samedi 24 novembre 2007

Traité FCE: la Russie et l'OTAN entre patience et indifférence


Par Alexeï Arbatov, membre du Conseil scientifique du Centre Carnegie de Moscou, pour RIA Novosti

Une question se pose en toute logique: quel était l'objectif poursuivi par Moscou en introduisant le 13 décembre un moratoire sur l'application du Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE)? Si la Russie voulait que ce traité cesse d'exister, elle s'en serait retirée conformément à l'un des articles, après avoir informé préalablement les autres signataires. Le fait que Moscou ne le fasse pas et préfère un moratoire témoigne sans aucun doute que l'objectif de sa politique est de sauver le Traité en incitant l'OTAN à ratifier dans les plus brefs délais le Traité FCE adapté.

Dans ce cas, la Russie lèvera son moratoire et appliquera le Traité adapté qu'elle avait ratifié en 2004.

La réaction de nos partenaires signataires du Traité face à ce qui se produit ne satisfait pas Moscou. L'Occident continue d'invoquer les accords d'Istanbul de 1999. La Russie a retiré ces jours-ci, avant terme, ses bases militaires de Géorgie, mais ses soldats de la paix restent en Abkhazie, en Ossétie du Sud et en Transnistrie où un petit contingent russe séjourne également afin de protéger les stocks de munitions qui s'y trouvent. L'OTAN continue d'invoquer tout ceci en se référant perpétuellement aux accords d'Istanbul. En réponse, la Russie rappelle que les accords d'Istanbul ne prévoyaient pas de date précise pour le retrait des militaires, mais uniquement un accord à ce sujet, par exemple, avec la Géorgie où restent non pas les bases, mais un contingent de paix, ce qui change radicalement le tableau. Le retrait des soldats de la paix dépend non pas du Traité FCE, mais du règlement des conflits existants.

En fait, la Russie estime que l'OTAN n'a pas de raisons valables de ne pas ratifier le Traité FCE et que l'obstination de cette organisation atteste du fait qu'elle n'est pas intéressée par ce Traité et qu'elle tente d'appliquer une politique à partir des positions de force. D'autant plus que l'OTAN s'élargit à l'Est et que sa supériorité en forces conventionnelles continue d'augmenter aussi bien sur le plan qualitatif que géostratégique (son rapprochement des frontières de la Russie).

Il convient de signaler que le Traité FCE adapté, tel qu'il a été conclu en 1999, n'arrange pas tout à fait la Russie, Moscou n'y voit qu'une étape intermédiaire avant l'établissement d'un système plus stable et équitable de confiance et de sécurité en Europe. Néanmoins, la Russie a ratifié ce document en 2004, en espérant qu'il serait ensuite complété par une série de conditions qu'elle juge importantes et qu'elle a soumises à une session spéciale sur le Traité FCE en été 2007. Par ailleurs, si les pays de l'OTAN ratifiaient le Traité FCE actuel, l'examen de ces conditions supplémentaires pourrait être remis à plus tard.

Qu'arrivera-t-il si nos partenaires européens continuent de traiter avec mépris les signaux en provenance de Moscou? Evidemment, nous cesserons alors de transmettre des informations concernant le déploiement des forces conventionnelles et n'admettrons pas les inspections de l'OTAN. Nous cesserons également de respecter les restrictions imposées aux flancs et si nous jugeons nécessaire de déployer des contingents supplémentaires dans le Caucase ou, par exemple, en Arménie, nous le ferons. Mais nous ne dépasserons pas les plafonds de nos armements conventionnels imposés par le Traité FCE. Nous n'avons pas de plans de ce genre et, d'ailleurs, le calendrier des achats d'armements conventionnels effectués par nos forces armées ne nous permet pas de dépasser considérablement ces plafonds.

La principale cause de tout ce qui se produit réside dans l'élargissement de l'OTAN à l'Est. Certes, la Russie envoie parfois de mauvais signaux, ce qui aggrave la situation, mais le principal problème réside tout de même dans l'OTAN. En raison de sa politique, aussi bien le Traité FCE signé en 1990 que le Traité FCE adapté signé en 1999, cessent d'être conformes aux objectifs initiaux. Si l'OTAN déclarait, par exemple, qu'au fur et à mesure de l'élargissement de l'alliance elle ne dépasserait pas les plafonds des armements prévus initialement en 1990 pour les 16 membres de l'organisation, cela affaiblirait l'inquiétude de Moscou. Mais, pour l'instant, l'OTAN qui s'étend à l'Est s'approprie les quotas d'armements accordés initialement aux pays membres du Pacte de Varsovie et à l'URSS. C'est l'essence même de tous les problèmes qui concernent le Traité FCE. La Russie a bien plus de raisons de résilier ce Traité que les Etats-Unis qui avaient résilié le Traité ABM en 2002, mais pour le moment, Moscou ne se hâte pas de "brûler les ponts" et espère que le bon sens reprendra le dessus en Occident.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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