Anadyr, Tchoukotka. Les façades ont été rénovées grâce aux subsides de son gouverneur, le milliardaire Abramovitch.
La province la plus orientale de Sibérie vit un miracle économique grâce à son gouverneur milliardaire, mécène loyal au Kremlin et patron du club de football londonien de Chelsea.
Loin, si loin de Moscou, dans leur blanche toundra balayée par la bise qui pique le visage, Vassili et Maïa, Volodia et Lera ont déjà glissé leur bulletin dans l’urne. Emmitouflés dans leurs vestes, bonnets et bottes traditionnels en fourrure de renne, ces éleveurs tchouktches, comme quelques dizaines de milliers de Russes isolés, étaient autorisés à voter avant le 2 décembre pour les législatives. Le bureau de vote s’est déplacé en véhicule à chenilles, la semaine dernière, jusqu’à leurs deux yarangas, les grandes tentes tchouktches en peau, plantées à une centaine de kilomètres de la métropole régionale, Anadyr.
Nous sommes en Tchoukotka, la région la plus orientale de Sibérie, face à l’Alaska, à 6 200 km à vol d’oiseau de Moscou. Et neuf heures de décalage. Une province au climat extrême, si isolée que ses habitants (russes à 66 %, autochtones à 20 %) appellent le reste du pays «le continent».
La Tchoukotka a littéralement ressuscité depuis que Vladimir Poutine a désigné un gouverneur hors du commun, élu en 2000 : le milliardaire Roman Abramovitch, surtout célèbre comme patron du club de foot londonien de Chelsea.
Dans la toundra, par – 25°C, Lera laisse ouvert le rabat de sa yaranga pour faire entrer les derniers rayons du soleil, à 14h30. À l’intérieur, envahi par la fumée du foyer, la jeune femme offre au visiteur une côte de renne bouillie. Lera a voté « pour Russie unie, bien sûr ».
«Tant qu’il y a de la viande»
Le parti du président n’a tout simplement pas de concurrence dans cette région de 52 000 âmes dispersées sur une étendue vaste comme 1,3 fois la France. La Tchoukotka n’envoie qu’un seul député à Moscou (sur 450). L’unique concurrent est un candidat du parti nationaliste LDPR de Vladimir Jirinovski.
Arkadi Makouchkine, responsable du «kolkhoze», ainsi que l’on désigne encore l’élevage de rennes, est venu de Kantchalan en hélicoptère, l’autobus régional. Il est un des neuf membres locaux de Russie unie. «Bien sûr, nous redoutons le jour où Roman Arkadievitch Abramovitch s’en ira, et le départ de Poutine. Mais tant qu’il y a de la viande…», relativise-t-il.
Imperceptible dans la toundra, le «miracle Abramovitch» est frappant à Anadyr. Vue d’hélicoptère, la ville de 11 000 habitants semble construite en Lego. Les barres d’immeubles soviétiques de cinq étages s’alignent comme des petites briques colorées en bleu, rouge, jaune ou mauve. «Avant, c’était gris, sale, boueux», se souvient un habitant.
Hormis les bateaux échoués sur les rives du fleuve Anadyr gelé, tout en ville semble neuf. La centrale thermique à gaz (2006), le magnifique palais de la culture au profil d’ours blanc, le cinéma et son cybercafé. À la maternelle «Conte de fée», ouverte cette année, le «milliardaire du président» a fait venir exprès un peintre décorateur de Moscou. Les gosses partent en vacances au bord de la mer Noire aux frais de l’administration. Le directeur de l’hôpital doté d’équipements modernes, Alexandre Maslov, est fier d’avoir divisé par quatre, en six ans, la mortalité infantile, la ramenant au meilleur niveau de Russie.
«Le climat est rude, concède une vendeuse gitane du marché, venue de Rostov-sur-le-Don, mais ici au moins, il n’y a pas de mafia !» Plusieurs résidants renchérissent : «Un gouverneur déjà milliardaire ne te vole pas.»
L’économie de la Tchoukotka, sinistrée il y a six ans, vit encore sous perfusion des subventions fédérales et de l’aide des deux fonds alimentés par Roman Abramovitch à hauteur de deux cents millions de dollars en 2007. Mais les projets visant à l’autosuffisance se multiplient. La production d’or augmente de nouveau, une raffinerie est prévue pour enfin exploiter le pétrole local. Natalia, dynamique professeur d’anglais du lycée, résume l’état d’esprit général : «Avant Abramovitch, il n’y avait pas d’espoir.»
Dans ce contexte paternaliste, la ville est presque totalement acquise à Russie unie. Les drapeaux du parti présidentiel ornent le hall de l’hôtel Tchoukotka, les caisses du supermarché, l’aéroport. Et personne n’y trouve à redire.
Bien sûr, derrière les façades colorées, tout n’est pas rose. À l’intérieur, des appartements sont encore délabrés. Même si les salaires sont élevés et attirent du monde, la vie est chère. Le prix du pain est deux fois plus élevé qu’à Moscou, celui du kilo d’orange, trois fois. L’alcoolisme, comme dans l’ensemble de la Russie, fait toujours des ravages dans les villages, constate la Croix-Rouge. Certains, comme cette mère fatiguée, ne rêvent que de quitter une région «où il n’y a pas d’avenir pour les enfants». Les hiérarques du Kremlin peuvent néanmoins dormir tranquilles. Ce n’est pas du bout de la Sibérie que soufflera une «révolution orange» .
