lundi 8 octobre 2007

En Russie, les lois sur l'immigration entravent la libre circulation et le travail des ONG


Encadrées par un important dispositif policier, des centaines de personnes se sont rassemblées à Moscou, à Saint-Pétersbourg et dans d'autres villes de Russie, dimanche 7 octobre, pour rendre hommage à Anna Politkovskaïa, la journaliste assassinée par balles il y a un an dans son immeuble moscovite.

Mais à Nijni-Novgorod (est de Moscou), la tenue d'un forum, prévue samedi, à la mémoire de la journaliste a été empêchée par les autorités. Ses cinq hôtes étrangers ont été interpellés puis détenus pendant plus de quatre heures par la police. A l'issue de leur détention, les cinq militants des droits de l'homme, originaires d'Espagne, de Grande-Bretagne et d'Allemagne, ont dû acquitter des amendes - de 88 à 140 euros - pour violation des "règles de l'immigration", un motif utilisé pour la première fois depuis la fin de l'Union soviétique à l'encontre d'étrangers militants des droits de l'homme.

PERMIS DE CIRCULER

Les policiers de Nijni-Novgorod ont expliqué aux militants que leurs visas touristiques ne leur permettaient pas de prendre part au forum. Le visa touristique donne la possibilité de prendre des photos des paysages et de faire des emplettes. Pour participer à des réunions et des manifestations, il faut un visa d'affaires, selon les autorités russes, qui se fondent sur la nouvelle loi sur l'immigration. Celle-ci est floue, surtout pour les ONG. Il y a deux semaines, Sylvia Braun, chef de mission de l'ONG Help à Nazran (Ingouchie), a été expulsée de Russie parce qu'elle était titulaire d'un visa d'affaires, ce qui est le cas de nombreux humanitaires actifs dans la région. Selon le tribunal de Nazran qui a statué sur son cas tout en lui infligeant une amende de 40 000 roubles (1 150 euros), elle aurait dû avoir un permis de travail.
Mme Braun travaillait pourtant depuis cinq ans à Nazran et à Grozny avec un visa d'affaires sans que personne n'y ait rien trouvé à redire. Peu après son expulsion, les ONG présentes dans le nord du Caucase (Médecins sans frontières, Médecins du monde, Action contre la faim, Handicap international et d'autres) ont été empêchées de se rendre dans la région. Depuis le 1er octobre, les expatriés qui travaillent pour ces organisations ne peuvent pas obtenir de permis de circuler dans la région (Daghestan, Ingouchie, Tchétchénie, Kabardino-Balkarie) sous prétexte que les documents qui ont servi à établir le visa ne mentionnaient pas les villes où ils comptent se rendre.
Ces pratiques rappellent les restrictions de l'époque soviétique. Petit à petit, des entraves sont mises à la libre circulation des personnes. La loi sur l'immigration impose ainsi aux citoyens russes et étrangers de s'enregistrer auprès du service des migrations. Une telle pratique contredit l'esprit et la lettre des accords d'Helsinki de 1975 sur la libre circulation des personnes. Accords que la Russie a signés.

Marie Jégo

LE MONDE 08.10.07 15h50 • Mis à jour le 08.10.07

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