Une fois dans la rue, Natalia réussit à se dégager. Ses agresseurs la poursuivent jusqu'à la porte de son domicile. Elle se barricade, tente d'appeler la police, mais son téléphone fixe a été coupé. De son portable, elle appelle son père, Guennadi, 74 ans, et lui demande de ramener ses filles de l'école. Quand il arrive avec elles à l'appartement, trois hommes - un en uniforme, deux en civil - sont en faction devant la porte. Ils se disent policiers. A peine Natalia ouvre-t-elle que les trois hommes se ruent dans l'appartement. Ils la jettent à terre. L'un deux s'assied sur elle, lui cogne la tête contre le sol en béton. Un autre lui marche sur les mains : "Comme cela, tu n'écriras plus." Nina, sa mère, s'interpose : elle est frappée au ventre. Les deux fillettes sont malmenées et jetées à l'autre bout de la pièce.
Pendant l'agression, l'un des policiers appelle des renforts. D'autres hommes arrivent. Entre-temps, Natalia a perdu connaissance. Menottée, elle est traînée à terre jusqu'au palier, poussée dans l'ascenseur, puis jetée à l'arrière d'une voiture. Deux policiers s'assoient à l'avant. Le troisième à l'arrière, les pieds sur le corps allongé de Natalia. Il écrase ses mégots sur le poignet de la journaliste. Elle s'évanouit, reprend connaissance au commissariat de l'arrondissement Moskovski. Elle passe sept heures dans une cellule avant d'être relâchée, pieds nus, le visage en sang, sans comprendre ce qui lui est reproché. "Au commissariat, on m'a dit qu'elle était une criminelle recherchée par Interpol", explique son père. Quand il demande ce qu'elle a fait, un policier évoque une affaire de diffamation. "Ils empestaient l'alcool", rapporte-t-il.
Natalia Petrova a travaillé en Tchétchénie pendant la première guerre (1994-1995), ainsi qu'en Abkhazie et au Karabakh. Dans les années 2000, elle était journaliste à l'agence Tatar-Inform. Citoyenne active, elle a participé à la campagne électorale de 2003, ainsi qu'aux manifestations contre l'abolition des avantages sociaux, l'année suivante.
C'est le début des ennuis. Alors qu'elle se rend à une conférence de presse en marge d'une rencontre de chefs d'Etat à Kazan, elle est passée à tabac par deux hommes. L'enquête criminelle n'aboutit pas. Natalia porte plainte. Mais elle n'a pas fait constater ses blessures par un médecin assermenté, pensant que le certificat d'un médecin de quartier était suffisant. "En Russie, les gens sont très ignorants sur le plan juridique. Nous nous heurtons sans arrêt à ce genre de problème. Dans le cas de Natalia, le témoignage du médecin de quartier sera entendu mais il ne sera pas retenu comme pièce à conviction", explique Oleg, du Comité contre la torture, une ONG qui assiste les victimes. Les policiers qui ont agressé Natalia ont, eux, tout fait dans les règles. Après s'être fait établir des certificats par un médecin assermenté, ils ont porté plainte contre la journaliste pour "voies de fait sur agents de la force publique".
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