jeudi 15 novembre 2007

Avant les législatives, le journal d'opposition "Novaïa Gazeta" ferme sa rédaction à Samara

Le bihebdomadaire d'opposition Novaïa Gazeta a déclaré, lundi 12 novembre, être contraint de fermer sa rédaction à Samara, dans le sud de la Russie, accusant les autorités régionales et la police de "paralyser" le travail des journalistes à la veille des élections législatives du 2 décembre. Les abonnés de Samara continueront de recevoir le journal, envoyé de Moscou, précise la rédaction.

Le bihebdomadaire, dans lequel travaillait Anna Politkovskaïa, assassinée le 7 octobre 2006, est accusé par les autorités d'utiliser des programmes informatiques piratés. La police de Samara avait effectué une première descente à la rédaction le 11 mai 2007, à la veille du sommet Russie-Europe, et avait alors confisqué tous les ordinateurs.

Le rédacteur en chef de l'édition régionale, Sergueï Kourt-Adjiev, était à l'époque d'autant plus visé que sa fille, sympathisante de l'Autre Russie, le mouvement d'opposition de l'ex-champion d'échecs Garry Kasparov, avait organisé une "marche du désaccord" en marge du sommet. Des poursuites judiciaires avaient été lancées contre lui, assorties d'une interdiction de quitter le pays.

Le 8 novembre, la police a procédé à une nouvelle perquisition, saisissant cette fois-ci des documents comptables ainsi que l'ordinateur personnel de Sergueï Kourt-Adjiev. Dans un article publié à la "une" lundi, la rédaction moscovite explique le harcèlement des autorités par l'imminence de l'échéance électorale : législatives en décembre, présidentielle en mars 2008. "La nouvelle direction de la région (...) nettoie l'espace informatif pour assurer un score record au parti" Russie unie, dont la liste est emmenée par le président Vladimir Poutine au niveau national.

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

A Samara, la liste régionale de Russie unie est conduite par Vladimir Artiakov, un ancien officier du GRU (renseignement militaire), nommé gouverneur par le président Poutine en septembre. Son prédécesseur Konstantin Titov, en place depuis seize ans, avait été débarqué parce qu'il ne pouvait garantir un score suffisant au parti pro-Poutine.

Donné comme le grand vainqueur du scrutin à venir, Russie unie prend de plus en plus les traits de l'ancien parti unique de l'Union soviétique (PCUS). Alors que la campagne électorale vient de s'ouvrir, la voix des autres formations est à peine audible.

Récemment, un blogueur, médecin dans un hôpital, a raconté comment on lui avait enjoint sur son lieu de travail de rejoindre Russie unie. Comme il rechignait, la direction de l'hôpital lui a fait comprendre que, s'il persistait dans son refus, il allait perdre son travail.

Avant la rédaction de Samara, celle de Nijni-Novgorod (à l'est de Moscou) avait elle aussi été accusée d'utiliser des logiciels pirates. Ses ordinateurs avaient été saisis. Le zèle des autorités russes à combattre le piratage intervient alors que la Russie tente de rejoindre l'organisation mondiale du commerce (OMC).

Le non-respect des droits sur la propriété intellectuelle est un des principaux reproches faits au pays. Mais les poursuites organisées contre les pirates sont très sélectives. En juin, quelques jours avant la visite du président russe aux Etats-Unis, le site de musique piratée AllofMP3.com avait été fermé. En août, un tribunal moscovite l'a autorisé à nouveau.

Marie Jégo
Le Monde
Article paru dans l'édition du 15.11.07.

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