vendredi 12 octobre 2007

Paris reste un partenaire clé pour Moscou (expert)

La première visite du nouveau président français en Russie s'est prêtée à des commentaires relevant que Nicolas Sarkozy n'est pas Jacques Chirac, et que par conséquent le Kremlin peut oublier toutes les variantes imaginables "d'axes" ou de "triangles". Le fossé entre la Russie et l'Europe va donc s'approfondir. Cependant, à regarder de plus près le style un peu excentrique et américanisé du président français, il ne faut pas se hâter de tirer des conclusions sur le contenu de ces relations.
La carrière de Nicolas Sarkozy témoigne du fait que c'est un homme politique ambitieux et persévérant, très pragmatique dans le choix des moyens à employer en vue d'atteindre les objectifs fixés. Vladimir Poutine se distingue par des qualités semblables: un pragmatisme maximal associé à sa propre notion de la grandeur nationale.
Les traits de caractère communs des deux présidents permettent d'espérer qu'ils parviendront à se comprendre. Cela ne signifie nullement qu'ils éprouveront de l'affection l'un pour l'autre, peut-être même, au contraire, l'irritation ne fera qu'augmenter. Mais les décisions sont souvent prises en se fondant non pas sur les sympathies, mais sur une juste compréhension du comportement du partenaire.
A l'époque de Jacques Chirac, Paris s'est rapproché de Moscou et de Berlin, mais le spectre d'un triangle de grandes puissances a effrayé les partenaires de la France dans l'Union européenne. La scission provoquée par l'attitude envers la guerre en Irak s'est aggravée après l'adhésion à l'UE des pays d'Europe centrale et de l'Est. Jacques Chirac a résolument détérioré les rapports avec eux, en proposant tout simplement aux nouveaux entrants de se taire lorsque les "grands" parlent.
Deux des trois piliers de l'équilibre euro-atlantique de la France - les rapports avec les Etats-Unis, la politique au sein de l'UE et les contacts particuliers avec la Russie - se sont ébranlés. L'équilibre a été rompu.
L'objectif de Nicolas Sarkozy est de rétablir cet équilibre. Cela explique aussi bien la dérive vers les Etats-Unis que l'attention que le président accorde à la "nouvelle" Europe.
Ce sont là, semble-t-il, de mauvaises nouvelles pour le Kremlin. Le principe de l'équilibre exige pourtant que Nicolas Sarkozy renforce le troisième pilier: les rapports avec la Russie. Mais plus Paris devient pro-américain et plus il devient important d'équilibrer ce processus par le développement des rapports avec Moscou. D'ailleurs, l'idée que la Russie est un des éléments principaux de la stabilité européenne reste fondamentale dans la politique française depuis plus d'un siècle, indépendamment de ceux qui dirigent la Russie: tsars, secrétaires généraux du Comité central du PCUS ou présidents.
Mais Moscou doit abandonner l'idée illusoire qu'elle peut attirer la France de son côté. Cela est contraire aux principes de Paris. Néanmoins, il est possible de compter sur le soutien de la France dans des circonstances géopolitiques et géoéconomiques plus complexes.

Source : gazeta.ru
Auteur: Fedor Loukianov, rédacteur en chef de la revue La Russie dans la politique globale

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