Les deux poids lourds français de la littérature se sont croisés à Moscou sous les feux de la rampe
Une foule nombreuse devant la porte du centre d'art contemporain Winzavod, plus de deux cents journalistes accrédités, une dizaine de caméras et l'ambassadeur de France dans la salle. Voilà un contexte à la hauteur des "débats" organisés à Moscou entre les "enfants terribles" de la littérature française Frédéric Beigbeder et Michel Houellebecq par le groupe d'édition Atticus.
Le premier est arrivé en Russie pour présenter son dernier livre, "Au secours pardon", paru en russe chez Inostranka (l'un des organisateurs des débats) et l'autre, pour présenter son film "La possibilité d'une île".
Il était difficile de s'attendre à de quelconques révélations lors de cette réunion (pourtant très attendue du public moscovite), seul un mélange piquant entre l'allégresse d'un Beigbeder et la mélancolie paisible d'un Houellebecq étaient à prévoir. Et c'est ce qu'on a trouvé, en effet, à Winzavod.
Arrivé avec trois quarts d'heure de retard et pas trop allègre au premier abord, "Beig" a rapidement commandé de la vodka. Une fois la bouteille apparue sur la table, la conversation s'est animée. Utilisant des verres à vin, les deux vedettes de la littérature contemporaine ont fini la bouteille au bout de deux heures et ce, sans avaler aucun zakouski, devant une assistance médusée. Résultat, cet "entretien entre amis" a été loin de ressembler à des débats, les thèmes annoncés au programme (qui auraient dû mettre en valeur certains avis opposés des deux auteurs) n'ayant été effleurés qu'à la fin de la manifestation, à la demande de plusieurs spectateurs qui ont eu la possibilité de poser quelques questions au micro.
Le reste du temps, les interlocuteurs (sans trop d'enthousiasme d'ailleurs) ont répondu aux questions que lisait à haute voix l'animateur de la réunion, Sergueï Parkhomenko, éditeur des deux auteurs en Russie. Ayant entendu la question "Avez-vous jamais regardé un fleuve?", griffonnée au verso d'une addition où figuraient notamment des yaourts, Beigbeder s'est souvenu de la Neva couverte de neige en hiver, la comparant à un fleuve de yaourt. Puis il a levé son verre de vodka pour affirmer: "Voilà mon fleuve préféré". Il n'a pas cessé, par ailleurs, de poser devant photographes et cameramen avec sa bouteille de vodka dans la main.
"Tout est de la faute de la pub" ont en outre affirmé les deux "adversaires", faisant preuve d'unanimité, une fois de plus. La publicité éveille le sentiment de frustration qui est à l'origine de nombreux crimes, notamment des désordres à Paris il y a deux ans, pense Frédéric. Michel, pour sa part, s'est souvenu d'une de ses lectrices qui lui confiait dans un e-mail que se trouvant trop laide, elle entendait se suicider et réfléchissait à la meilleure façon de le faire, de sorte qu'elle puisse tuer un maximum de personnes avec elle.
Expliquant pourquoi il avait choisi la Russie comme lieu de l'action de son dernier roman, Beigbeder a avoué avec sincérité qu'ayant compris qu'on l'aimait en Russie, il avait eu envie d'y revenir plus souvent.
Interrogés en outre sur la raison pour laquelle Cécilia Sarkozy avait quitté son mari, sur leur vision de la Russie ou encore sur leur pessimisme, les deux hommes de lettres ne se sont pas une seule fois fortement contredits... Même sans aucune révélation, les "débats" ont cependant beaucoup amusé l'assistance.
Bien qu'ayant tous les deux une vision toujours pessimiste de la vie humaine, Beigbeder le jovial et Houellebecq le modeste ont su toutefois présenter un beau spectacle comique qui a diverti le public moscovite, toujours heureux de les recevoir en Russie.
Par Alexandre Pozdniakov et Anastassia Verbitskaïa, RIA Novosti.
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