lundi 17 septembre 2007

Le cosmonaute Gretchko a rendez-vous avec des extraterrestres


Interview du cosmonaute Gueorgui Gretchko
La veille du 12 avril 1961 je savais déjà que le vaisseau spatial Vostok était sur le point de partir avec Youri Gagarine. Dans notre local de travail nous regardions des images en provenance du cosmodrome de Baïkonour. Nous avions été informés du vol. Par conséquent, moi aussi j'ai entendu le fameux "On y va!" poussé par Gagarine. Tout comme la principale nouvelle annoncée depuis le lieu d'atterrissage: "Nous voyons le cosmonaute. Il marche vers nous en agitant les bras!"
Bien que projeté au-dessus des cieux par sa popularité, Gagarine était resté le même avec ses amis et camarades. Il n'hésitait pas à prendre conseil auprès de nous. Le premier cosmonaute avait aussi beaucoup aidé les cosmonautes civils que nous étions. Son autorité était péremptoire. Gagarine pouvait tout organiser pour nos entraînements et vols. Dans son bureau mémorial on voit toujours le calendrier sur lequel le jour de sa mort, le 28 mars 1968, il avait inscrit: "Se mettre d'accord avec l'aéroclub au sujet des vols des civils". Evidemment, les civils pouvaient voler avec un instructeur. Mais moi, par exemple, je ne le voulais pas. Pilote amateur, adepte du vol à voile, je voulais prendre l'air seul. Diriger un vaisseau spatial et piloter un avion sont deux choses très différentes. Pourtant, certains civils demandaient: "à quoi bon devons-nous voler dans un avion? Les militaires pilotent mieux que nous. Et puis jamais nous ne nous hisserons à leur niveau. L'expérience du pilotage est inutile dans l'espace".
Dans notre pays je suis le cosmonaute N°34. Dans mon enfance je rêvais de fusées et d'espace, ensuite je suis devenu cosmonaute. Dans la vie ces choses-là ne se produisent qu'exceptionnellement. Or, ce rêve hantait des millions de jeunes. Pour devenir cosmonaute il ne suffisait pas de faire de bonnes études, de pratiquer le sport et de travailler dans un bureau d'études. Il fallait aussi, bien sûr, être gâté par la chance. Si la fortune ne m'avait pas souri, je ne serais pas devenu cosmonaute. Beaucoup aujourd'hui s'intéressent aux extraterrestres. En ce qui me concerne, je n'en ai jamais rencontré. Bien que dans l'espace j'ai passé pas mal de temps derrière le hublot pour essayer d'en voir ne serait-ce qu'un seul. Sur Terre je me suis rendu sur des lieux où on en aurait aperçu. Rien. Mais je ne perds pas espoir! J'attends le 23 décembre 2013. Le jour du solstice d'hiver certaines légendes chinoises et indiennes annoncent quelque chose d'étonnant. C'est aussi ce jour-là que prend fin le calendrier maya. Or, les Mayas n'avaient pas pu créer leur calendrier puisque pour cela un télescope et une horloge précise sont nécessaires. Ce calendrier a probablement été conçu pour eux par quelqu'un d'autre. Pourquoi pas par des extraterrestres? Et puisque ce calendrier touche à sa fin, les extraterrestres pourraient donc revenir pour lui donner un prolongement ou encore pour nous morigéner de nous comporter comme des vandales à l'égard de cette merveilleuse planète qu'est la Terre. Cette hypothèse me plaît.
Notre génération de cosmonautes précurseurs était faite d'exaltés. Aujourd'hui ce sont des pragmatiques. Je me souviens bien que le vol de 18 jours effectué par Vitali Sevastianov et Andrian Nikolaïev leur avait semblé infiniment long. Or, Sergueï Krikaliov a passé plus de 800 jours sur orbite. Les générations actuelles ont davantage de connaissances et savent faire beaucoup plus de choses. La génération d'aujourd'hui a considérablement fait grâce à ce que les premiers cosmonautes ont accompli.
Les stations orbitales plurimodulaires conduisent le développement de l'astronautique dans une impasse. C'est paradoxal, mais plus une station comporte d'appareillages et de modules et moins elle est opérante. Il ne faut pas construire des stations habitées en permanence, composées de modules assemblés de manière rigide, car les observations doivent être menées simultanément en direction de la Terre, de l'horizon, d'une étoile, du Soleil, de la Lune, d'une planète. Or la structure rigide de la station rend impossible la réorientation des instruments! Voilà pourquoi les modules doivent voler en toute autonomie. J'avais prédit l'observatoire spatial Hubble quinze ou dix ans à l'avance. A l'époque j'avais dit qu'il fallait un module automatique spécialisé, dans lequel tous les instruments alimentés par une seule source d'énergie fonctionneraient jour et nuit 365 jours par an. Et si une panne survient, alors des cosmonautes sont envoyés sur place pour la réparer. La station n'est pas opérante parce que pendant que des instruments travaillent en direction d'une étoile ou du Soleil, tous les autres restent inactifs. Les navettes Shuttle elles non plus ne sont pas performantes. Et puis leurs vols coûtent cher et sont dangereux. Le Hubble, lui, constitué d'un seul module, fournit davantage d'informations que n'importe quelle station. Et combien de modules comportaient les Saliout et Mir et comporte la Station spatiale internationale (ISS)! Il n'est donc pas étonnant que les cosmonautes passent leur temps à faire des réparations. En quinze ans Hubble n'a été réparé que trois ou quatre fois.
