mercredi 19 septembre 2007

Moscou et Paris divergent sur l'avenir du Kosovo


La question du Kosovo est, selon Bernard Kouchner, le premier véritable test de la capacité des Européens à formuler une politique cohérente et ferme vis-à-vis de la Russie. "C'est la première épreuve politique et morale qu'affronte l'Union européenne étendue à vingt-sept", estime le chef de la diplomatie française, ancien administrateur de cette province de Serbie dont 90 % de la population sont Albanophones et placée en 1999 sous protectorat des Nations unies, après l'intervention de l'OTAN en ex-Yougoslavie. "Ce qui compte, c'est l'unité des Européens, car nous ne devons pas nous faire dicter notre conduite au milieu de l'Europe, ni par les Russes, ni par les Américains".


"Nous tenons plus à cette unité entre Européens qu'au statut du Kosovo", a ajouté M. Kouchner, qui s'exprimait devant des journalistes dans l'avion l'emmenant à Moscou, où il a eu sur ce sujet, mardi 18 septembre, des entretiens lourds de divergences avec son homologue russe, Sergueï Lavrov.

La Russie joue sur les différences de point de vue qui existent entre Européens à propos des modalités d'accession du Kosovo à l'indépendance. Plusieurs pays, comme la Roumanie, la Grèce, la Slovaquie, la République tchèque, l'Espagne, et Chypre, pour des raisons variées, sont nerveux à l'idée que l'indépendance de la province soit proclamée et reconnue sans que le processus soit encadré par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Or Moscou bloque un tel texte.

Lors d'une conférence de presse tenue à l'issue des discussions avec M. Kouchner, M. Lavrov a mis le doigt précisément sur ce problème. "Tous les membres de l'Union européenne veulent que le statut du Kosovo soit consolidé par une résolution du Conseil de sécurité", a-t-il déclaré. "Tout conflit ne peut être résolu que sur la base du droit international", a-t-il ajouté.

Pour la Russie, la question du Kosovo, au même titre que celle du projet américain de bouclier antimissile en Europe, constitue une "ligne rouge", a souligné M. Lavrov. Il a de nouveau mis en garde contre tout processus de "déclaration unilatérale de l'indépendance" du Kosovo, susceptible, selon lui, d'entraîner des déstabilisations, "une réaction en chaîne, en Europe et ailleurs".

Depuis juillet une "troïka" (Union européenne, Etats-Unis, Russie) pilote de difficiles pourparlers entre Serbes et Albanais. Ces tractations doivent aboutir, le 10 décembre, à la remise d'un rapport au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Aucun accord n'est encore en vue. La Russie veut que les discussions durent le plus longtemps possible. M. Lavrov a observé, mardi, que d'autres conflits dans le monde, comme celui entre les Israéliens et les Palestiniens, "durent depuis soixante ans", sans qu'une solution ait été apportée. A propos du Kosovo, il a refusé, "l'introduction de délais artificiels".

M. Kouchner a répliqué plus tard, devant des journalistes russes : "soixante ans... nous n'avons pas soixante ans. Il faut régler ce problème. Nous avons des soldats sur place", en allusion aux troupes internationales déployées dans la province, et au flou juridique qui surviendrait si aucun accord n'est obtenu.

Natalie Nougayrède
Le Monde
Article paru dans l'édition du 20.09.07.

Aucun commentaire: