mercredi 19 septembre 2007

Lyon était sous la menace nucléaire tchèque

La Tchécoslovaquie avait été chargée par le pacte de Varsovie de conquérir le sud-est de la France.

HUIT JOURS pour conquérir Lyon, en utilisant si besoin l'arme nucléaire. Dix-sept ans après la chute du mur de Berlin, l'historien tchèque Petr Lunak livre dans un passionnant ouvrage, paru le mois dernier (*), quelques secrets de la guerre froide. Ils font froid dans le dos.
Petr Lunak, qui est également diplomate à l'Otan, se fonde sur quinze documents tirés des archives militaires de l'ex-Tchécoslovaquie. En 1997, la République tchèque a été l'un des premiers pays d'Europe de l'Est à déclassifier ses archives.
Celles-ci révèlent que l'armée tchécoslovaque avait été chargée par l'ex-Union soviétique d'opérer en cas de guerre une offensive sur le territoire français en vue de conquérir Langres, Besançon, Épinal, puis Lyon. « Jusqu'à la moitié des années cinquante, explique Petr Lunak, le pacte de Varsovie (organisation militaire réunissant l'URSS et les pays du bloc communiste, NDLR) misait sur une stratégie défensive. L'objectif était de déplacer un conflit éventuel sur le territoire de l'ennemi occidental. Avec le développement des armes nucléaires, Moscou et ses alliés ont mis ensuite au point un plan offensif pour occuper l'Europe occidentale. »
Aux termes d'un plan d'opération daté du 14 octobre 1964, approuvé par le président tchécoslovaque Antonin Novotny, Moscou, raconte Petr Lunak, avait dévolu « un rôle ambitieux et difficile » à l'armée tchécoslovaque : « vaincre les armées occidentales dans le sud de l'Allemagne de l'Ouest (ex-RFA) afin d'opérer au bout d'une semaine près de la frontière française ». Après la prise de Lyon par les Tchécoslovaques, l'Armée rouge était censée prendre le relais pour atteindre les Pyrénées. Des conversations entre généraux tchèques rapportées par l'historien montrent que ces derniers jugeaient toutefois ce plan irréaliste.
Ces documents révèlent surtout que Moscou envisageait d'utiliser éventuellement ses armes nucléaires pour parvenir à ses fins. Curieusement, ils ne font pas état des pertes humaines que devait entraîner une telle attaque mais se contentent d'estimer que les dégâts auraient été plus importants pour l'Ouest que pour le camp soviétique.
Un plan toujours intact en 1986
Le plan, qui, selon Petr Lunak, prévoyait « 130 tirs nucléaires pour atteindre Lyon », est resté intact jusqu'en 1986, date à laquelle l'ancien numéro un soviétique Mikhaïl Gorbatchev lançait sa perestroika et amorçait un rapprochement avec les pays occidentaux. Trois ans plus tard, l'empire soviétique s'effondrait comme un château de cartes. Le plan ne fut pas abandonné pour autant. En 1989, après la chute du communisme, il fut d'abord édulcoré de manière à proposer deux options, défensive et offensive. Et en janvier 1990, alors qu'il n'était plus qu'une relique de la guerre froide, il fut de nouveau modifié à la demande de l'ancien dissident Vaclav Havel, devenu président de la République tchèque. L'option offensive ainsi que les mentions des cibles allemandes et françaises passèrent aux oubliettes de l'histoire.
Pour Petr Lunak, ces documents révèlent la vraie nature du régime soviétique « qui a élaboré cette stratégie très agressive au début des années soixante en dépit d'une détente relative entre l'Est et l'Ouest et alors que l'Otan n'avait jamais envisagé d'offensive terrestre sur le territoire du pacte de Varsovie ».
Les documents publiés par l'historien tchèque laissent également supposer que les Soviétiques avaient déployé sur le territoire de l'ex-Tchécoslovaquie des ogives nucléaires après l'invasion du pays par les troupes du pacte de Varsovie en 1968. Ce déploiement est stipulé dans un traité signé en 1965 par les deux pays. « Mais nous n'en avons aucune preuve, précise Petr Lunak. Et les officiels de l'époque n'en ont jamais parlé. »
(*) « Planification de l'impensable-Projets de guerre tchécoslovaques 1950-1990 » publié aux Éditions pragoises Dokoran. 440 pages.

ARIELLE THEDREL.
Publié le 19 septembre 2007
Actualisé le 19 septembre 2007 : 09h34
Le Figaro

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