Par Iouri Zaïtsev, conseiller de l'Académie russe d'ingénierie, pour RIA Novosti
Partie I
Un vol habité vers Mars aura lieu, c'est incontestable. Si l'on emprunte la trajectoire optimale, l'aller prendra 350 jours et le retour tout autant. Les astronautes séjourneront 20 à 30 jours à la surface de Mars. Mais il est difficile de prédire exactement quand cela aura lieu.
Iouri Koptev, directeur du département militaro-industriel du ministère russe de l'Industrie et de l'Energie, estime que l'on pourrait partir dès demain, les possibilités techniques existant pour cela. La conception d'une telle mission est étudiée dans notre pays depuis 1960 et beaucoup a déjà été fait en ce sens, a-t-il souligné. Nikolaï Sevastianov, ex-président de RKK Energuia (centre russe de recherche et de construction aérospatiale), estime que le projet de vol vers Mars peut être réalisé après 2025 en trois étapes successives: un vol interplanétaire autour de la Lune, une mission habitée autour de Mars ensuite et enfin une mission habitée où l'équipage pourra poser le pied sur la surface de Mars.
Anatoli Perminov, directeur de Roskosmos (Agence fédérale spatiale russe), a déclaré: "Nous prévoyons un vol vers Mars après 2035". Ce sont probablement les dirigeants du pays qui mettront un point final à tout cela: le gouvernement doit approuver avant la fin de l'année le "Programme de développement du secteur spatial jusqu'à 2040". Mais les travaux s'effectuent déjà dans le cadre du Programme spatial fédéral actuellement en vigueur.
Il est à remarquer que plusieurs pays ont également prévu d'effectuer des vols vers Mars ces dernières années. Les Américains veulent commencer par un vol autour de Mars à partir de la Lune. Cette variante demande des dépenses énergétiques colossales: il faut d'abord faire parvenir des éléments de la mission martienne sur la Lune, en assurant un alunissage en douceur, ensuite, les assembler et partir en surmontant l'attraction lunaire. La variante russe prévoit un vol vers Mars à partir d'une orbite circumterrestre. La réalisation des deux projets n'est pas prévue avant 2035. Les Européens ont l'intention de marcher sur la Planète rouge dès 2024, ce qui est peu probable. Après avoir lancé en 2003 le premier taïkonaute, la Chine a également annoncé ses ambitions martiennes.
En 2005, les spécialistes russes ont préparé le projet "Mission habitée vers Mars". Selon Vitali Semenov, un des auteurs du projet et principal constructeur du Centre scientifique Keldych, les travaux accomplis en vue d'une mission interplanétaire ont mis en évidence une circonstance importante: les délais et les dépenses pour la mise en oeuvre de la mission martienne sont déterminés, pour l'essentiel, en fonction du type de propulseur.
L'impulsion spécifique, c'est-à-dire le rapport entre la poussée d'un propulseur et la consommation de combustible à la seconde, est la caractéristique la plus importante de n'importe quel moteur de fusée. Plus grande est la vitesse de l'écoulement des gaz et plus grande est la propulsion, la consommation de combustible étant identique, ce qui rend le moteur plus rentable. Malgré la technologie perfectionnée des propulseurs chimiques, une vitesse d'écoulement des produits de combustion insuffisante devient un mur infranchissable... Mais il est possible de "contourner" ce problème.
Par quoi peut-on remplacer les propulseurs ordinaires? On propose de chauffer les gaz les plus légers (hydrogène, hélium, méthane) à de hautes températures pour qu'ils entrent dans la buse à des vitesses deux fois et demie plus grandes que dans des propulseurs chimiques. Cela devient possible avec une pile nucléaire compacte, ou bien un élément thermique alimenté par des batteries solaires. Des propulseurs nucléaires destinés aux expéditions vers Mars ont été conçus en URSS et aux Etats-Unis dans les années 1960-1970, mais ces travaux n'ont pas dépassé le stade des essais terrestres.
Les propulseurs plasmiques et ioniques sont des modèles encore plus économes et "rapides". Le flot de particules chargées y est accéléré par un champ électromagnétique, presque aussi bien que dans un accélérateur de particules. La puissance de l'installation énergétique créant ce champ accélérateur de particules fait également partie des caractéristiques qui déterminent la poussée des moteurs.
La Russie possède une expérience unique en son genre dans la création et l'exploitation de réacteurs spatiaux. Au total, 32 appareils spatiaux dotés de réacteurs nucléaires et d'un convertisseur thermoélectrique d'une puissance de 3 et 5 kWt ont été lancés entre 1970 et 1988. La plupart de ces appareils ont accompli des missions dans le cadre du renseignement et ont opéré à de basses orbites circumterrestres durant plusieurs mois. Citons, à titre de comparaison, que l'unique appareil américain doté d'un réacteur atomique SNAP 10A et d'un convertisseur thermoélectrique d'une puissance d'environ 0,5 kWt a été lancé aux Etats-Unis en 1965. Mais il n'a fonctionné que 43 jours, bien qu'il gravite toujours sur orbite en tant que déchet spatial. Par la suite, les travaux américains dans le domaine de l'énergie nucléaire spatiale sont devenus purement théoriques et n'ont repris qu'en 2002.
La Russie construit également des "propulseurs à plasma stationnaire" (STP), dont la poussée spécifique est bien plus grande que celle des propulseurs chimiques traditionnels. Les premiers essais d'un STP dans l'espace ont eu lieu en 1972 à bord du satellite météorologique russe Meteor. En 1982, ils ont été installés sur des satellites géostationnaires en vue de corriger leur orbite.
Pratiquement tous les pays, y compris les principales puissances spatiales, utilisent différents modèles des engins à propulsion électrique russes pour leurs appareils. La puissance de ces propulseurs permet, par exemple, de passer d'une orbite basse à une orbite géostationnaire et de servir de moyen de transport interplanétaire.
En perspective, il est prévu d'employer des réacteurs nucléaires au fur et à mesure de leur création. Le principal problème lié à leur utilisation est d'assurer la sécurité nucléaire et radiologique à toutes les étapes, y compris lors des accidents, ce qui implique la poursuite des études.
Cependant, on a tendance à oublier qu'en plus de la création d'un vaisseau interplanétaire et de propulseurs pour effectuer un vol spatial lointain, de nombreux autres problèmes existent, d'ordre physiologique et psychologique, entre autres, qu'il est impératif de résoudre avant d'envoyer l'homme faire un voyage interplanétaire. Mais il s'agit d'un sujet à part.
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