Vols militaires à la limite de la Scandinavie, tir d'un nouveau missile, explosion d'une mégabombe... Moscou cherche à défier l'Europe et les États-Unis, comme au temps de la guerre froide.
LA RUSSIE de Vladimir Poutine bande ses muscles. À peine son nouveau premier ministre nommé, le président russe, qui venait ainsi de démontrer son pouvoir absolu sur son pays, a orchestré hier une autre démonstration de force. Le message s'adressait cette fois à l'étranger, plus particulièrement aux Occidentaux. Pour la deuxième fois en quinze jours, des bombardiers russes ont volé suffisamment près de la Grande-Bretagne et de la Norvège pour que Londres et Oslo dépêchent des chasseurs à leur rencontre.
Les avions militaires russes ont contourné les côtes norvégiennes avant de se diriger vers l'Atlantique et n'ont pas pénétré les espaces aériens des deux pays européens, a indiqué l'armée norvégienne. En revanche, l'espace aérien finlandais a été brièvement violé hier matin par un avion de transport militaire Iliouchine 76, a annoncé le ministère finlandais de la Défense. Les vols militaires russes se sont multipliés à proximité de la Scandinavie et du Royaume-Uni depuis l'annonce par Vladimir Poutine, le 17 août dernier, de la reprise de patrouilles de bombardiers stratégiques.
Les bombardiers détectés hier étaient des Tupolev 160. C'est un appareil de ce type qui a largué une nouvelle bombe à effet de souffle, présentée comme la plus puissante du monde par la télévision publique russe, qui a diffusé l'information mardi (lire ci-contre).
Nouveau missile intercontinental
Fin août, lors du salon aéronautique international MAK, qui se tient chaque année près de Moscou, des chasseurs Sukhoï 27 ont effectué une simulation particulièrement spectaculaire de combat aérien. En mai, les militaires russes avaient annoncé le premier succès pour le nouveau missile intercontinental RS-24 à têtes nucléaires multiples. Le missile, qui avait été tiré de la base militaire spatiale de Plessetsk, dans le Nord-Ouest, avait survolé toute la Russie avant de détruire une cible dans la péninsule du Kamtchatka, 6 000 km plus loin. La nouvelle arme a été brandie comme une réponse directe aux éléments du bouclier antimissile que les Américains prévoient d'installer en Europe centrale.
« Chaque semaine, il y a une nouvelle démonstration de bombe ou de nouveau missile », observe, avec une pointe d'ironie, Aleksandr Golts, rédacteur en chef adjoint du magazine en ligne Ejednevny Journal, bon connaisseur des questions militaires. Certains « nouveaux missiles » ne sont en réalité que de simples versions améliorées d'armes existantes, ou des premiers tests réussis après des séries d'échecs, nuance Isabelle Facon, spécialiste de la défense russe à la Fondation pour la recherche stratégique de Paris. Quant à la reprise des patrouilles à long rayon d'action des bombardiers stratégiques, qui avaient été interrompues en 1992, il ne s'agit en réalité que d'exercices, tempère Aleksandr Golts. De véritables patrouilles signifieraient que les avions emportent dans leur soute des têtes nucléaires, comme ils le firent seulement entre 1985 et 1987, ce qui n'est pas actuellement le cas, selon Golts. Il n'empêche que les vols des imposants Tupolev 95, appareils à hélices sortis tout droit de Docteur Folamour, de Stanley Kubrick, ont de forts relents de guerre froide.
«Restauration de la superpuissance»
Ces démonstrations de force « répondent surtout à des enjeux de politique intérieure, analyse Aleksandr Golts. Quel que soit finalement le dauphin adoubé par Poutine, « l'un des thèmes de la campagne présidentielle sera la restauration de la superpuissance russe », prévoit-il. Pour Isabelle Facon, « la nostalgie de la grandeur » n'est pas qu'une posture du Kremlin et des généraux formés à l'époque soviétique. Elle est véritablement ancrée dans l'esprit de nombreux citoyens russes qui ont vécu l'effondrement économique et la crise de l'armée, dans les années 1990, comme une humiliation. Une période de faiblesse dont l'Occident a profité pour élargir l'Otan et intervenir au Kosovo. Depuis, grâce aux pétrodollars, Moscou est parvenu à quadrupler son budget de défense entre 2001 et 2007. Parallèlement, le président russe aurait perçu l'intervention américaine en Irak et les « révolutions de couleur », en Géorgie ou en Ukraine, comme un réel tournant dans sa relation avec l'Occident. La Russie n'allait plus se laisser marcher sur les pieds.
Lorsque, au coeur du mois d'août, Vladimir Poutine a posé torse nu lors d'une partie de pêche en Sibérie avec le prince Albert de Monaco, ses pectoraux et abdominaux sculpturaux ont beaucoup agité les médias et la blogosphère russes. Les muscles bronzés donnaient symboliquement le ton de la campagne.
Le Figaro
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De notre correspondant à Moscou FABRICE NODÉ-LANGLOIS.
Publié le 15 septembre 2007
Actualisé le 15 septembre 2007 : 21h33
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