samedi 15 septembre 2007

Zoubkov, candidat surprise

Formellement installé, vendredi, dans ses fonctions par la Douma, la chambre basse du Parlement russe, le nouveau Premier ministre, Viktor Zoubkov, fait déjà figure de présidentiable. Son intronisation éclair confirme une nouvelle fois à quel point la Douma a été transformée depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en «chambre d’enregistrement» au service du Kremlin.
Dauphins. Jusqu’à ce que Poutine le propose comme Premier ministre, aucun kremlinologue n’avait imaginé que cet obscur directeur du service fédéral de surveillance financière, âgé de 66 ans, puisse figurer parmi les dauphins présumés du tout puissant Président. Mais, dès sa nomination, Zoubkov a fait savoir qu’il n’était «pas exclu» qu’il s’inscrive dans la course pour la présidentielle de mars. Poutine, qui a déjà fait deux mandats, ne peut se représenter. «Zoubkov n’a pas pu se déclarer candidat sans avoir au préalable expressément été autorisé à le faire par Vladimir Poutine», juge Alexandre ­Rahr, spécialiste de la Russie au Conseil des relations internationales à Berlin. En sortant ce joker de sa poche, Poutine réaffirme qu’il est seul maître à bord et entend le rester jusqu’au bout. «Les vrais professionnels jouent jusqu’à la dernière seconde», rappelait-il mercredi.
Le Président a continué à entretenir la confusion en déclarant vendredi que Zoubkov, avec qui il a collaboré à la mairie de Saint-Pétersbourg dans les années 90, fait, avec d’autres, partie des prétendants à sa succession. «On ­disait il y a un an, un an et demi, que le champ était vide, qu’il n’y avait personne à élire. Aujourd’hui, on cite déjà au moins cinq personnes qui peuvent réellement prétendre être élues comme président de Russie en mars 2008», a-t-il lancé. Evoquant le nouveau Premier ministre, Poutine a ajouté : «Zoubkov peut, comme chaque citoyen de Russie, participer à la présidentielle.»
Jusqu’à présent, les politologues tablaient sur quatre présidentiables incluant trois Vice-Premiers ministres, Sergueï Ivanov, Dmitri Medvedev et Sergueï Narychkine, ainsi que le patron des chemins de fer russe Vladimir Iakounine. Tous viennent du KGB, le corps dont est issu Poutine, ou de Saint-Pétersbourg.
«Il ne faut pas juger trop vite. Nous ne saurons pas avant décembre qui sera le probable futur président», souligne le politologue Viatcheslav Nikonov. Cet expert, qui a ses entrées au Kremlin, n’a aucun mal à ­en­visager une candidature Zoubkov, «un homme parfaitement loyal envers Poutine».
Transition. Un certain nombre d’experts estiment toutefois que Zoubkov n’est qu’une figure passagère destinée à opérer une transition stable entre Poutine et son successeur. Selon un économiste proche de l’opposition, « Poutine va nommer le candidat qui apparaît le plus souvent à la télévision, dans la presse, et qui domine dans les sondages».
Le système est bien verrouillé, et Poutine lui-même n’a pas exclu de se représenter en 2012.

Libération
Par EMMANUEL GRYNSZPAN
QUOTIDIEN : samedi 15 septembre 2007

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