Le nouveau directeur de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) a déclaré qu'il ne fallait pas construire l'ISS, que sur le plan stratégique ce projet n'était pas justifié. Et qu'il fallait voler vers la Lune et Mars. Un autre télescope infrarouge a été ajouté à Hubble, un troisième est en chantier. On a l'impression qu'après avoir été échaudés avec les Shuttle les Américains abandonnent les véhicules à voilure pour les capsules de descente munies de parachutes. Nous, nous faisons le contraire. Nous renonçons aux Soyouz qui se posaient comme une capsule de descente et passons au Kliper ailé! J'estime qu'il faut le plus vite possible construire un véhicule de grandes dimensions pouvant se poser comme une capsule. Qui en revenant d'un vol orbital ou même interplanétaire traverserait l'atmosphère comme une capsule pour ensuite, après avoir ralenti sa course, déploierait une voilure rigide et se poserait comme un avion, après avoir choisi le lieu d'atterrissage. Il s'agirait d'un hybride de la capsule et de l'avion.
Un secteur où les Américains ont pris de l'avance, c'est celui de la création de systèmes de survie fermés. Surtout pour le long terme, pour les futurs vols interplanétaires. Un vol vers Mars durera de dix-huit à vingt-quatre mois et pendant cette période il ne sera pas question de ravitailler la mission comme les vaisseaux de transport le font avec l'ISS. Par conséquent des réserves d'eau, d'air et de nourritures devront se trouver à bord du véhicule. Mais stocker ces réserves pour deux ans est impensable. Je me souviens parfaitement qu'en 1975, lors de mon premier vol dans l'espace, nous avions procédé à une expérience en matière de culture de pois dans l'apesanteur. Par la suite on avait cultivé des oignons, du froment. A l'Institut de biophysique de Krasnoïarsk une personne a passé treize mois dans un espace totalement clos! On ne lui avait absolument rien fourni: ni air, ni eau, ni nourriture. Il avait lui-même entretenu une serre qui lui avait procuré de l'air, de l'eau et des produits alimentaires. Personne d'autre que nous ne l'a fait dans le monde.
L'année dernière, après les accidents survenus aux Shuttle américaines, nous avons inséré nos Soyouz dans le programme de l'ISS. Seulement pour que celle-ci fonctionne comme une station scientifique, il faudrait que six personnes se trouvent à son bord. Or, nos vaisseaux ne peuvent emporter que trois personnes. Actuellement, les Américains travaillent sur un nouveau véhicule, les Européens construisent leur propre vaisseau de transport. J'ai bien peur de voir la Russie distancée sur tous les plans. Bien sûr, pour l'instant ce sont encore nos équipements que l'on trouve à bord des vaisseaux non habités américains et, surtout, européens. Cependant, les meilleurs chercheurs russes continuent de gagner l'étranger. Si cette tendance perdure, nous finirons par ne plus être compétitifs dans l'espace.
Les Etats-Unis financent la construction des modules russes pour l'ISS. En échange ils ont pris possession d'une partie de notre espace dans la station et de notre temps de travail sur l'appareillage. En d'autres termes, ils nous évincent peu à peu de la station. On dit beaucoup de bien des programmes élaborés pour la période allant de 2015 à 2050. Nos programmes étaient toujours valables, mais ces derniers temps leur financement s'est passablement dégradé. Si tout s'achève uniquement sur de belles phrases non étayées par un financement, alors nous resterons sur la touche.
Aux Etats-Unis, en Chine, en France, en Inde et au Brésil l'astronautique progresse à une cadence beaucoup plus soutenue. Il est fort possible que les Chinois déposent des cosmonautes sur la Lune d'ici à 2020. L'idée d'un premier vol spatial russo-chinois est à l'étude. A mon avis, les auteurs de science fiction qui envoyaient des missions internationales dans l'espace avaient raison. Tout comme les ingénieurs de tous les pays qui installaient des instruments à bord de stations. Le principe est juste. Tout pays fait certaines choses mieux que les autres. Les programmes spatiaux sont un agrément dispendieux et les pays n'ont pas tous les moyens de se livrer seul à des expériences. Pour cette raison, je pense qu'il n'y aura pas trois vols nationaux vers Mars mais un seul, international celui-là.
(Propos recueillis par Youri Ploutenko).

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