jeudi 29 novembre 2007

Vladimir Poutine fait jouer le sentiment anti-américain pour discréditer l'opposition

En accusant les Etats-Unis de chercher à discréditer les législatives du 2 décembre en Russie, le président russe Vladimir Poutine poursuit sa rhétorique habituelle sur les ennemis du pays. La stimulation du sentiment anti-américain, un exercice hérité de la période de la guerre froide, est une des cordes que le maître du Kremlin aime à faire vibrer pour rallier l'opinion publique.

Au moment où s'ouvre la campagne en vue de la présidentielle du 2 mars, le recours à l'image d'une Russie entourée de forces hostiles qui veulent sa perte revient sans cesse dans le discours officiel. Entouré, lundi 26 novembre à Saint-Pétersbourg, des jeunes espoirs du parti Russie unie, qu'il conduit aux législatives, M. Poutine a affirmé que le retrait des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) était dû à des pressions américaines.
"Nous avons des renseignements, une fois de plus, selon lesquels ce retrait a été décidé sur la recommandation du département d'Etat américain", a-t-il déclaré. Il a ensuite expliqué que la Russie devait avoir une défense assez forte "pour décourager ceux qui sont tentés de fourrer leur nez plein de morve dans nos affaires".
La diatribe du chef de l'Etat russe intervient au lendemain des critiques formulées par Washington et Bruxelles au sujet de l'arrestation de l'opposant Garry Kasparov et de la brutalité avec laquelle le Kremlin a fait taire les manifestations organisées par l'opposition dans plusieurs villes russes (Moscou, Saint-Pétersbourg, Nijni-Novgorod, Nazran) en fin de semaine dernière.
Les autorités russes se sont justifiées, mardi, en accusant l'opposition d'être financée par étranger. Le numéro deux du ministère russe de l'intérieur, le général Alexandre Tchekaline, a assuré que les actions des policiers avaient été "délicates, légitimes et bienveillantes". Le général a dénoncé le financement de l'opposition "depuis l'étranger" et l'a accusée de payer ses manifestants.
LES "ENNEMIS INTÉRIEURS"
Le 21 novembre, lors d'un meeting au stade de Loujniki, Vladimir Poutine avait comparé les représentants de l'opposition à des "chacals" occupés à chercher des soutiens financiers auprès des "ambassades étrangères". Ces accusations sont, depuis, répétées en boucle par les médias officiels dans le cadre d'une campagne visant à décrédibiliser les adversaires du pouvoir.
Depuis peu, un livre, Les Ennemis de Poutine, a fait son apparition dans toutes les librairies moscovites. La maison d'édition qui le publie a beau s'appeler "Europe" (Evropa), elle est dirigée par un adepte du discours anti-occidental, Gleb Pavlovski, le principal communicant du Kremlin.
Estimant que "l'attitude hostile de l'étranger envers notre pays est compréhensible", les auteurs se concentrent sur les "ennemis intérieurs" de la Russie. Sept opposants sont évoqués (Garry Kasparov, Edouard Limonov, Boris Berezovski, Mikhaïl Kassianov, Vladimir Goussinski, Mikhaïl Khodorkovski, Andreï Illarionov), sous les traits des sept péchés capitaux. La Russie a-t-elle des amis ? La réponse est écrite dans la préface : "Son armée et sa flotte."
Marie Jégo
LE MONDE 28.11.07 14h58 • Mis à jour le 28.11.07 14h58 MOSCOU CORRESPONDANTE

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