La Russie joue sur les différences de point de vue qui existent entre Européens à propos des modalités d'accession du Kosovo à l'indépendance. Plusieurs pays, comme la Roumanie, la Grèce, la Slovaquie, la République tchèque, l'Espagne, et Chypre, pour des raisons variées, sont nerveux à l'idée que l'indépendance de la province soit proclamée et reconnue sans que le processus soit encadré par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Or Moscou bloque un tel texte.
Lors d'une conférence de presse tenue à l'issue des discussions avec M. Kouchner, M. Lavrov a mis le doigt précisément sur ce problème. "Tous les membres de l'Union européenne veulent que le statut du Kosovo soit consolidé par une résolution du Conseil de sécurité", a-t-il déclaré. "Tout conflit ne peut être résolu que sur la base du droit international", a-t-il ajouté.
Pour la Russie, la question du Kosovo, au même titre que celle du projet américain de bouclier antimissile en Europe, constitue une "ligne rouge", a souligné M. Lavrov. Il a de nouveau mis en garde contre tout processus de "déclaration unilatérale de l'indépendance" du Kosovo, susceptible, selon lui, d'entraîner des déstabilisations, "une réaction en chaîne, en Europe et ailleurs".
Depuis juillet une "troïka" (Union européenne, Etats-Unis, Russie) pilote de difficiles pourparlers entre Serbes et Albanais. Ces tractations doivent aboutir, le 10 décembre, à la remise d'un rapport au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Aucun accord n'est encore en vue. La Russie veut que les discussions durent le plus longtemps possible. M. Lavrov a observé, mardi, que d'autres conflits dans le monde, comme celui entre les Israéliens et les Palestiniens, "durent depuis soixante ans", sans qu'une solution ait été apportée. A propos du Kosovo, il a refusé, "l'introduction de délais artificiels".
M. Kouchner a répliqué plus tard, devant des journalistes russes : "soixante ans... nous n'avons pas soixante ans. Il faut régler ce problème. Nous avons des soldats sur place", en allusion aux troupes internationales déployées dans la province, et au flou juridique qui surviendrait si aucun accord n'est obtenu.
Le Monde
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