vendredi 2 novembre 2007

Beauté : chic et pas toc

Il suffit de regarder autour de soi pour se dire que le secteur des parfums et cosmétiques doit être florissant en Russie. Dans un marché évalué à 8,5 milliards de dollars (1), la France est fortement présente tant sur les linéaires que dans l’imaginaire collectif. Mais cela suffit-il à convaincre une consommatrice russe avisée ?

Arbat Prestige, Ile de beauté, l’Etoile, Nouvelle Etoile... Les appellations françaises semblent être la formule magique de la beauté pour attirer le chaland russe. Selon Kira Hosany, chef de secteur parfumerie-cosmétique à la Mission Economique auprès de l’ambassade de France, ce phénomène témoigne directement « de la puissance de l’image de la France ». Cela va même plus loin car « de grands producteurs russes emploient des ingrédients français, par exemple les bases parfumantes, dans la fabrication de leurs produits et la mention « Made in France » est un réel argument de vente. » Face au déferlement des produits étrangers, les marques russes perfectionnent leur offre et investissent dans le marketing.

Si celles-ci se maintiennent à un niveau d’entrée de gamme, leurs concurrents étrangers occupent le terrain dès le segment moyen de gamme. « Avec l’évolution des salaires, les gens se tournent de plus en plus vers des produits à forte valeur ajoutée ou à fort contenu d’image, nous explique Pascal Hyafil, directeur général de Chanel Russie. Les femmes qui consommaient du mass-market se tournent vers du middle-market, celles qui consommaient du middle-market se tournent vers du sélectif. » Cela profite largement aux produits français même si l’on constate des prix de 10 à 30% supérieurs à ceux pratiqués en France. Cette majoration se justifie essentiellement par des taux de douane de 15% et des stratégies de marque plus élitistes à l’étranger. La « French touch » se paie.

La consommatrice russe semble prête à ce sacrifice tout en gardant un regard aiguisé. Le prix n’est pas le premier facteur décisif à l’achat, mais bien plutôt les recommandations des amies ou la composition des produits. Le directeur de Caudalie Russie, Régis Coulon, a été « frappé par la demande technique de ce marché. La consommatrice est très attentive à la composition ». Chez Chanel, on donne « un supplément de formation [aux] vendeurs car les questions sont très pointues ». L’aspect naturel et innovant des produits est essentiel pour les Russes lorsqu’il s’agit de soins pour la peau. D’où le succès de marques françaises dites naturelles qui détiennent des brevets de fabrication garantis sans parabènes (crèmes Caudalie) ou Ecocert (L’Occitane). Non, la cliente russe n’est pas obsédée par les paillettes. Jérôme Lantz, directeur marketing de l’Occitane, nous confirme que « [sa] clientèle est ouverte d’esprit car le facteur plaisir prime sur la renommée. »

Néanmoins, quand elle le peut, la consommatrice russe opte le plus souvent pour le luxe, surtout en matière de maquillage et de parfum. Pour Chanel « la Russie est le premier pays au monde en vente d’extraits purs [ndlr : extraits de parfums, les plus chers] et, en proportion, le marché du maquillage sélectif est plus important ici qu’en Europe de l’Ouest », indique Pascal Hyafil. Pour les produits anti-vieillissement, les comportements diffèrent en fonction de l’âge. Les plus de 50 ans, avec un budget réduit, sont convaincues qu’une bonne crème hydratante suffit tandis que 20% des femmes de 20 ans appliquent leur premier soin anti-rides (2). La surprise vient du côté des hommes qui achètent plus de cosmétiques qu’avant ou, plus précisément, s’en font davantage offrir par leurs femmes. Depuis deux ans, de fortes progressions de ventes sont enregistrées sur ce segment. Attention cependant, prévient Jérôme Lantz, « on constate bien un changement des mentalités mais sommes encore loin de l’ère du métrosexuel. »

Carole Guirado-Cailleau

1. Données ExpoMediaGroup Staraya Krepost in www.cosmeticsinrussia.com
2 .Données beautytime.ru in www.cosmeticsinrussia.com

Le Courrier de Russie
№ 110 du 11 au 24 octobre 2007

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