La femme russe est plus que jamais un fantasme. Sa beauté, souvent vantée, éblouit plus d’un homme et agace certaines femmes. Une chose est sûre : les Russes font très attention à elles. Paola Messana, auteur de l’ouvrage Olga roule en Jaguar, les a finement observées et écoutées. Elle était donc la personne idéale pour répondre aux questions d’une Française désireuse de gratter le vernis des apparences.
LCDR : D’après vous, pourquoi les Russes attachent-elles autant d’importance à leur apparence ?
Paola Messana : Je crois que de tout temps, les femmes russes ont été avant tout des séductrices. Au début des années 2000, nous avions réalisé avec le magazine ELLE une enquête à travers le monde auprès d’un grand nombre de femmes pour savoir ce qu’il y avait de plus important dans leur vie. Il était frappant de constater qu’en Russie, c’est la séduction qui passait avant tout. En Occident, on a un peu l’image d’une femme russe belle, et entretenue. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai écrit ce livre (ndlr : Olga roule en Jaguar) : pour démolir, ou en tous cas modifier cette image que je crois complètement fausse. Les femmes russes travaillent mais elles restent attachées à l’idée selon laquelle « l’apparence extérieure doit être impeccable ». Ce n’est pas plus mal, c’est peut-être parce qu’elles ne sont pas passées, contrairement à nous, par mai 68. Parce que mai 68, en France et dans le monde, ça a été d’un côté la libération de la femme, mais d’un autre côté aussi, une perte de féminité.
LCDR : Oui, je le pense aussi. Mais une apparence soignée, ce n’est pas aussi un indicateur de statut social ?
P. M : Non. Je pense notamment à l’une des nounous de mes enfants quand j’habitais Moscou. C’est une dame qui avait été très belle et qui, à 75 ans, continuait à faire attention à son apparence extérieure, allait chez le coiffeur, mettait des petits chapeaux, des colliers assortis au bleu de ses yeux. Et c’est une femme qui n’avait pas beaucoup de moyens. Je crois donc que la séduction et le maintien d’une apparence physique la plus agréable possible, c’est quelque chose de profondément féminin et pas seulement lié au statut.
LCDR : N’y a-t-il pas une grande différence d’approche de la beauté selon l’âge, la classe sociale ou la localisation géographique ?
P. M : Sous l’ère soviétique, les femmes n’avaient pas accès à un certain nombre de produits de beauté, notamment occidentaux, qui maintenant sont largement répandus mais coûtent très cher. En revanche, les produits en vente dans les magasins étaient souvent de très mauvaise qualité, les teintures pour cheveux irritaient énormément le cuir chevelu, etc… Donc les femmes regardaient beaucoup des émissions qui montraient comment fabriquer soi-même des onguents, des crèmes et autres baumes à partir de produits naturels.
LCDR : D’après vous, quelles sont les différences dans la conception de la beauté chez les Russes et les Françaises ?
P. M : Je pense que les Russes sont plus féminines. Elles ne vont pas mettre des robes qui cachent les formes, ni porter trop de noir. Les Françaises sont attachées au design de stylistes japonais très à la mode il y a 20 ans, qui cachaient complètement les formes des femmes. Les Russes ne se feront jamais piéger par ce genre de choses.
LCDR : Une des femmes de votre livre dit qu’avant, à 35 ans on était considérée comme finie. Selon vous, jusqu’à quel âge une femme est perçue comme jeune en Russie ?
P. M : Ca reste assez en retard par rapport à l’Occident [où] il y a des femmes qui rencontrent des hommes à 50 ans, 60 ans. Je crois que les Russes se considèrent vieilles plus jeunes : aujourd’hui, une femme de 40-45 ans se sent vieille. Avant, c’était 35 ans, ça a reculé d’une petite dizaine d’années, mais pas plus.
LCDR : Parfois les Françaises regardent certaines Russes en se disant « quel mauvais goût ! ». A votre avis, que se dit une Russe qui regarde une Française ?
P. M : Elles peuvent parfois se dire qu’elles sont peu soignées parce que les Françaises, même par rapport aux Italiennes, sont moins soignées dans les détails et moins désireuses de séduire les hommes. Mais les femmes russes que je connais s’en fichent, elles ne jugent pas et s’occupent avant tout d’elles-mêmes. En même temps, elles ne se sentent pas gênées par le fait de s’habiller parfois un peu vulgairement, ça ne les complexe pas, c’est un choix.
LCDR : Ici, le rapport au corps est différent, non ? Au bania, les premières fois, j’ai été étonnée de cette aisance dans la nudité. Etant donné que les Russes osent plus que nous en matière de tenue vestimentaire, est-ce que ce n’est pas lié ?
P.M : Je pense que oui. Mais j’ai envie de les comparer aux Italiennes. Bon, les Italiennes habitent dans un pays chaud, et c’est pour ça qu’elles sont habillées de manière beaucoup plus sexy. Cela dit, les hommes adorent. Oui, je pense que les Russes ont envie de mettre en valeur leur corps. Une femme qui a une jolie poitrine va porter des décolletés, une Française pas forcément. Je pense qu’il y a une pudeur ou un refus d’utiliser le corps comme une arme en France.
Propos recueillis par Carole Guirado-Cailleau
"Le Courrier de Russie"
> Eclairage C’est en 1990 que Paola Messana, politologue et journaliste, prend la direction du bureau AFP à Moscou. Le Prix Albert Londres récompense en 1995 son travail et celui de son équipe en Tchétchénie. Cette même année voit la parution de son premier ouvrage, Kommunalka. En 1998, elle prend la tête du groupe Hachette-Filipacchi Russie pour finalement fonder en 2004 un journal, Novi Otchevidets. Décidément prolifique, son second livre Olga roule en Jaguar est alors publié. En 2005, Paola Messana quitte la Russie. Elle dirige aujourd’hui le bureau de l’AFP à New-York.
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1 commentaire:
A Paola Messana :
Je suis Régine TEMAM, soeur cadette d'Isabelle qui, comme vous, a fait Sciences-Po à Paris.
Maman connaissait très bien votre mère, éblouissante de beauté.
Pour ma part, j'ai admiré votre souplesse et votre grâce au cours de Debolska/Foutline à Tunis.
Cdlt. Régine TEMAM - http://www.reginetemam.com
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