En visite à Minsk, le président russe pourrait utiliser le projet d’union entre les deux pays pour se maintenir au pouvoir.
Véritable serpent de mer depuis la décomposition de l’URSS en 1991, l’idée de créer, sur les cendres soviétiques, un nouvel État entre la Russie et la Biélorussie, est à nouveau d’actualité. Le projet a même été placé au cœur de la visite entamée hier par Vladimir Poutine à son homologue biélorusse, le dictateur néostalinien Alexandre Loukachenko.
Le Kremlin a démenti, évoquant des «spéculations fantaisistes». Mais l’un des responsables du rapprochement russo-biélorusse, Pavel Borodin, a confirmé au Moscow Times que si le projet était accepté par les deux présidents, il serait ensuite soumis à des référendums à Moscou et à Minsk. Selon le scénario le plus couramment évoqué, Poutine prendrait la tête du nouvel État, tandis que Loukachenko serait son vice-président.
Les tentatives précédentes de réunir la Russie et la «Russie blanche» ont toutes échoué. «En 1996, sous l’administration Eltsine, Loukachenko voulait vraiment la réunification. Charismatique et ambitieux, il pensait pouvoir tirer profit de la faiblesse et de la maladie de Boris Eltsine pour devenir le patron du nouvel État. Mis en garde par le réformateur Anatoli Tchoubaïs, Eltsine a eu un sursaut de lucidité : il a refusé de signer.» Arcady Cherepansky sait de quoi il parle. À l’époque, avant «de faire défection» et de devenir opposant, il était diplomate à l’ambassade de Biélorussie à Washington. Il a vécu l’histoire de l’intérieur.
Six ans plus tard, en janvier 2000, c’est Loukachenko qui a refusé l’union que tentait de lui imposer Moscou, jurant que jamais il ne «s’agenouillerait» devant le Kremlin. Entre-temps, Eltsine avait été remplacé par Vladimir Poutine, jeune, fringuant et autoritaire chef du Kremlin, qui voulait avaler la Biélorussie sans accorder de contrepartie politique à son président. Pour mettre au pas Loukachenko, Poutine a depuis remis en cause le traitement préférentiel que la Russie accordait à la Biélorussie depuis son indépendance, dans le secteur énergétique.
Intérêts croisés
Alors, pourquoi cette nouvelle tentative de réunifier ces deux anciennes républiques soviétiques aurait-elle davantage de chances d’être adoptée aujourd’hui ? Tout simplement parce que les deux présidents y ont intérêt. La création d’un État unifié donnerait d’abord une assurance-vie à Poutine, dont le second mandat s’achève en 2008, en lui permettant de rester au pouvoir. «Elle permettrait aussi à l’ancienne Armée rouge de revenir à la frontière de l’Europe en effaçant la zone tampon formée par une Biélorussie indépendante», souligne le site américain Stratfor. Juste en face de l’Otan.
Si Poutine compte vraiment utiliser l’union russo-biélorusse pour se maintenir au Kremlin, Loukachenko pourrait obtenir davantage de concessions politiques qu’en 2000. L’union lui permettrait en outre d’éviter que Moscou lui vende son énergie au prix du marché, ce qui, étant donné la grande pauvreté du pays, finirait sans doute par affecter sa popularité. Enfin, selon Arkady Cherepansky, l’ancien responsable du sovkhoze Loukachenko caresse plus que jamais l’ambition de diriger un jour l’union russo-biélorusse.
Systématiquement réprimée, l’opposition biélorusse, pourtant opposée à la réintégration du pays dans la sphère russe, n’a pas son mot à dire. Hier, une centaine d’opposants ont manifesté à Minsk contre le projet d’union et la visite de Vladimir Poutine. Ils ont été, comme d’habitude, brutalement dispersés par la police.
Isabelle Lasserre
14/12/2007 | Mise à jour : 10:00 |
Le Figaro
http://www.lefigaro.fr/international/2007/12/14/01003-20071214ARTFIG00302-vladimir-poutineconvoite-la-bielorussie-.php
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