vendredi 14 septembre 2007

Poutine brouille les cartes sur sa succession

Vladimir Poutine a sifflé hier le début des grandes manoeuvres préélectorales en nommant un nouveau premier ministre. Le président russe a accepté la démission du chef du gouvernement Mikhaïl Fradkov. La décision était attendue dans le microcosme politique depuis des semaines. Le chef de l'État a en revanche créé la surprise - et montré qu'il gardait les cartes en main - en nommant à la Maison blanche de Moscou Viktor Zoubkov, inconnu du grand public.
Conformément au rituel, c'est devant les caméras de la télévision publique que Mikhaïl Fradkov, assis face à Vladimir Poutine dans un bureau présidentiel du Kremlin, a remis sa démission. Après quoi le président, tout juste de retour d'une tournée en Océanie et au Moyen-Orient, est parti pour un voyage prévu dans la région de la Volga. C'est le président de la Douma, le fidèle Boris Gryzlov, qui a annoncé la candidature de Viktor Zoubkov. Laquelle sera vraisemblablement examinée par la Chambre basse du Parlement demain. Une simple formalité, étant donné l'écrasante majorité acquise au Kremlin.
Vladimir Poutine a surpris, car la plupart des observateurs spéculaient sur la nomination à la tête du gouvernement de Sergueï Ivanov, ex-ministre de la Défense, promu premier vice-premier ministre en février et donné comme le mieux placé pour succéder au tsar Poutine. Le quotidien économique Vedomosti l'annonçait hier en une comme pratiquement certaine, et imminente.

Les électeurs sont appelés à renouveler la Douma le 2 décembre, et à élire leur président début mars. Mikhaïl Fradkov a justifié son départ en déclarant qu'il fallait laisser au président toute latitude pour préparer les échéances électorales. Comme si ce technocrate terne et fidèle, en poste depuis trois ans et demi, pouvait gêner son patron, seul réel décisionnaire. Âgé de 57 ans, Mikhaïl Fradkov, petit homme tout en rondeur, a dirigé la police fiscale avant d'être nommé, en mars 2004, en remplacement de Mikhaïl Kassianov, aujourd'hui opposant déclaré. Depuis près de deux ans, Fradkov était occulté sur les grandes chaînes de télévision par ses deux « premiers vice-premiers ministres », Sergueï Ivanov et Dmitri Medvedev, considérés comme les principaux candidats à la succession de Vladimir Poutine. La Constitution interdit au président de se présenter une troisième fois, et le maître du Kremlin ne cesse de répéter qu'il ne la fera pas modifier.
Aussi, grandes et petites manoeuvres battent leur plein dans les coulisses. Dans ce décor, quel rôle jouera le nouveau chef du gouvernement ? Viktor Zoubkov est proche du président (voir encadré). Sa nomination évoque l'été 1999, lorsque Boris Eltsine sortit de son chapeau un obscur chef espion nommé Poutine, à six mois de la fin de son mandat. Âgé de 66 ans, Zoubkov ne présente a priori pas le profil pour être « le troisième homme » que Poutine ferait surgir de sa manche pour le placer sur orbite présidentielle. Sa fulgurante promotion témoigne sans doute de la volonté de Poutine de garder le pouvoir « jusqu'à la dernière seconde », comme il l'a dit la semaine dernière. Le président tente de cadrer les luttes de clans et d'influence qui font rage dans son dos.

À Moscou, les rédactions et les laboratoires d'idées bruissent plus que jamais de mille scénarios byzantins. Et si Poutine se préparait finalement à se succéder à lui-même ? Et s'il devenait premier ministre d'un président fantoche ? La composition du nouveau gouvernement pourrait livrer quelques indices. Les quelque cent soixante-dix jours qui nous séparent de la présidentielle promettent de dérouter de nouveau les kremlinologues.

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