samedi 10 novembre 2007

Du vin français à la russe


Par Anastassia Elaïeva, RIA Novosti.

La Russie tend à consommer de plus en plus de vins de luxe, constate IWSR (International Wine and Spirit Record). La demande de vins de bonne qualité (plus de 7 euros la bouteille) a bondi de 161,33% entre 2000 et 2005.

Une classe de consommateurs optant pour des produits de haute qualité est en train de se développer en Russie. C'est à elle que s'adresse la compagnie Château le Grand Vostock, premier établissement vinicole russe en cycle complet, créé avec le concours de spécialistes français et placé sous leur contrôle.

La construction d'un château sur les terres d'un ancien sovkhoze situé dans le sud du territoire de Krasnodar a commencé en mai 2003. N'ayant pas trouvé d'équivalent adéquat dans la langue russe, les dirigeants du projet ont décidé de conserver le terme français de "château" pour désigner le site, explique Elena Denissova, directrice financière de Château le Grand Vostock.

Afin d'assurer une qualité exclusive aux vins, les auteurs du projet ont invité en Russie le Français Franck Duseigneur, spécialiste de la viticulture et du vin, à présent directeur général de la compagnie. Lui et ses collègues français, dont sa femme Gaël Brullon, vivent sur le site afin de pouvoir surveiller en permanence l'ensemble du processus, de la culture de la vigne à la mise en bouteille.

Pour les jeunes Français, qui n'avaient que 27 ans en 2003, c'était une belle occasion de participer à un projet extraordinaire et de réaliser leur souhait de découvrir un nouveau terroir, ainsi que la culture russe qui leur était jusqu'alors inconnue, raconte le viticulteur en chef de l'entreprise. C'est l'adoption du terme de "château", supposant à la fois la gestion des vignes et de l'entreprise vinicole, qui constitue le principal élément novateur du projet, selon lui.

Les Français aiment la vigne et la chérissent comme un enfant. Or, toute une série de procédés techniques proposés par les spécialistes de France ont été mal accueillis au premier abord par les employés russes qui n'arrivaient pas à percevoir le sens des innovations françaises et allaient même jusqu'à organiser des grèves, soupçonnant le viticulteur de vouloir diminuer les vendanges. Ils ne comprenaient pas par exemple pourquoi ils devaient attendre le froid pour cueillir le raisin. Mais le résultat les a entièrement convaincus.

En juillet 2004, la première dégustation du vin de ce château a eu lieu à Moscou, rassemblant oenologues et journalistes experts en la matière. Personne ne pouvait croire à l'existence d'un vin premium en Russie, poursuit Elena Denissova. Le deuxième élément suscitant une certaine méfiance était la remise en question de la stabilité de l'entreprise.

Le principal problème du marché du vin russe est lié à la mauvaise connaissance du consommateur des bases de l'industrie vinicole et à l'absence de culture vinicole, offrant par la même occasion un libre champ d'action aux producteurs et fournisseurs malhonnêtes. Néanmoins, il est évident qu'une nouvelle classe de consommateurs, souhaitant acheter du vin de qualité à un prix raisonnable, est en train de naître.

Les informations sur la structure des ventes de la compagnie illustrent parfaitement cette tendance positive. En 2005, les vins bon marché représentaient 70% des produits vendus. Les deux vins les plus chers (plus de 300 roubles, soit plus de 10 euros) ne concernaient que 10 à 13% des ventes. Aujourd'hui, cette catégorie de vins représente 30% des ventes mensuelles. "Nous coopérons avec Château le Grand Vostock depuis déjà trois ans, indique Manvel Tadevossian, administrateur du restaurant moscovite Godounov. Leurs vins se distinguent par leurs qualités gustatives. C'est un vin excellent qui plaît à nos clients".

L'année 2006 a été une véritable aubaine pour les producteurs russes en raison de la suspension des livraisons de vins et des ingrédients nécessaires à sa fabrication en provenance de Moldavie et de Géorgie. Dans ces conditions, les ventes de Château le Grand Vostock ont augmenté de 200%. Cependant, cette année record a été assombrie par de fortes gelées qui ont détruit la plupart des vignes dans le territoire de Krasnodar. A cause de ces gelées, les producteurs russes ont dû recourir à des importations à grande échelle de matières premières de très mauvaise qualité. La compagnie, quant à elle, n'a pas eu besoin de recourir à des importations au moment de la crise, utilisant les vendanges des années précédentes. Cependant, en raison des gelées de 2006, la compagnie frôle actuellement le déficit.

Pour remédier à ce problème, le Château le Grand Vostock a dû, comme la plupart des vignerons en 2006, acheter des matières premières. Mais l'entreprise n'a pas opté pour des importations d'Iran ou du Chili, choisissant plutôt de se tourner vers la France. A cause de la crise de surproduction et des subventions européennes versées aux viticulteurs, les prix des vins (hormis les vins de luxe) sont inférieurs au prix de revient. Le fournisseur que Franck Duseigneur a sélectionné a choisi des vins qui correspondaient aux préférences gustatives des Russes: légers, fruités avec des notes florales.

La compagnie continue de se développer sur le marché russe. En 2007, le volume des ventes du Château le Grand Vostock a augmenté de 50% par rapport à l'année record de 2006. Chaque année, l'entreprise plante de nouvelles vignes, dont 100 hectares en 2007. La production de la compagnie devrait doubler d'ici 2011. Par ailleurs, rappelons pour mémoire qu'en 2014, la ville de Sotchi qui se trouve non loin du site, accueillera les Jeux Olympiques d'hiver...

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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