Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
La visite du nouveau ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner à Moscou était très attendue. Avec l'élection de Nicolas Sarkozy, l'ensemble des problèmes internationaux s'est soudainement manifesté avec plus d'acuité dans les relations russo-françaises, les positions des deux pays étant loin de coïncider sur la manière de les régler. Et voici que se bousculent les questions de l'indépendance du Kosovo, de la situation en Iran, du traité FCE et de l'ABM américain.
Avant la visite de M. Kouchner, Paris et Moscou s'étaient déjà, par les canaux diplomatique et militaire, donné la réplique sur ces problèmes, mettant une fois de plus en doute la possibilité de voir leurs positions se rapprocher. Voilà qui allait former le noeud de la rencontre entre le nouveau ministre français des Affaires étrangères et son homologue russe, l'expérimenté Sergueï Lavrov.
A en juger par les déclarations des deux ministres au cours de la conférence de presse qui a suivi leurs entretiens, les deux pays semblent être restés sur leurs positions, pour ne pas dire qu'ils les ont renforcées.
Cependant, le Traité FCE et le déploiement de l'ABM en Europe font peut-être exception. On peut probablement voir un rapprochement de positions, somme toute léger, dans le discours de M. Lavrov qui dit: "Je pense ne pas me tromper en affirmant que nous avons des intérêts communs à ce que le Traité FCE et le projet de déploiement de la troisième zone de positionnement du bouclier antimissile américain n'entravent la sécurité de personne". Evidemment, aucun des deux pays n'a eu l'audace de contester cet "intérêt commun", quel qu'ait pu en être leur désir.
M. Lavrov a chatouillé l'orgueil de Paris, rappelant que le 10 décembre prochain, après avoir été examinée par le groupe de contact, la question du statut du Kosovo retournerait devant le Conseil de sécurité de l'ONU. "Nous estimons qu'il est impossible d'établir des délais artificiels pour la résolution du problème", a indiqué le ministre russe à son homologue français, qui avait fait savoir la veille à Nezavissimaïa Gazeta, non sans fierté, que c'est précisément la France qui avait initié la proposition de prolonger de quatre mois les négociations entre le Kosovo et les Serbes. Le chef de la diplomatie russe a une fois de plus rappelé la position de Moscou, qui appelle Belgrade et Pristina à négocier en vue d'atteindre un résultat réalisable, et a invité la France à s'intéresser à ces questions sans chercher à "lire dans le marc du café".
Vint le tour de la question iranienne. Bernard Kouchner a tenté d'atténuer les récentes déclarations selon lesquelles la France serait en faveur de l'introduction de sanctions sévères contre l'Iran. Il n'était visiblement pas disposé à rappeler devant les journalistes que c'est également la France qui avait amorcé l'adoption de sanctions contre l'Iran par l'Union européenne, hors du cadre de l'ONU. Sergueï Lavrov l'a donc fait pour lui. Il a précisé que Moscou était perplexe face à l'idée de sanctions contre l'Iran adoptées par les Etats-Unis et l'UE et qui contourneraient la décision du Conseil de sécurité de l'ONU. Cette position des Etats-Unis et de l'UE ne peut que soulever une question naturelle, a souligné M. Lavrov: si les parties se sont mises d'accord pour travailler collectivement et si cet accord est incarné par une décision unanime du Conseil de sécurité, alors quel but poursuivent ces sanctions unilatérales?
On comprend bien que Bernard Kouchner est venu prendre le pouls de Moscou avant la visite de Nicolas Sarkozy. Mission accomplie. Le chef de la diplomatie française a fort bien compris que Moscou n'avait pas l'intention de changer de position, a fortiori sur les problèmes internationaux les plus importants pour la Russie.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur
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