Le cap Soya est un bout du monde de l'insulaire Japon : la partie de l'archipel la plus proche d'une terre étrangère. L'espace maritime qui prolonge la mer d'Okhotsk vers le Pacifique était connu des Aïnous, peuplades de chasseurs pêcheurs qui habitaient ses pourtours. Mais non des Occidentaux : en raison du brouillard, les Hollandais passés par là avant Lapérouse ne l'avaient pas vu, et ils en avaient déduit que la côte japonaise se poursuivait vers le nord.
Dénommé "détroit de Lapérouse" sur les cartes occidentales, il porte le nom de "détroit de Soya" sur les cartes nippones. Sans le débaptiser, le Japon consacre par ce monument la pérennité de la découverte du navigateur français. "Plus d'un siècle avant l'établissement des relations diplomatiques entre la France et le Japon, dont on célébrera le 150e anniversaire en 2008, les deux pays avaient déjà une histoire commune", commente le maire de Wakkanai, Koichi Yokota.
UN DÉTROIT FIGÉ DANS LA GUERRE FROIDE
"Le détroit est la plus grande découverte de Lapérouse", estime le capitaine de vaisseau Jacques Bodin, membre de l'Association Lapérouse-Albi, qui, avec un ancien officier de la marine impériale japonaise, Shunzo Tagami, président de la société historique de Wakkanai, a oeuvré pour que soit commémoré sur les rives russe et japonaise du détroit le passage du navigateur français.
Après avoir franchi ce bras de mer, Lapérouse se dirigea vers l'Australie, sa dernière escale, avant de faire naufrage, un an plus tard, au large de l'île de Vanikoro (Nouvelles-Hébrides). Ce n'est qu'une trentaine d'années plus tard que l'on retrouva les traces de sa fin tragique. Un mystère qui explique la question de Louis XVI montant à l'échafaud en 1793 : "A-t-on des nouvelles de M. de Lapérouse ?"
Peu emprunté, le détroit de Lapérouse reste figé dans la guerre froide. Il sépare deux pays qui n'ont pas signé de traité de paix depuis 1945 et qu'oppose un différent territorial (la souveraineté sur les îles Kouriles du sud). Il fut en outre le théâtre de l'un de ses derniers drames : au cap Soya, un monument rend hommage aux 269 passagers d'un avion de Korean Air qui, ayant dévié de sa route, fut abattu en 1983, à l'ouest de Sakhaline, par un chasseur soviétique.
LE MONDE | 06.12.07 | 14h03 • Mis à jour le 06.12.07 | 14h03
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