samedi 24 novembre 2007

L'irrésistible attraction martienne. Partie II


Par Youri Zaïtsev, conseiller de l'Académie russe d'ingénierie, pour RIA Novosti

A l'étape actuelle de développement de l'astronautique, le vol de l'homme vers Mars n'est pas plus compliqué du point de vue technique qu'une expédition vers la Lune. Les spécialistes estiment que la technologie est pratiquement prête pour organiser la première expédition interplanétaire. Mais, avant d'envoyer une mission habitée vers Mars, les scientifiques doivent régler de nombreux problèmes d'ordre médico-biologique. En outre, il est déjà évident que le facteur humain sera prioritaire lors de l'élaboration du projet de vol vers Mars et que l'homme sera le maillon le plus vulnérable de la mission, déterminant même la possibilité de sa réalisation.

Trouver une solution aux problèmes médico-biologiques liés à la mission habitée vers Mars est le nouvel objectif des scientifiques. Les nombreux principes, méthodes et moyens médico-biologiques assurant les vols orbitaux habités ne conviennent pas pour un vol vers Mars. Un vol interplanétaire comporte des particularités: entre autres, les conditions différentes de communication avec la Terre, l'alternance des effets de la gravitation et la période limitée d'adaptation à la gravitation avant le début de l'activité de l'homme à la surface de Mars, les radiations élevées et l'absence de champ magnétique.

Un vol orbital de 438 jours effectué à la fin du siècle dernier par le médecin-cosmonaute Valeri Poliakov a prouvé l'absence de restrictions médico-biologiques fondamentales pour des missions spatiales prolongées. Aucun changement substantiel capable d'empêcher le prolongement régulier des vols spatiaux et la mise en oeuvre d'une mission habitée vers Mars n'a été dépisté jusque-là dans l'organisme de l'homme, souligne l'académicien Anatoli Grigoriev, directeur de l'Institut des problèmes médico-biologiques.

Mais un problème se pose: les astronautes doivent être protégés contre les rayonnements galactiques et solaires dans l'espace qui s'accroissent considérablement en dehors de la magnétosphère de la Terre. En deux ans de vol, la dose de radiations reçue peut dépasser de deux fois la norme admissible. Par conséquent, il convient de concevoir une protection spéciale contre les radiations. Les spécialistes sont enclins à placer les réservoirs de combustible, d'eau et des autres provisions autour du compartiment habitable, ce qui permettrait d'assurer une protection d'environ 80 à 100 g/cm2.

Les astronautes sont susceptibles de s'exposer à une dose considérable de radiations en se retrouvant à la surface de Mars. Comme il ressort des explorations effectuées par l'appareil russe HEND installé sur la sonde américaine Mars Odyssey, au cours d'éruptions solaires, l'intensité du flux de neutrons réfléchi par la surface de la planète peut s'accroître de plusieurs centaines de fois et atteindre des doses mortelles pour les astronautes. C'est pourquoi ils ne peuvent débarquer à la surface de Mars que lors "d'accalmies" solaires.

La nourriture des astronautes est un autre problème. L'expérience a été acquise, semble-t-il, depuis des années. L'équipage du vaisseau spatial mangera, comme aujourd'hui, des produits lyophilisés (séchés) qui doivent être dilués dans de l'eau et réchauffés pour être consommables. Mais bien que ces produits soient bons, il est nécessaire de diversifier le menu en y ajoutant des produits plus familiers. L'idée d'emporter des poules à bord du vaisseau, pour que les astronautes mangent des oeufs, a été rejetée car, comme l'ont démontré les expériences, les oiseaux nouveau-nés n'ont pu s'adapter à l'apesanteur. On pourrait emporter des poissons et des mollusques, mais ils se développent très lentement, c'est pourquoi il est peu probable que les astronautes puissent manger du poisson frais au cours d'un vol vers Mars. En revanche, une petite serre sera installée à bord du vaisseau interplanétaire.

Les spécialistes de l'Institut des problèmes médico-biologiques ont conçu un prototype de "potager spatial". Il s'agit d'un cylindre contenant des rouleaux imprégnés d'engrais. La paroi intérieure est recouverte de centaines de diodes rouges et bleues jouant le rôle des rayons du soleil. Les rouleaux tournent au fur et à mesure de la croissance des plantes en les rapprochant de la source de lumière. Tant que les herbes germent sur certains rouleaux, on peut procéder à la récolte sur d'autres. Un échantillon de cette installation permet d'obtenir environ 200 grammes d'herbes tous les quatre jours. L'accroissement du nombre de rouleaux et de sources de lumière augmente le rendement de l'appareil. En plus de l'approvisionnement en produits alimentaires, "l'agriculture spatiale" permettra de régler également le problème de la régénération de l'atmosphère à bord du vaisseau interplanétaire.

En ce qui concerne le problème de l'eau, il est établi qu'un astronaute a besoin de 2,5 litres d'eau par jour, par conséquent, quelques tonnes d'eau doivent obligatoirement se trouver à bord du vaisseau. Une partie de l'eau peut être recyclée. La variante idéale est de créer à bord du vaisseau des systèmes physiques et chimiques assurant un cycle complet de vie des matières. Mais ce ne sera probablement possible que dans un avenir assez lointain.

Il y a aussi des problèmes d'ordre psychologique. Etant donné que Mars se trouve à une grande distance, un signal hertzien met entre 20 et 30 minutes pour atteindre sa cible. Le Centre de contrôle des vols n'aura pas le temps d'intervenir en cas de situation urgente. La Terre sera, au mieux, un conseiller, alors que les décisions principales devront être prises à bord du vaisseau.

Avant d'envoyer une mission habitée vers Mars, les scientifiques essaieront de régler nombre de ces problèmes au cours de l'expérience russe Mars-500. Ce sera une simulation très précise du vol: six membres d'équipage passeront 520 jours dans un vaisseau terrestre constitué de cinq modules étanches, l'un d'entre eux imitera la surface de Mars.

Les modules sont truffés d'appareils enregistrant toutes sortes d'indices à l'intérieur du vaisseau et contrôlant les indices médicaux des explorateurs. Pour les scientifiques, il est important de surveiller le comportement de l'équipage dans une situation proche des conditions du vol vers Mars. Tous les résultats - des rapports entre les membres de l'équipe à la ration alimentaire - seront analysés par des spécialistes. Cela permettra de tenir compte du maximum de situations possibles susceptibles de surgir au cours d'un vol réel et de contribuer à leur résolution.

Les candidats au "vol interplanétaire terrestre" sont déjà assez nombreux: pour l'essentiel, des hommes. Il s'avère que, compte tenu des particularités physiologiques et psychologiques inhérentes à la mission, les femmes ont beaucoup moins de chances de marcher sur Mars. Six hommes participeront à l'expérience, mais l'équipage du vol réel vers la Planète rouge ne comptera que quatre membres.

Il est à remarquer qu'aussitôt après l'annonce de l'expérience russe Mars-500, les Etats-Unis ont également commencé à sélectionner des volontaires pour un vol simulé. Il est vrai, il ne durera que quatre mois.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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