Loin, si loin de Moscou, dans leur blanche toundra balayée par la bise qui pique le visage, Vassili et Maïa, Volodia et Lera ont déjà glissé leur bulletin dans l’urne. Emmitouflés dans leurs vestes, bonnets et bottes traditionnels en fourrure de renne, ces éleveurs tchouktches, comme quelques dizaines de milliers de Russes isolés, étaient autorisés à voter avant le 2 décembre pour les législatives. Le bureau de vote s’est déplacé en véhicule à chenilles, la semaine dernière, jusqu’à leurs deux yarangas, les grandes tentes tchouktches en peau, plantées à une centaine de kilomètres de la métropole régionale, Anadyr.
Nous sommes en Tchoukotka, la région la plus orientale de Sibérie, face à l’Alaska, à 6 200 km à vol d’oiseau de Moscou. Et neuf heures de décalage. Une province au climat extrême, si isolée que ses habitants (russes à 66 %, autochtones à 20 %) appellent le reste du pays «le continent».
La Tchoukotka a littéralement ressuscité depuis que Vladimir Poutine a désigné un gouverneur hors du commun, élu en 2000 : le milliardaire Roman Abramovitch, surtout célèbre comme patron du club de foot londonien de Chelsea.
Dans la toundra, par – 25°C, Lera laisse ouvert le rabat de sa yaranga pour faire entrer les derniers rayons du soleil, à 14h30. À l’intérieur, envahi par la fumée du foyer, la jeune femme offre au visiteur une côte de renne bouillie. Lera a voté « pour Russie unie, bien sûr ».
«Tant qu’il y a de la viande»
Le parti du président n’a tout simplement pas de concurrence dans cette région de 52 000 âmes dispersées sur une étendue vaste comme 1,3 fois la France. La Tchoukotka n’envoie qu’un seul député à Moscou (sur 450). L’unique concurrent est un candidat du parti nationaliste LDPR de Vladimir Jirinovski.
Arkadi Makouchkine, responsable du «kolkhoze», ainsi que l’on désigne encore l’élevage de rennes, est venu de Kantchalan en hélicoptère, l’autobus régional. Il est un des neuf membres locaux de Russie unie. «Bien sûr, nous redoutons le jour où Roman Arkadievitch Abramovitch s’en ira, et le départ de Poutine. Mais tant qu’il y a de la viande…», relativise-t-il.
Imperceptible dans la toundra, le «miracle Abramovitch» est frappant à Anadyr. Vue d’hélicoptère, la ville de 11 000 habitants semble construite en Lego. Les barres d’immeubles soviétiques de cinq étages s’alignent comme des petites briques colorées en bleu, rouge, jaune ou mauve. «Avant, c’était gris, sale, boueux», se souvient un habitant.
Hormis les bateaux échoués sur les rives du fleuve Anadyr gelé, tout en ville semble neuf. La centrale thermique à gaz (2006), le magnifique palais de la culture au profil d’ours blanc, le cinéma et son cybercafé. À la maternelle «Conte de fée», ouverte cette année, le «milliardaire du président» a fait venir exprès un peintre décorateur de Moscou. Les gosses partent en vacances au bord de la mer Noire aux frais de l’administration. Le directeur de l’hôpital doté d’équipements modernes, Alexandre Maslov, est fier d’avoir divisé par quatre, en six ans, la mortalité infantile, la ramenant au meilleur niveau de Russie.
«Le climat est rude, concède une vendeuse gitane du marché, venue de Rostov-sur-le-Don, mais ici au moins, il n’y a pas de mafia !» Plusieurs résidants renchérissent : «Un gouverneur déjà milliardaire ne te vole pas.»
L’économie de la Tchoukotka, sinistrée il y a six ans, vit encore sous perfusion des subventions fédérales et de l’aide des deux fonds alimentés par Roman Abramovitch à hauteur de deux cents millions de dollars en 2007. Mais les projets visant à l’autosuffisance se multiplient. La production d’or augmente de nouveau, une raffinerie est prévue pour enfin exploiter le pétrole local. Natalia, dynamique professeur d’anglais du lycée, résume l’état d’esprit général : «Avant Abramovitch, il n’y avait pas d’espoir.»
Dans ce contexte paternaliste, la ville est presque totalement acquise à Russie unie. Les drapeaux du parti présidentiel ornent le hall de l’hôtel Tchoukotka, les caisses du supermarché, l’aéroport. Et personne n’y trouve à redire.
Bien sûr, derrière les façades colorées, tout n’est pas rose. À l’intérieur, des appartements sont encore délabrés. Même si les salaires sont élevés et attirent du monde, la vie est chère. Le prix du pain est deux fois plus élevé qu’à Moscou, celui du kilo d’orange, trois fois. L’alcoolisme, comme dans l’ensemble de la Russie, fait toujours des ravages dans les villages, constate la Croix-Rouge. Certains, comme cette mère fatiguée, ne rêvent que de quitter une région «où il n’y a pas d’avenir pour les enfants». Les hiérarques du Kremlin peuvent néanmoins dormir tranquilles. Ce n’est pas du bout de la Sibérie que soufflera une «révolution orange» .
Le Figaro
Fabrice Nodé-Langlois, envoyé spécial à Anadyr.
28/11/2007 Mise à jour : 20:59
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