Les affichettes sont partout et toutes identiques : juste un portrait du président russe Vladimir Poutine, sans un slogan, sans une signature. Les premières sont apparues il y a déjà quelques semaines sur les murs de Mitrovica, dans la partie serbe de cette ville divisée du nord du Kosovo, et nul ne sait qui les a posées. Elles sont sur les vitrines des magasins ou à l’intérieur des cafés comme autant d’images saintes. «Il n’y a que Poutine qui puisse encore nous sauver, mais nous aurions quand même préféré que ce soit la France comme durant la Première Guerre mondiale», soupire Mili Miskovic, ingénieur retraité, qui tient désormais un petit kiosque. Quelque 50 000 Serbes, dont bon nombre de réfugiés venus d’autres parties du Kosovo, vivent dans cette région au nord de la rivière Ibar. Ils veulent le maintien - même formel - de la souveraineté de Belgrade alors que les Albanais (90 % de la population) exigent l’indépendance de cette province du sud de la Serbie placée sous protectorat international depuis 1999.
Statue. Alors que les Etats-Unis et l’Union européenne préparent cette indépendance «sous tutelle», Moscou continue de bloquer le processus au Conseil de sécurité. Et les Serbes du Kosovo se raccrochent à cet ultime espoir. «On a besoin de se dire que quelqu’un nous soutient, et pour nous, c’est maintenant comme une seconde patrie», explique Igor, étudiant en médecine. Cet enthousiasme prorusse avait commencé l’été dernier quand Moscou bloqua une première fois le plan du médiateur de l’ONU Martti Ahtisaari. En plein cœur de la ville trône désormais une statue de bronze entourée d’un drapeau serbe et d’un drapeau russe à la gloire du consul russe Grigorie Stevanovic Tcherbina, assassiné à Mitrovica en 1884 «par des terroristes albanais». Elle a été inaugurée il y a un mois en présence d’une délégation de l’ambassade venu de Belgrade.
«C’est un fait que les Russes soutiennent les Serbes du Kosovo et il est bon qu’il existe, enfin, un autre pouvoir sur la scène internationale pour équilibrer les Etats-Unis», souligne Momir Kasalovic, président du Conseil national serbe du Kosovo, qui regroupe la quasi-totalité des partis et des organisations de cette communauté. Momir Kasalovic est un peu embarrassé par cette russophilie effrénée alors que Belgrade espère encore convaincre l’Union européenne, du moins certains de ses membres, de surseoir à une indépendance du Kosovo sans accord de l’ONU, qui risquerait de faire tache d’huile dans une région toujours instable. Profil bas, il précise simplement : « Les Serbes du Kosovo continueront d’agir comme si cette indépendance illégale n’avait pas eu lieu, en respectant la légalité de Belgrade.» En clair, en cas d’indépendance, le nord limitrophe de la Serbie et peuplé de Serbes ferait sécession.
Berceau. Il y a trois jours, à la veille de la réunion du Conseil de sécurité, ils ont manifesté non loin du pont qui coupe toujours la ville en deux. Ils étaient venus par car de tout le Kosovo, y compris des «enclaves» protégées par la Kfor (la force de l’Otan) où vivent 60 000 Serbes. Certains portaient des pancartes avec le slogan «Russie, aide-nous !», d’autres inscriptions rappelaient que «le Kosovo est l’âme de la Serbie». Les Serbes considèrent en effet cette région comme le berceau de leur histoire. Un représentant local du parti du Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, a clamé au micro : «Nous demandons à la Serbie d’arrêter tous les négociations avec l’Union européenne parce que nous n’y avons pas notre place.»
Liberation.fr
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Blocage et divisions à l’ONU
Le Conseil de sécurité de l’ONU, avec la Russie d’un côté et les Occidentaux de l’autre, n’a pu que constater mercredi dans la nuit sa profonde division sur le «statut final» du Kosovo. Les membres occidentaux ont décidé de passer le dossier à l’Otan et à l’Union européenne pour préparer une indépendance «sous tutelle». «Il est clair que le potentiel pour une solution négociée est épuisé et que le statu quo est intenable», a affirmé l’ambassadeur belge. A Bruxelles, le ministre slovène des Affaires étrangères, Dimitrij Rupel, dont le pays prendra la présidence de l’UE le 1er janvier, a rappelé qu’«il faut être raisonnable, mais que certains processus ne peuvent plus être arrêtés».
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