spécialiste de la complexe réalité électorale russe, elle représente 20-25% de la population mais seuls 10% vont voter. «Paradoxalement, comme lors des dernières législatives, une partie de ces électeurs voteront… communiste : ils voient que les libéraux ont perdu toute influence alors que le PC, lui, fait entendre sa voix d'opposant. D'où de possibles soutiens pour Guennadi Ziouganov, le candidat communiste. La grande question : la majorité des autres électeurs libéraux voteront-ils Kassianov ?»
En se retirant de la course, Nemtsov s'est déjà indirectement désisté en faveur de Kassianov. «L'opposition démocratique a besoin d'un candidat unique», a-t-il lancé. Mais, au sein de l'intelligentsia libérale, beaucoup mettent en doute la conversion de l'ancien premier ministre et le soupçonnent d'être «un vrai faux candidat anti-Poutine manipulé par le Kremlin. Il ne pourra d'ailleurs obtenir les deux millions de signatures qu'avec une aide implicite des autorités…», soupçonne Levchine, le professeur moscovite. Comme d'autres simples électeurs libéraux, il prévoit en guise de protestation de finalement… s'abstenir.
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